Homélie de la messe radiodiffusée sur R.C.F. Haute-Loire
« Nous sommes l’argile, c’est Toi qui nous façonnes. » (Isaïe 64, 7)

« Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main. » (Is 64,7) Pleine de confiance et de reconnaissance en Dieu, cette belle phrase du prophète Isaïe peut nourrir notre méditation au cours des quatre semaines de l’Avent. Elle peut être aussi un fil rouge que nous gardons en mémoire tout au long de l’année liturgique qui commence aujourd’hui. En effet, la vie chrétienne, c’est, peu à peu, se laisser façonner par Dieu, notre Père, pour devenir à l’image de son Fils. C’est laisser le Père former en nous le Christ, sous l’action de l’Esprit Saint.

Le temps de l’Avent nous conduit à Noël où nous fêterons Dieu qui naît parmi nous et devient l’un des nôtres. Ainsi, ces premières semaines de la nouvelle année liturgique nous préparent à la célébration du grand mystère de l’Incarnation. L’Incarnation, c’est ce grand geste d’amour où « Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu » (Saint Irénée). L’Incarnation, c’est l’essence même du christianisme avec la venue de Dieu qui se fait homme en Jésus. Ce grand mystère – Dieu prend corps et visage humains -, trace un grand chemin de vie pour l’humanité et révèle ce à quoi nous sommes appelés par Dieu, dans la vocation même de notre baptême. Nous découvrons ainsi que le Père façonne « l’argile que nous sommes » pour faire de nous des fils, à la suite de son Fils bien aimé. Nous comprenons alors à quelle image et à quelle ressemblance Dieu nous a créés, celle de son Fils, par qui tout a été créé (Col 1,16) Par l’Incarnation, le Père appelle chacun et chacune de nous à devenir frères et sœurs et « à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur. ») (1 Co 1,9) Ainsi il est heureux de pouvoir commencer cette nouvelle année liturgique, en entrant plus profondément dans le cœur de notre foi, de notre foi en l’Homme-Dieu, le Christ Jésus.

« Nous sommes l’argile, c’est Toi qui nous façonnes. » Si Dieu nous façonne comme l’argile, c’est donc à l’image de son Fils bien-aimé pour que nous devenions à notre tour ses fils et ses filles bien-aimés. Alors, le temps de l’Avent, comme le manifeste la couleur violette des vêtements liturgiques, est aussi une invitation à la conversion : il s’agit de laisser naître le Christ, non pas seulement à la crèche, mais dans le concret de nos vies, en lui laissant plus de place, en nous laissant façonner par sa présence et par son amour. S’il y a dans la liturgie de l’Avent un cri qui résonne sans cesse, c’est « Viens Seigneur Jésus ! » Le temps de l’Avent n’est pas seulement attendre que Jésus vienne à Noël, car le Christ est déjà venu, et il reviendra – comme nous le proclamons à la messe après le récit de l’eucharistie – mais il vient chaque jour, et c’est à nous de l’accueillir et de nous laisser transformer par sa venue. La conversion de l’Avent, c’est un cœur ouvert au Christ qui vient de bien des manières dans notre monde et près de nous.

Alors, nous comprenons bien cette forte insistance de Jésus auprès de ses disciples : « Veillez ! » (Mc 13,37) Veiller car personne ne sait quand le Christ passe dans nos vies, et pourtant il passe souvent, et sans prévenir ! Il ne suffit pas de dire ou de chanter « Viens, Seigneur Jésus ! », il nous faut être attentifs aux signes de sa venue ; signes parfois discrets que nous ne voyons pas, tant nous sommes encombrés par nos activités, par nous-mêmes, par mille et unes choses. Comme dans la parabole, le maître vient à l’improviste et, si nous dormons d’un sommeil égoïste ou indifférent, nous ne l’entendrons pas venir et nous ne pourrons pas l’accueillir. Le temps de l’Avent nous rappelle cette vigilance – cette veille du cœur – pour discerner la venue du Christ dans nos existences et dans celles des autres.

Ainsi, en nous laissant transformer par la rencontre du Christ, nous laissons Dieu le Père façonner en nous l’image de son Fils. Ce n’est pas une attitude passive, qui nous ferait tout attendre de Dieu, car Il respecte profondément notre liberté, et Il ne fait rien dans nos vies sans nous-mêmes. Veiller, c’est ouvrir tous nos sens, nos capacités, notre intelligence pour reconnaître, à l’écoute de l’Esprit Saint, Jésus qui naît, qui vient en nous, qui marche à nos côtés comme les disciples d’Emmaüs. 

Si l’Avent est un temps de conversion, il est un temps de joie car il témoigne d’une bonne nouvelle : la venue du Christ pour tous ceux et celles qui sont en attente ou en recherche, en quête d’un sens, d’une rencontre, d’un évènement. En ces temps douloureux d’une épidémie qui a fait et fait encore tant de ravages, en ces temps compliqués de controverses – aussi légitimes soient-elles – sur le confinement et le déconfinement qui agitent notre Eglise, n’oublions pas d’abord d’annoncer à tous la joie de ce premier dimanche de l’Avent, qui ouvre le chemin vers Noël, le chemin de la venue de l’Emmanuel – Dieu avec nous –. Que l’Église soit vigilante, c’est-à-dire une communauté pleinement consciente de ses responsabilités et désireuse de vivre selon l’Evangile. Qu’elle témoigne du chemin de paix et de réconciliation que constitue le chemin vers Noël qui s’ouvre aujourd’hui.

Amen.

+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay