Homélie prononcée par Mgr Henri Brincard, évêque du Puy-en-Velay, le 2 décembre 2011, à l’église Saint Laurent au Puy-en-Velay à l’occasion de la messe de sainte Geneviève, sainte patronne des gendarmes.

Chers amis,

L’église Saint Laurent nous rappelle qu’il nous faut prendre appui sur quelqu’un d’infiniment plus grand que nous. Je vous salue avec respect et reconnaissance. Comment ne pas rendre hommage, en effet, à votre mission pouvant aller jusqu’au sacrifice de votre vie. Je tiens à vous dire mon estime et à vous assurer de ma prière pour vous-même, vos familles, vos proches.

J’adresse un salut déférent aux autorités civiles et militaires venues participer à une célébration appelée à transformer nos cœurs et à fortifier notre espérance.

Les temps que nous traversons sont semés de périls. En effet, nul ne connait avec certitude l’issue de la crise financière dont l’ampleur secoue notre planète. La paix entre les hommes est aussi menacée par de multiples conflits de toutes sortes. Il est enfin permis d’éprouver quelques craintes au sujet de l’avenir de l’Europe. Mais en ces temps ressemblant étrangement aux burles soufflant en hiver sur nos hauts plateaux, il nous faut résister à un pessimisme insidieux. Comment y parvenir sinon en revenant à l’essentiel. 
En quoi consiste cet essentiel ? C’est alors que la vie de Sainte Geneviève votre sainte patronne apporte une réponse réconfortante. En effet, dans les années 451-452, Geneviève a réconforté les habitants de Lutèce effrayés par la menace que faisaient peser les Huns sur la vallée de la Seine. Plus tard, elle devait sauver la ville de la famine. Geneviève est intervenue pour empêcher la ruine matérielle, morale et spirituelle d’un peuple. Elle l’a fait en agissant résolument sous le regard de Dieu en qui elle avait mis sa foi et son espérance. 
Son exemple nous invite à une réflexion salutaire car, malgré la distance des siècles, il est d’une actualité brûlante. Placer la gendarmerie sous son patronage signifie que votre ambition est de servir l’unité de la nation, unité fondée sur des valeurs ayant pour nom : un amour sans hypocrisie, un attachement au bien moral et spirituel et donc l’horreur de ce qui détruit le cœur de l’homme, un respect les uns pour les autres, un partage avec ceux qui sont dans le besoin, enfin un accomplissement fidèle du service qui est le vôtre. L’exemple que nous laisse sainte Geneviève rappelle aussi «  qu’il ne faut jamais consentir à quoi que ce soit contre sa conscience, une conscience éclairée par la vérité sur l’homme  ».

Mais qu’est-ce que la conscience ? En définitive et de manière ultime la conscience est «  la voix de Dieu qui presse l’homme d’accomplir le bien et d’éviter le mal  ». C’est dire qu’il nous faut retourner sans cesse à notre conscience, et donc l’interroger, la suivre fidèlement, l’éclairer enfin à la lumière de la raison, lumière trouvant d’heureux et nécessaires prolongements dans la foi en Jésus Christ, « la Voie, la Vérité et la Vie ». 
Obéir à sa conscience, tel est le premier service que nous avons à rendre à la communauté humaine. Benoît XVI vient de nous le rappeler au cours d’un récent voyage en Croatie : « La qualité de la vie sociale et civile, la qualité de la démocratie dépendent en bonne partie de la conscience, de la façon dont on l’entend et de tout ce qui est investi pour sa formation. Si la conscience, selon la pensée moderne prédominante, est réduite au domaine du subjectif où sont reléguées la religion et la morale, la crise de l’Occident n’a pas de remède et l’Europe est destinée à la régression. Si au contraire, la conscience est redécouverte comme lieu de l’écoute de la vérité et du bien, lieu de la responsabilité devant Dieu et devant les frères en humanité – qui est la force contre toute dictature – alors il y a de l’espérance pour l’avenir. Revenons donc à la conscience comme clé de voûte pour l’élaboration culturelle et comme construction du bien commun. C’est dans la formation des consciences que l’Église offre à la société sa contribution la plus personnelle et la plus précieuse ». 
Parce qu’une triste actualité nous impose ce devoir, ajoutons que le mauvais exemple de certains chrétiens rend plus difficile l’accomplissement de cette tâche de l’Église, une tâche primordiale. Aujourd’hui plus que jamais la fidélité à une conscience éclairée exige courage et détermination. 
A cet égard, ne confondons jamais réussir dans la vie et réussir sa vie car s’il est vrai que les deux peuvent coïncider, il arrive aussi hélas ! que certaines réussites soient assurées au prix de grandes trahisons intérieures.

