Retrouvez l’homélie prononcée par l’évêque du diocèse du Puy en ce 4 ème dimanche de carême (22 mars) lors de la messe retransmise depuis les studios de RCF Haute-Loire à 9 heures.

Homélie donnée au cours de la messe radiodiffusée sur R.C.F.

1 S 16, 1b.6-7.10-13a ; Ps 22 ; Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41

En temps de covid-19, voir ou ne pas voir !

Les textes de ce jour tournent autour du thème du regard, de la vision des autres et des choses. Il est question d’aveugle, de cécité, de ténèbres mais aussi de retour à la vue et de lumière.

Voir ou ne pas voir, telle est la question, si l’on veut parler avec un peu d’humour. Voir ou ne pas voir : une question importante dans la vie ordinaire comme dans les circonstances particulières. Par exemple, en ce moment d’épidémie, que voyons-nous et que voulons-nous ne pas voir ? Ne pas voir, c’est souvent refuser la réalité telle qu’elle est. Voir c’est accepter d’ouvrir les yeux et d’accueillir la réalité avec tout ce qu’elle a de beau mais aussi tout ce qu’elle a de dur et de difficile.

Il y a des gens ou des choses que nous aimons voir, et il y a des gens ou des choses que nous ne voulons pas voir. Les circonstances actuelles d’épidémie de covid-19 nous invitent à avoir les yeux grands ouverts sur les risques de contagion, à voir cette réalité si douloureuse et si difficile avec toutes ces personnes qui souffrent ou qui meurent, avoir les yeux grands ouverts pour protéger nos proches et nous protéger nous-mêmes. Il nous faut avoir les yeux grands ouverts pour regarder la réalité en face non pas avec désespoir, mais avec réalisme, avec responsabilité et solidarité. En ce temps de crise il faut avoir un regard perçant pour discerner ce qui est bon et ce qu’il faut refuser, ce qui est la réalité et ce qui est l’apparence.

Il nous faut acquérir un regard éclairé et non pas une vision obscurcie par nos ressentis, par nos inquiétudes, par notre angoisse, par notre champ de vision rétréci de manière individualiste.

Voir ou ne pas voir, tel est l’enjeu vital aussi pour notre temps actuel si difficile et si particulier.

Quand nous écoutons les textes de ce dimanche, nous voyons que cette question de voir ou de ne pas voir est au cœur même de la Parole de Dieu. Je vous propose trois petites réflexions à partir de ces textes. Tous, ils nous disent que la manière de voir de Dieu n’est souvent pas celle des hommes, et que Dieu nous apprend à regarder avec ses yeux – à sa manière –  le monde et notre prochain.

Dans la première lecture, le prophète Samuel est envoyé chez Jessé, qui a huit fils, pour désigner par une onction d’huile, celui qui sera le Roi d’Israël. Quand il arrive, il voit l’aîné, Eliab : il est grand, beau et il présente très bien ! Le prophète se dit alors que c’est surement lui que Dieu veut choisir comme roi. Et bien non, Dieu lui dit : Attention, ne te fie pas aux apparences car Dieu ne regarde pas les apparences comme les hommes, mais Dieu regarde avec le cœur, et regarde le cœur des hommes. Ainsi, c’est le petit dernier, celui qu’on n’attendait pas, celui qui garde le troupeau, David, qui a trouvé grâce au regard de Dieu. Dieu ne se fie pas aux apparences mais au cœur !

Voir le cœur ou se fier aux apparences. Voir ou ne pas voir. Ne pas voir le cœur, c’est regarder l’autre sous un mode superficiel, selon les apparences, le paraitre, « le look ». Voir c’est poser un regard qui désire connaitre l’autre, ce qu’il est au fond de lui-même. Voir selon Dieu, c’est accueillir l’autre avec ce qu’il est profondément.

Dans le texte de saint Paul aux habitants d’Ephèse en Grèce, il est question de lumière et de ténèbres. Dans les ténèbres on ne voit pas, dans la lumière on voit : voir dans la lumière ou ne pas voir dans les ténèbres. Paul rappelle aux Ephésiens que le Christ est Celui qui est la lumière, c’est-à-dire Celui qui peut éclairer leur vie et qui leur permet de quitter la face obscure des ténèbres. Le Christ est lumière, il nous permet de discerner ce qui est bien, ce qui est beau, ce qui est bon.

Dans l’évangile nous avons l’illustration de cette affirmation de Paul. Le Christ rencontre un homme qui est aveugle depuis sa naissance, un homme qui n’a jamais vu, un homme qui n’a jamais eu la chance de voir la lumière. Cet homme qui n’avait jamais vu, voit le jour pour la première fois. Le Christ, lumière du monde, permet à cet homme de voir, et de voir Celui qui l’a guérit. « Qui est-il celui qui m’a guéri ? » demande l’ancien aveugle. Jésus lui répond : « Tu le vois et c’est lui qui te parle ». Alors l’ancien aveugle dit : « Je crois que tu es vraiment le Fils de l’Homme », c’est-à-dire le Fils de Dieu, la lumière que Dieu envoie dans le monde.

Alors, chers amis auditeurs et auditrices, dans nos vies quotidiennes comme dans les moments difficiles que nous vivons, il est bon que nous nous laissions éclairer par le Christ. Aujourd’hui il nous faut voir clair et ne pas rester dans les ténèbres. Le Christ nous aide à discerner non pas sur les apparences, non pas en fonction de nous-mêmes, mais il nous invite à discerner ce qui est nécessaire pour aimer notre prochain, tout particulièrement en ces temps d’épidémie, en étant solidaire et responsable. Aimer notre prochain se traduit par bien des attitudes concrètes. Demandons à Dieu qu’Il nous donne sa lumière en ces moments difficiles, qu’Il nous donne en ce temps de Carême de nous laisser éclairer par le Christ pour faire face aux situations que nous avons à vivre. Jésus, le Christ, est Lumière qui nous permet de regarder et les autres et le monde à la manière de Dieu.

+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay