Homélie de la messe radiodiffusée sur RCF – Haute-Loire

La dernière béatitude

En ce temps de confinement, l’évangile de ce jour rejoint, étonnamment et par bien des aspects, ce que nous vivons actuellement, dans nos maisons. Vraiment cette Parole de Dieu peut nous redonner confiance et joie. Alors, méditons-là tout au long de cette semaine et laissons-la résonner en nous !

Les disciples sont réunis ensemble dans une maison par crainte de représailles. Mieux que confinés, ils ont verrouillé à double tour les portes du lieu, et sont dans l’angoisse et, bien sûr, dans la tristesse, puisque Celui qu’ils ont suivi et aimé est mort. Ils sont entre eux, ne sortent pas, et attendent là, sans projet, sans espérance.  Une attente longue et dépourvue de sens. Nous, nous n’avons pas fermé nos portes à double-tour mais nous ne les franchissons guère. Peut-être nous aussi, actuellement, nous vivons des moments de doute et d’angoisse face à la maladie, face à la solitude, face à l’avenir incertain. Je pense en particulier aux personnes vivant en maisons de retraites ou en Ehpad, où malgré la gentillesse et l’attention de tout le personnel soignant, le chemin des jours qui passent est rude.

Mais Dieu n’abandonne pas ceux qu’Il aime, même les plus retirés, les plus confinés, les plus barricadés, Il vient les rejoindre. Ainsi Jésus le Ressuscité rejoint ses amis et se tient au milieu d’eux. Quelle surprise ! Quel étonnement ! Peut-être aussi quelle inquiétude devant Celui qui était mort et qui, soudain, franchissant les murs et les portes, leur apparaît. Ses premiers mots sont simples et rassurants : «  la paix soit avec vous ! » (Jn 20,19).  La résurrection du Christ est source de paix. Dans le climat tendu que vivent les disciples, Jésus les invite à retrouver la paix, car Lui, le prince de la Paix, est à leur côté et il vient apaiser leurs peurs et les troubles qui animent leurs cœurs. « La paix soit avec vous », ce sont les mots qui nous sont adressés lors de chaque messe, en demandant que cette paix du Christ habite nos cœurs et toute l’Eglise. Ce sont les mots que le Christ nous adresse aussi ce matin : accueillons sa présence à nos côtés, dans nos maisons, dans nos chambres, dans nos appartements et recevons la paix qu’Il nous donne. Oui, le Christ est vraiment ressuscité et il vient à notre rencontre, là où nous sommes.

Mais la paix ne demeure jamais seule. Elle a une sœur inséparable : la joie. Les disciples en voyant les marques du Crucifié sont remplis de joie (Jn 20,20), c’est bien Lui qui est là avec eux, Lui qui a donné sa vie par amour et dont le corps porte les marques de ce don jusqu’à la croix. La joie de Pâques n’avait pas encore envahie leurs cœurs, et maintenant ils accueillent cette joie profonde que donne le Christ vivant, lui qui a vaincu la mort et « nous a fait renaître ainsi pour une vivante espérance » (1P 1, 3). La paix et la joie, dons de l’Esprit Saint par excellence, nous sont données en ce temps de Pâques où nous célébrons Jésus ressuscité. Nous aussi, dans cette période si particulière de nos vies, nous pouvons vivre de cette joie et cette paix et donner une couleur nouvelle à ce temps de confinement.

Mais, peut-être, ne sommes pas encore très convaincus par toutes ces belles paroles ? Ce serait plus simple, peut-être, si Jésus nous apparaissait. C’est en tout cas ce que pense Thomas qui refuse catégoriquement de croire les autres disciples qui lui disent qu’ils ont vu le Seigneur : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20,20). Huit jours plus tard, Jésus vient de nouveau au milieu de ses disciples et Thomas est avec eux. Jésus l’invite à toucher les plaies de ses mains et de son côté. Il lui demande de cesser d’être incrédule mais de devenir croyant. Thomas confesse alors sa foi en Celui qui est devant lui, sa foi au Crucifié ressuscité, sa foi au Christ vivant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Mais Jésus de lui répondre : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20, 28-29).

Ces dernières paroles de Jésus ne s’adressent pas seulement à Thomas mais à nous aussi. C’est en quelque sorte la dernière béatitude que le Christ nous laisse à nous, ses disciples d’aujourd’hui. Rappelons-nous que Jésus donne souvent des « béatitudes », c’est-à-dire des chemins sûrs – heureux – pour marcher à sa suite. Heureux les artisans de paix, heureux les cœurs purs, heureux les miséricordieux, heureux ceux qui sont persécutés à cause de moi… et, aujourd’hui cette dernière béatitude dans l’évangile de Jean : Heureux ceux qui croient sans avoir vu. Croire sans voir, c’est aussi l’expérience de ce temps de confinement, à commencer par ceux qui nous écoutent à la radio. Nous croyons au Christ vivant qui nous rassemble sans voir ceux et celles de notre paroisse qui, en ce dimanche, célèbrent aussi le Ressuscité, nous croyons que le Christ nous rejoint vraiment dans notre vie, alors que nous ne pouvons pas communier. Croire sans voir, c’est ce que nous vivons pour une part actuellement, mais le Seigneur nous invite à affermir avec confiance notre foi au-delà de ce que nous pouvons ou ne pouvons pas voir.

Dans sa grande miséricorde Dieu ne nous oublie pas. Et heureux sommes-nous en ce dimanche de la Miséricorde de croire au Christ ressuscité. Nous pouvons reprendre dans notre action de grâce ce que dit la 1ère lettre de Pierre : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de .Dieu garde par la foi, pour un salut prêt à se révéler dans les derniers temps. » (1 P 1, 3-5). Amen.

+ Luc Crepy,
évêque du Puy-en-Velay