26 août 2018

Homélie de Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay, prononcée le dimanche 26 août 2018, lors de la fête de Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais.

Dans la première lecture, nous entendons Josué interpeller les tribus d’Israël : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir. » (Jos 24,15). Dans l’évangile, Jésus interpelle aussi ses apôtres : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » (Jn 6, 67). Que voulez-vous faire ? En qui voulez-vous croire ? En qui choisissez-vous de mettre votre foi, votre confiance ? Questions fortes qui jalonnent la Bible, la vie de l’Eglise et nos propres existences de croyants. La foi n’est pas un long fleuve tranquille où nous nous laissons bercer par quelques convictions et où nous nous satisfaisons de quelques pratiques, mais, comme pour les tribus d’Israël ou pour les disciples, la foi dérange, interroge, remet en question.

De fait, dans notre vie, nous faisons face à des évènements imprévus – heureux ou douloureux –, des rencontres fortes, des doutes et des remises en questions. Alors il nous faut choisir, il nous faut accepter de sortir de l’indécision ou de l’inertie et aller plus loin, tracer un chemin nouveau, oser une parole, un acte. C’est la grandeur de l’être humain que d’exercer sa liberté et de choisir, et pour les croyants, de faire le choix de Dieu en répondant à ses appels tout au long de leur vie. Tout disciple du Christ est tôt ou tard invité à faire des choix.

Ainsi, bien qu’ils aient accompagné Jésus pendant de longs mois, les disciples se trouvent dans une situation difficile. Ils ne comprennent plus ce que leur dit le Maître qu’ils ont suivi et se demandant s’ils vont poursuivre ou non le chemin commencé. Le Christ vient en effet de donner aux foules un grand enseignement où il se présente comme le « Pain de vie » et déclare que « celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » (Jn 6, 56). Jésus annonce déjà le geste qu’il fera lors du dernier repas avec les siens : il offrira à ses disciples, de partager sa propre vie à travers le pain et le vin, devenus don de lui-même à tous par sa chair crucifiée et son sang versé sur la croix. Ces paroles semblent inaudibles et beaucoup de disciples déclarent « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » (Jn 6, 60) et ils sont scandalisés. Sont-ils prêts à croire aux paroles du Christ, à reconnaitre en lui, l’envoyé du Père ? Sont-ils prêts à faire ce saut de la foi qui demande une pleine confiance, même si tout n’est pas compréhensible immédiatement ? Non, le saut semble trop rude à faire. Certains ne croient finalement pas en Jésus et l’évangile nous dit que « beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. » (Jn 6,66) Choisir de croire en la parole de Dieu, qu’est le Christ lui-même, est pourtant l’unique chemin pour devenir disciples. C’est ce qu’affirme Pierre à Jésus : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6, 68)Accepter l’imprévu de Dieu, croire en sa Parole et oser faire confiance même quand l’appel de Dieu nous dépasse et nous paraît impossible à réaliser, c’est pourtant le chemin que nous trace la première des disciples : Marie. De la conception de son Fils à sa mort et à sa résurrection, elle a cru que « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37). Oui, si nous nommons la Vierge Marie « la première des disciples » c’est parce qu’elle a pleinement fait confiance à Dieu. Les paroles de l’Ange, qui lui sont adressées, sont pourtant incroyables : devenir la mère du Fils du Très-Haut, la mère du Sauveur, tant attendu par tout le peuple d’Israël, elle qui était vierge. Et pourtant elle fait confiance : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1,38) A la différence des disciples qui n’osent pas croire en ce que Jésus leur dit de lui-même comme « Pain de vie », Marie accueille et forme en elle Celui qui sera le « pain vivant descendu du ciel ».

Dire librement oui à l’appel de Dieu et chercher à faire sa volonté, tel est le choix qu’a fait Marie. Tout au long de l’évangile, nous voyons Marie renouveler sans cesse sa confiance en Dieu et suivre son Fils, partout où il va, jusqu’au pied de la croix et au seuil du tombeau vide. Si fêter Marie – Notre-Dame de Boulogne – comme le faisons aujourd’hui, c’est rendre grâce à Dieu pour les merveilles qu’il a faites en elle et par elle, mais c’est aussi nous mettre en route à la suite de la première des disciples pour suivre le Christ. Nous aussi, nous avons à faire des choix, à chercher la volonté de Dieu et à oser prendre tel chemin plutôt que tel autre, celui qui nous semble le plus en harmonie avec l’Evangile. Quand Dieu appelle, quand Dieu interpelle, il ne donne pas des certitudes toutes faites permettant de faire le bon choix ; mais il nous invite à la confiance, à nous mettre à l’écoute de l’Esprit Saint et à discerner avec d’autres, en Eglise ce qu’il attend de nous.

Si tant et tant de pèlerins viennent prier la Vierge noire du Puy et la Vierge blanche de Boulogne – Marie – c’est qu’ils ont perçu en elle une mère qui invite ses enfants à entrer dans la confiance et à suivre dans la joie son Fils Jésus. Marie, ne dit-elle pas à Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira ! » (Jn 2,5) Une mère montre l’exemple à ses enfants et les laisse libres de choisir… une mère leur montre le chemin le meilleur pour qu’ils soient heureux et trouvent un sens à leur vie. Nous aussi, comme les tribus d’Israël appelées par Josué à choisir, ou comme les disciples invités par Jésus à le suivre ou non, notre foi nous presse à faire des choix dans tous les domaines de notre vie. Alors demandons à Marie d’être des hommes et des femmes courageux et heureux qui, comme elle, osent répondre aux appels du Christ et poser des actes, signes de notre foi, de notre charité et de notre espérance !

Notre-Dame de Boulogne, prie pour nous, accompagne-nous et conduis-nous sans cesse vers ton Fils bien-aimé : apprend-nous à devenir des croyants libres et heureux, cherchant, comme toi, la volonté du Père, à l’écoute de l’Esprit. Amen.