Chers amis,

En ce jour de fête, votre venue à l’évêché est un honneur pour le diocèse dont je suis le pasteur et votre présence est pour moi une grande joie. C’est pourquoi, je me sens poussé à assurer chacun de ma profonde amitié.

Cher frère dans l’épiscopat, cher Georges, avec délicatesse et sans ménager ta peine, tu as répondu à mon invitation. Malgré ta lourde charge et de nombreuses missions, tu as pris le temps de venir jusqu’à nous. La presse s’est faite à juste titre l’écho de tes mérites. Je ne les rappellerai donc pas ici. Qu’il me suffise de dire qu’au sein de notre épiscopat, ta sagesse est reconnue de tous et ton attention à l’égard de chacun très appréciée. Alors que tu étais encore vice-président de notre conférence épiscopale, ton habileté à faire aboutir nos débats, qui risquaient parfois de s’enliser, a été admirée plus d’une fois.

Monseigneur Jean Legrez, évêque de Saint-Claude, est un très cher ami. Mes liens anciens et profonds avec l’Ordre auquel il appartient m’ont permis de voir en lui un vrai fils de saint Dominique, un fils humble, à l’intelligence pénétrante et au cœur ardent.

Avec déférence, je salue notre Secrétaire d’Etat et notre Maire. Je tiens à l’assurer de ma prière pour l’heureux accomplissement d’une mission exigeant lucidité, courage et bienveillance à l’égard de tous. Permettez-moi, Monsieur le Maire, de vous dire combien je me réjouis d’une souscription lancée, sous vos auspices, par la Fondation du Patrimoine, en vue de la restauration de la statue de Notre-Dame de France, une célébrité nationale. Permettez-moi aussi de vous demander de transmettre ma vive gratitude à ceux qui, par leur travail et leur dévouement, ont efficacement contribué à l’embellissement de notre ville pour les fêtes mariales.

Je tiens aussi à exprimer ma respectueuse considération aux autorités politiques et civiles de notre département ainsi qu’à ceux et celles qui représentent parmi vous le service public ou les grandes institutions de notre pays. Il m’est agréable d’ajouter que, dans le respect mutuel de nos tâches, notre collaboration en vue du bien de tous constitue une juste expression de ce qu’on appelle la « laïcité à la française ».

En ce jour d’espérance, ma pensée et ma prière se tournent vers ceux qui connaissent – parfois subitement – la rude épreuve de la maladie ou celle – non moins redoutable – de souffrances intérieures engendrant de grandes tentations de découragement. Ces frères et sœurs ont une place particulière dans mon cœur de pasteur.

À mon cher diocèse, représenté par nombre d’entre vous, je redis volontiers ma gratitude, pleine d’admiration et d’affection. Certes, les difficultés ne manquent pas mais il nous faut les transformer en défis stimulants. Continuons donc à aller ensemble de l’avant dans une joyeuse espérance, fortifiée par la fête de ce jour. Ainsi nous pourrons plus facilement mener à terme de nombreux chantiers pastoraux et, selon l’urgence du moment, en ouvrir d’autres avec pour unique souci d’annoncer toujours mieux la Bonne nouvelle de Jésus-Christ, Sauveur du monde.

En cette année du sacerdoce, voulue par Benoît XVI et placée sous la protection du curé d’Ars, j’invite mon diocèse à favoriser, par diverses propositions, la maturation et l’aboutissement des vocations sacerdotales que le Maître de la moisson ne manque pas de susciter dans les cœurs de la génération montante. « Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes » disait sans langue de bois saint Jean-Marie Vianney…

En ce jour de fête, notre cité possède une nouvelle beauté grâce au message de paix, de confiance et de joie qui rayonne de notre sanctuaire marial. C’est pourquoi nous comprenons aisément que de très nombreuses personnes, affamées de vérité et à la recherche d’un amour plénier et définitif, gravissent avec ardeur le Mont-Anis pour entrer dans la cathédrale où la Vierge Noire les accueille. Il y a quelque temps, des compteurs installés aux quatre portes de Notre-Dame du Puy nous ont réservés une heureuse surprise. En effet, nous avons découvert que les entrées se situaient entre 4500 et 5000 par jour. De tels chiffres confirment que Notre-Dame du Puy est le monument phare de notre ville et même de notre département.— : —

Depuis l’an dernier à pareille époque, de nombreux événements dignes de retenir notre attention se sont produits. Je me contenterai de citer les États généraux de la Bioéthique, excellente initiative à laquelle l’Église de France a participé activement. Ainsi que les médias l’ont relaté, ces États généraux ont mobilisé quantité d’énergies et suscité des débats aussi utiles qu’animés. Souhaitons que le Parlement français, appelé à légiférer, tienne compte de ce qui a été dit en faveur du développement de la culture de la vie.

Une nouvelle loi élargit les possibilités de travailler le dimanche. Je ne suis pas le seul dans l’épiscopat à m’en inquiéter sérieusement. En défendant le principe intangible du repos dominical, principe souffrant des exceptions mais non point des dérogations, l’Église catholique souligne que le Jour du Seigneur est aussi « le jour de l’homme » [1], un jour favorisant donc la cohésion sociale tout en demeurant le signe nécessaire que « l’homme ne vit pas seulement de pain » [2].

Il y a quelques mois a surgi une crise financière et économique dont l’ampleur et la durée n’ont certes pas surpris les observateurs honnêtes et perspicaces. Peu de pays ont échappé à ce « tsunami » causé en partie par l’avidité et la cupidité. Parmi les effets dévastateurs de l’ouragan financier, il y a un chômage accru, causant de nouvelles souffrances à ceux qui gagnent modestement leur vie. Je me réjouis de tous les efforts entrepris pour remédier à une telle situation. Il y sûrement encore beaucoup à faire car le fléau du chômage continue à interpeller directement chacune de nos consciences : demandons-nous comment vivre mieux, avec moins, en vue de partager davantage ? Pour notre Eglise diocésaine, cela signifiera réfléchir sur les nouvelles initiatives que nous pouvons prendre au service des petits et des pauvres.

