Nous sommes au cœur du Carême : temps de prière, de jeûne et de partage. Cette année, nous le vivrons dans un contexte particulier, celui d’une profonde crise qui secoue notre pays et le monde. Nous le savons : une telle crise a de multiples facettes. Les conséquences en sont lourdes pour les personnes et les familles. Hélas ! Nous ne le constatons que trop : les plus fragiles et les pauvres sont les premiers et les plus gravement atteints. Cet état général engendre souffrances, angoisse du lendemain, tentation de colère, solitude et parfois désespoir… 
Ce qui se passe n’est certes pas le fruit du hasard mais bien plutôt la conséquence d’une société où, trop souvent, l’argent et le profit sont roi. L’Église n’a cessé de dénoncer cette tendance et récemment encore, le Pape Benoît XVI, lors de son homélie sur l’Esplanade des Invalides, posait de graves questions : « Le monde contemporain ne s’est-il pas créé ses propres idoles ? … Saint Paul explique aux Colossiens que la cupidité insatiable est une idolâtrie (Col. 3,5)… L’argent, la soif de l’avoir, du pouvoir et même du savoir n’ont-ils pas détourné l’homme de sa fin véritable, de sa propre vérité ? » En revanche, « Quand le souci de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes redevient prioritaire, la confiance renaît  ». 
« Lève-toi et marche  » ordonne Jésus au paralytique guéri. C’est ainsi que Jésus nous appelle avec force à ne pas rester inactifs mais à nous tourner résolument vers les autres : «  Le jeûne que je veux n’est-ce pas ceci : rompre ton pain à celui qui a faim, recueillir chez toi les malheureux sans asile, si tu vois un homme nu, le couvrir ?  ». Par la prière, le jeûne et le partage, tels que le Christ nous invite à les vivre, le Carême nous exhorte donc à la vigilance. Aussi appartient-il à chacun de réfléchir sur ses comportements et ses choix à la lumière de la Parole de Dieu, de s’informer et de faire entendre sa voix, d’oser enfin témoigner que la justice, la miséricorde ainsi que le respect de l’homme sont les vraies valeurs. 
Par le dialogue et par l’action, en vrais compagnons de route de leurs frères, beaucoup de disciples du Christ s’appliquent à être artisans de fraternité et semeurs d’espérance. Dans nos communautés chrétiennes, soutenons-nous les uns les autres pendant le temps du Carême afin d’« intensifier ce qui nourrit l’âme en l’ouvrant à l’amour de Dieu et du prochain  ». C’est pourquoi, il nous faut :

  • prier et rester à l’écoute de la parole de Dieu pour nous laisser guider par l’Esprit-Saint
  • refuser le repli sur soi, l’individualisme, le « sauve qui peut », « le chacun pour soi »
  • vivre la solidarité internationale avec le CCFD qui a plus spécialement en charge l’animation de la campagne de Carême car la crise s’acompagne des mêmes maux sur toute la planète
  • organiser à la lumière de l’Évangile des temps de réflexion et d’échanges sur les événements actuels et sur des situations très préoccupantes. En agissant ainsi, nous pourrons mieux prendre les initiatives qui s’imposent. 
    «  Donnez leur vous-mêmes à manger. » Fidèle à cette invitation de son Seigneur, la communauté chrétienne ne manquera jamais de donner à la famille humaine tout entière son soutien dans des élans de solidarité créative. Ainsi, nous libérerons-nous du superflu et ferons-nous en sorte que changent «  les styles de vie, les modèles de production et de consommation, les structures de pouvoir établies qui régissent les sociétés  ». 
    Comment puis-je mieux conclure mon message de Carême sinon en invitant le diocèse à mettre en pratique cet appel du Pape : « Que le Carême soit donc mis en valeur dans toutes les familles et dans toutes les communautés chrétiennes, pour éloigner de tout ce qui distrait l’esprit et intensifier ce qui nourrit l’âme en l’ouvrant à l’amour de Dieu et du prochain. Je pense en particulier à un plus grand engagement dans la prière, la lectio divina, le recours au sacrement de la Réconciliation et dans la participation active à l’Eucharistie, par-dessus tout à la Messe dominicale  ». 
    Oui, demandons à la Vierge Marie d’ouvrir notre cœur et de nous aider à nous libérer de tout ce qui entrave notre marche vers le Royaume de Dieu ! 
    À toutes nos communautés chrétiennes, je souhaite une sainte et généreuse montée vers Pâques.

+ Henri Brincard Évêque du Puy-en-Velay