Homélie de Mgr Luc Crepy prononcée à la cathédrale du Puy à l’occasion de la fête de la Toussaint le 1er novembre 2018.

« J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté ‘‘de la porte d’à côté’’, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, ‘la classe moyenne de la sainteté’. [1] » La sainteté n’est pas pour demain quand nous serons au ciel. Le chemin de la sainteté est déjà commencé à notre baptême et s’écrit jour après jour quand nous essayons, de manière simple mais résolue, de mettre en pratique les Béatitudes.

Certes les grands saints et saintes nous révèlent combien suivre le Christ a transformé leur existence et combien, dans les choses ordinaires, ils ont su manifester l’extraordinaire de la présence de Dieu. Cependant, comme souligne le pape François, « pour être saint, il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux. » Et ajoute-t-il : « Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve. [2] » Ainsi la fête de la Toussaint nous invite à ouvrir les yeux sur les signes de sainteté que Dieu nous donne aujourd’hui dans le peuple de Dieu, et à laisser la grâce de notre baptême porter des fruits de sainteté dans nos propres vies.

L’Eglise est sainte mais composée de pécheurs. Les temps actuels, avec les divers scandales qui touchent l’Eglise, nous rappellent douloureusement que si les baptisés sont appelés à la sainteté, ils n’en sont pas moins marqués par le péché. Chacun de nous peut reprendre les paroles de saint Paul, « je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. » (Rm 7,19) Rappelons-nous alors que la sainteté n’est pas la perfection mais cette volonté d’essayer, autant que possible, de conformer notre vie aux commandements d’amour du Christ. Il est bon alors d’ouvrir les yeux sur les nombreux signes de sainteté que l’Esprit suscite dans l’Eglise et dans l’engagement des chrétiens dans le monde. N’allons pas loin, je suis sûr que dans nos familles, dans nos quartiers, dans notre société, si nous portons un regard de foi, nous sommes témoins de la « sainteté ordinaire et quotidienne » : un sourire donné, une main tendue, le soutien de personnes en difficulté, la visite de personnes malades ou isolées, le témoignage d’une prière ou d’une parole de foi… L’Esprit de sainteté, donné par Dieu à l’Eglise, est à l’œuvre aujourd’hui comme hier : il anime le cœur de ces hommes et de ces femmes dont parle le Christ : les pauvres de cœurs, les cœurs purs, les doux, les miséricordieux, les artisans de paix, les affamés de justice. Cet Esprit de sainteté se révèle aussi proche de ceux qui pleurent, de ceux qui sont persécutés, de ceux qui nous montrent le visage du Christ en tout être qui souffre. En cette fête de la Toussaint, nous rendons grâce pour tous ces signes de sainteté que Dieu nous offre : ces signes confortent notre foi et notre espérance et stimulent notre charité. La Toussaint est aussi un appel à laisser la grâce de notre baptême porter du fruit dans le chemin de sainteté que nous essayons de tracer. Bien sûr, la sanctification de tout baptisé passe par la vie de prière, par la vie sacramentelle avec l’Eucharistie et le sacrement de Réconciliation, par une vie spirituelle nourrie de la Parole de Dieu et par l’exercice de la charité envers notre prochain, et encore bien d’autres moyens que l’Eglise nous offre. Dans son exhortation apostolique sur la sainteté, le pape François nous donne quelques pistes pour nous aider à grandir en sainteté dans le monde actuel. Ainsi nous invite-t-il à développer en nous une force intérieure qui se construit sur l’endurance, la patience et la douceur. Ces trois attitudes conjuguent à la fois notre volonté d’être fidèle, notre lucidité sur notre difficulté – ou celle des autres – à avancer rapidement et notre aptitude à être bienveillant tant pour nous-mêmes que pour les autres. S’il est bien une qualité qui résume ces trois attitudes, c’est l’humilité… nous avons en Haute-Loire une belle figure de l’humilité en la personne de saint Bénilde, cet humble frère enseignant qui a tant marqué la ville de Saugues. Sainteté et humilité sont inséparables…

Une autre caractéristique du chemin de la sainteté est la joie et le sens de l’humour. Le pape François rappelle souvent combien l’Évangile est source de joie et combien la vie chrétienne s’enracine dans la joie d’être aimé par Dieu. Le sens de l’humour conjugue humilité et amour, il n’est donc pas éloigné de la sainteté, et nous invite à ne pas être de tristes saints mais à vivre de la joie de l’Esprit. Enfin, la sainteté n’est pas une affaire individualiste. Nos efforts pour tendre vers plus de sainteté sont vains s’ils nous recroquevillent sur nous, s’ils nous font oublier les autres. C’est en Eglise, en communauté que nous grandissons en sainteté, et le pape François souligne combien l’attention aux petits détails de la vie quotidienne des autres est une preuve très concrète d’amour. Dans l’Évangile, souligne-t-il, nous voyons combien l’attention aux autres se vit dans les petits détails de la vie ordinaire :

« Le petit détail du vin qui était en train de manquer lors d’une fête. 
Le petit détail d’une brebis qui manquait. 
Le petit détail de la veuve qui offrait ses deux piécettes. 
Le petit détail d’avoir de l’huile en réserve pour les lampes au cas où tarderait le fiancé. 
Le petit détail de demander à ses disciples de vérifier combien de pains ils avaient. 
Le petit détail d’avoir allumé un feu de braise avec du poisson posé dessus tandis qu’il attendait les disciples à l’aube. [3] »

Ainsi, nous comprenons mieux « la sainteté de la porte d’à côté » dont nous parlait le pape François : c’est reconnaître l’Esprit de sainteté à l’œuvre tout près de nous et en nous. Que cette fête de la Toussaint, vécue en communion avec tous les saints du ciel et de la terre, renouvelle en nous cette joie et cette force de vivre notre baptême !

+ Luc Crepy
Évêque du Puy-en-Velay

Notes

[1] Pape François, La joie et l’allégresse, 2018, § 7.

[2] Idem § 14.

[3] Idem §144