La crise est-elle derrière nous ? Rien n’est moins sûr même si, ici et là, des signes de reprise apparaissent. Quelle leçon allons-nous donc tirer des moments difficiles que nous connaissons encore ?

Dans un document récent, intitulé « Caritas in veritate » [3], Benoît XVI nous livre sa pensée que je qualifierais volontiers de prophétique. La question à laquelle Benoît XVI veut répondre est celle-ci : nous parlons beaucoup de la nécessité d’assurer sur des bases solides le développement de l’homme et celui des peuples mais que signifie donc le terme « développement » ? Afin de répondre correctement, affirme le pape, il faut se souvenir en tout premier lieu que l’homme est une personne. A ce titre, il a une dignité qui lui est propre et une finalité d’une grandeur unique. C’est pourquoi « tout programme de développement doit prendre en compte non seulement la croissance matérielle mais encore la croissance spirituelle de la personne humaine, dotée d’âme et de corps » [4].

Il en résulte à l’évidence que le politique, l’économique et le social ne peuvent faire abstraction de l’éthique sans courir à l’échec et même – disons-le de manière brutale – à la ruine complète.

Avec une audace inouïe, le Pape ajoute que le religieux chrétien peut rendre un service particulier à la construction de la cité des hommes. En effet, il y a chez l’homme une recherche insatiable de l’absolu dans l’ordre du vrai et du bien. Cette recherche ouvre l’esprit humain à la question de la transcendance et le dispose à la Révélation, en Jésus Christ, de « ce que l’œil n’a pas vu, ni l’oreille entendu » [5]. A propos de la Révélation chrétienne, le Pape affirme : « C’est la conscience de l’amour indestructible de Dieu qui nous soutient dans l’engagement, rude et exaltant, en faveur de la justice, du développement des peuples avec ses succès et ses échecs, dans la poursuite incessante d’un juste ordonnancement des réalités humaines. L’amour de Dieu nous appelle à sortir de ce qui est limité et non définitif ; il nous donne le courage d’agir et de persévérer dans la recherche du bien de tous … » [6].

À partir de telles considérations sur ce qu’implique un développement intégral de l’homme, Benoît XVI examine attentivement différentes questions d’une actualité brûlante. Pour en apporter la preuve, qu’il me suffise de citer un extrait de son enseignement magistral : « L’activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande ». … C’est pourquoi « la doctrine sociale de l’Eglise estime que les relations authentiquement humaines, d’amitié et de sociabilité, de solidarité et de réciprocité, peuvent également être vécues même au sein de l’activité économique et pas seulement en dehors d’elle ou « après » elle. La sphère économique n’est, par nature, ni éthiquement neutre, ni inhumaine et antisociale. Elle appartient à l’activité de l’homme et, justement parce qu’humaine, elle doit être structurée et organisée institutionnellement de façon éthique » [7].

Puisque j’ai la joie d’accueillir parmi vous des personnes exerçant des responsabilités politiques, sociales ou économiques, je leur suggère de lire attentivement « Caritas in veritate ». Nous pourrons ensuite, si vous le voulez bien, échanger des réflexions utiles au cours d’un dialogue fructueux. Je vous en remercie d’avance.— : —

L’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie nous invite à réfléchir sur le sens que nous donnons à notre vie sur cette terre qu’il nous faudra quitter un jour. Aussitôt surgissent des questions fondamentales : « D’où venons-nous ? Où allons-nous ? La mort est-elle un gouffre dans lequel un jour nous sombrerons définitivement ? La mort n’est-elle pas plutôt le passage obligé de la patrie d’un jour à la patrie de toujours ? » Afin de mieux répondre à des interrogations d’une telle importance, contemplons « la Femme enveloppée du soleil » [8], « la Femme choisie selon la Promesse pour annoncer les temps nouveaux » [9]. En effet, par la Vierge de l’Assomption, se manifeste la puissance victorieuse de la miséricorde divine, puissance plus forte que la mort, puissance ouvrant les portes de la vraie Vie. La Mère de Dieu est passée de la terre au ciel dans un pur élan d’amour, un élan s’achevant en une communion définitive avec son Fils, « la Voie, la Vérité et la Vie » [10].

Chers amis, nous sommes tous appelés à la sainteté par un salut impliquant notre relèvement. Mais il est utile, surtout aujourd’hui, de nous souvenir que « pour récolter largement, il faut semer largement » [11]. Comment y parvenir sinon en semant sans regrets et sans contrainte car « Dieu aime celui qui donne joyeusement » [12] ? En agissant ainsi au cours de notre pèlerinage terrestre, l’heure de la mort deviendra l’heure du saint amour. A ce propos, écoutons un théologien de notre temps nous en parler de manière émouvante : « Pour l’âme baptisée, pour celui qui croit, qui a lutté, qui est tombé peut-être mais qui a tâché d’aimer son Dieu, la mort est bien autre chose que le baiser du squelette : c’est la porte du temps que l’on enfonce, c’est la rencontre avec le Créateur, c’est l’entrée dans la splendeur et dans la vie ; c’est la foi qui devient vision ; c’est l’espérance qui devient possession, c’est l’amour qui éclate et s’éternise » [13].

En souhaitant à vous tous une bonne fête de l’Assomption, je demande à la Vierge Marie de garder nos cœurs dans la confiance de l’espérance !

+ Henri Brincard 
Évêque du Puy-en-Velay