Chers amis, l’heure est au courage mais l’heure est aussi à l’espérance. Mais sur qui allons-nous fonder notre espérance ? L’Evangile d’aujourd’hui nous montre la route qui, parcourue allègrement, apporte au cœur de l’homme la tranquillité que rien ne peut ébranler. Il est question, en effet, d’un centurion romain, officier subalterne commandant un détachement d’environ cent hommes. Il vient trouver Jésus et lui présente une demande exprimant son cœur généreux. « Seigneur, mon serviteur est chez moi paralysé, et il souffre terriblement ». A Jésus qui lui propose d’aller le guérir, le centurion répond humblement : « Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri ». Devant tant de foi, Jésus opère immédiatement la guérison sollicitée. 
A notre tour, mettons notre confiance en Jésus. Lui seul peut opérer le changement profond de notre cœur, un changement nous aidant à être fidèle à notre conscience, un changement procurant aux jours d’espérance la joie profonde, un changement nous aidant enfin à tenir bon dans les épreuves. Un tel changement s’appelle la conversion. Tel le soleil caché derrière les nuages, Jésus-Christ sera, dans quelques instants, présent sur l’autel de cette église. Alors disons-lui avec foi : « Je souffre terriblement. Je cherche un sens à ma vie. Je veux consolider mon foyer et aimer d’un amour plein de sollicitude mes enfants. Je veux servir mon pays dans l’honneur et la fidélité. Jésus, guéris mon cœur. Donne-moi la force d’aimer en vérité et d’accomplir mon devoir jusqu’au bout, d’être le plus possible un artisan de la vraie paix, paix fondée sur le respect de la dignité de la personne humaine et sur la défense du plus petit. 
Un drame récent m’invite à vous lire une prière qui montre le vrai visage de la jeunesse d’aujourd’hui, une jeunesse parfois déboussolée – mais à qui la faute ? – une jeunesse dans laquelle il y a de profondes aspirations et une grande générosité. Cette prière a été composée par une jeune atteinte d’un cancer qui devait l’emporter.

Prière de la soif du Bonheur…

Savez-vous, Seigneur, ce qu’est une âme de seize ans ? 
La vie est devant moi, inquiétante, passionnante. 
Je dois m’y tailler une place ; j’ai le droit, le devoir de réussir. 
Vous m’avez mise au monde, Seigneur, pour y jouer ma vie. Voyez mon frémissant désir de posséder ma vie, l’argent comme un moyen, la carrière pour rayonner mon influence. 
Etre quelqu’un 
Un chef qu’on suit, qu’on aime. 
Mon Dieu, je vous offre tout cela. 
J’ai tout de même peur, Seigneur. 
J’ai peur de ne pas réussir. J’ai peur de traîner une existence médiocre. 
Je ne suis pas faite pour souffrir mais pour être heureuse. 
J’ai peur, mon Dieu, que votre conception du bonheur ne soit pas la mienne. 
Je sais que vous avez promis un bonheur, mais il me semble qu’il est différent de celui dont mon âme a soif. 
Que les richesses, la débauche n’apportent pas la joie, je l’admets facilement. 
Mais faut-il souffrir en ce monde pour gagner la vie éternelle ? 
Faut-il renoncer aux plaisirs que la terre nous offre ? 
Que faut-il vous sacrifier ? 
Pour être, faut-il se donner ? 
« Aimer, se donner, servir, perdre son âme » que veulent dire ces mots ? 
Je ne comprends plus, Seigneur. 
Est-ce que l’Evangile changerait ma vie ? 
La Croix ! Porter sa croix pour vous suivre… 
Mon Dieu, je veux être heureuse… 
Vous savez bien que nous avons besoin de certitude, de lumière… 
Nous ne voulons pas gâcher nos vies, et nos âmes ont trop soif de bonheur… 
Mon Dieu, éclairez-nous ! 
Mon Dieu, apprenez-nous à être heureux ! 
Ainsi soit-il.