Dans la commune de Montclard, canton de Paulhaguet, se trouve un bien étrange lieu de pèlerinage.

Dans cette vallée ,deux petits cours d’eau : le Coutay (jadis La Cussette ) et le ruisseau de la Trinité. A la jonction de ces deux ruisseaux, s’élève une chapelle, aux flèches ardoisées qui étonne le promeneur ou le pèlerin par sa solitude.

Elle est entourée de trois sommets, plus ou moins importants qui semblent la protéger. Le plus petit, celui de Bouffelaure (« où le vent souffle », du patois « bouffà » souffler et « l’aurà » le vent) culmine à 824m. Le second, qui porte encore les ruines du château de Cusse, s’élève à 743m ; enfin, le troisième, tout proche du sanctuaire s’élève à 663m.

C’est donc là, où le chiffre 3 semble avoir une prédestination toute particulière que s’érige la chapelle de la Trinité , ou, pour les gens du pays, la maison de St Dieu le Père, qui chaque année, le dimanche suivant La Pentecôte , ouvre ses portes pour accueillir les pèlerins de tout le département.

La légende :

Comme tous les sanctuaires, la Trinité possède sa légende : Un beau jour, St Dieu le Père voulut, pour la fondation de son édifice le village de Mauvagnat, près de St Just (non loin de Brioude). Là, un païen, peu désireux de voir s’implanter un si grand personnage, essaya, à l’aide d’un marteau, de frapper un ouvrier travaillant sur le chantier. St Dieu le Père, d’un revers de main, détourna le coup et dit : « Où ce marteau cherra, Mon église on construira ». Il reconnut alors que le marteau, tombé au confluent de deux ruisseaux, désignait l’endroit idéal pour y implanter son bâtiment.

Les traditions :

Plus proche de nous, des traditions populaires se vivaient à chaque pèlerinage. Parmi elle, celle du genêt : Se tenant la main, deux amoureux devaient, de l’autre, réussirent à nouer deux genêts. Une fois la tâche accomplie, ils devaient, sans se lâcher la main, ni les genêts, sauter par-dessus ces derniers sans les rompre. Alors, ils étaient certains d’avoir une vie de couple heureuse.

D’autres traditions étaient à vocation agricole : Des paysans venaient en pèlerinage faire bénir du sel et du grain pour assurer une bonne récolte. D’autres venaient acheter des médailles à l’effigie du sanctuaire, qu’ils accrocheraient à la poutre de leur étable ou bergerie afin de protéger le bétail.

Beaucoup de ces traditions sont perdues aujourd’hui.

Le sanctuaire :

Peu d’informations nous sont parvenues en ce qui concerne l’ancien sanctuaire. D’après des lithographies et gravures du XVIIIe et XIXe siècles, le bâtiment ne se distinguait pas des autres, sinon par un campanile en fer forgé, seul signe d’identification du lieu de culte.

Le second plan de l’une des lithographies nous apprend, par la présence de jardins en terrasse, l’activité agricole permanente aux abords de la chapelle. On y distingue également le « pré des oblations », pacage où l’on parquaient le bétail donné en offrande lors du pèlerinage.

La chapelle actuelle : Elle fût construite dans les années 1892 à 1894 par M. Forestier, entrepreneur au proche village de Paulhaguet. Le bâtiment est d’aspect gothique et suit les plans de l’Abbé Claude Vernet, natif de Cistrières, village voisin de La Chaise Dieu. Les financements s’élevant à 90 000F, furent trouvé par J.P Fabre, alors prieur du sanctuaire.

L’édifice est globalement en pierres du pays, sinon çà et là, notamment aux angles muraux et aux encadrements des portes, en pierre de Volvic.

La façade méridionale, ou plutôt sa partie la plus basse est probablement plus ancienne et appartenait au premier bâtiment. Deux contreforts soutiennent ce mur. Sur l’un d’eux, le plus proche du parvis, on remarque une inscription sculptée composée d’initiales, qui a été lue de deux manières différentes. La première lecture a donné : « Fecit ChalCatus Hunc Prioratum » qui signifie « Chalchat a fait construire ce prieuré » (sachant que Chalchat était prieur de la Bageasse en 1223). La seconde interprète les lettres de la sorte : « Me Fecit Heraclius de Podompniacos », « Héracle de Polignac m’a fait construire ».

Cette dernière hypothèse semble la plus plausible, car Héracle III, vicomte de Polignac était seigneur baron de Cusse à la fin du XIIeme siècle, cependant, nous ne connaissons pas, au Moyen Age d’inscription composée uniquement avec les initiales de chacun des mots d’une phrase. Il est donc difficile de se faire une idée précise sur l’origine du sanctuaire originel.

Pour en finir avec l’architecture, signalons que cinq cloches sont enfermées dans les deux tours. La plus ancienne fût fondue en 1619 et a pour parrain Jean D’Oriouze, seigneur et baron de Cusse.

L’intérieur de la chapelle, très sobre, est composé d’une nef, de trois travées et un narthex. Seuls deux chapiteaux sont sculptés de feuilles.

Sur le mur Nord, appartenant à l’ancien édifice, des sondages ont permis de révéler la présence de deux couches successives de peintures murales. Le manque de moyen ne nous permet pas d’en savoir plus aujourd’hui.

De plus, un enfeu se situe à gauche de l’entrée, dans le pan de mur ancien. Là aussi, au fond de la niche apparaissent deux couches de peinture. Peut être nous permettraient elles d’en savoir plus sur l’occupant du sarcophage que protège cette niche… Là encore, plusieurs hypothèses : En l’année 1647, le curé de Solignac Sur Loire, l’abbé Roche prétend que le seigneur de Cusse, ayant fait ouvrir le tombeau, y trouva « un homme tout entier, qui avait la barbe jusqu’à la ceinture et qui faisait beaucoup de miracles ». Un texte du XVIIIeme siècle rejoint cette hypothèse en avançant que le tombeau renferme « les reliques d’un saint personnage ». Plus récemment, l’abbé Flandin de Paulhaguet, plus prosaïque que ses prédécesseurs, pensait qu’il s’agissait simplement des restes des seigneurs de Cusse.

Le pèlerinage :

Il y a seulement quelques décennies, le pèlerinage s’effectuait sur deux jours, débutant le samedi (une messe avait lieu à minuit), et se poursuivant jusqu’au dimanche soir. C’était aussi un jour de foire, ou beaucoup de marchands au début du siècle (qui allaient du colporteur, jusqu’à paysan du village voisin), jusqu’à plus du tout aujourd’hui, profitaient de l’occasion.

Arrêté pendant quelques années durant la guerre 39/45 (le sanctuaire était le lieu de refuge du groupe de résistance paulhaguetois), le pèlerinage reprit grâce au Père Michel Giraud.

Historiquement, c’est dans un procès à propos d’un droit de passage qu’est cité pour la première fois le pèlerinage de La Trinité , en 1450. Les faits se rapportent à l’année 1405. Il est mentionné qu’ »il y avait plusieurs pèlerins qui allaient en pèlerinage ; les uns à St Lazer, les autres à La Trinité et les autres au Puy. »

En outre, un texte antérieur à 1417, concernant les paroisses de la région, cite le prieuré de Cusse, le prieuré et la cure de Montclard, mais nullement un sanctuaire, ni un pèlerinage de La Trinité.

Nous pouvons alors penser que le sanctuaire, sinon le pèlerinage date a priori de la fin du XIVe ou du début du XVéme siècle.

Bibliographie : « La Trinité » par Pierre Cubizolles, 1983.Cécile Glaise 
cecile.glaise@laposte.net