(Mt 2,13-15 ; 19-20)
Messe franco-malgache à Saint Julien-Chapteuil (29/12/19)
De nouveau l’ange du Seigneur apparaît à Joseph pendant son sommeil. Il lui était déjà apparu, une première fois, pour lui demander de renoncer à son projet d’abandonner Marie, enceinte du Sauveur, et de la prendre chez lui comme son épouse. Joseph est appelé, une nouvelle fois, par Dieu, à prendre soin de sa famille et à écarter le danger qui la menace, avec Hérode qui veut faire périr tous les enfants nouveau-nés. Joseph, homme juste, accueille la volonté de Dieu. Dieu lui fait confiance : Il compte sur lui pour sauver son Fils unique afin que se poursuive son grand projet de salut. D’une certaine manière Dieu, qui aurait pu régler la situation d’une toute autre manière, accepte de dépendre de Joseph, lui, le père de famille. De même que Dieu a mis sa confiance dans le oui de Marie, de même avec le oui de Joseph, Dieu offre à son Fils le oui de deux parents qui vont veiller sur lui et lui permettre de grandir. En ce sens, la Sainte Famille manifeste combien l’Incarnation du Fils de Dieu s’inscrit concrètement dans cette attention et cet amour que portent les parents à leur enfant, et plus largement combien la famille est un lieu important pour grandir en humanité.
Cependant, la vie de la Sainte Famille n’est pas simple comme en témoigne l’histoire de Joseph qui a accueilli Jésus et sa mère avec foi. Il assume cette responsabilité de père de famille, en acceptant que la réalité ne soit pas toujours facile, que la réalité ne soit pas toujours conforme à ses désirs et que les projets de Dieu dépassent ses propres projets. Marie aussi, face à tous ces évènements, les garde dans son cœur et les médite, sans peut-être en comprendre toute la signification, mais en faisant confiance à Dieu.
Les parents font vite l’expérience que leurs enfants ne sont pas tout à fait « leurs » enfants car ils traceront leur route et leur destin à leur manière. Marie et Joseph feront l’expérience que Jésus trace un chemin qu’ils n’imaginaient pas. Marie ne pensait pas se trouver un jour au pied de la croix, auprès de son Fils agonisant, comme elle n’imaginait pas la joie de ce petit matin de Pâque où son Fils ressuscité apparaît. Ainsi, Marie et Joseph, apprennent-ils très tôt à aimer l’enfant Jésus, non pas seulement avec leur propre regard mais avec un regard nouveau – le regard de Dieu -, forgé dans la foi et la confiance.
La vie de couple ou de famille n’est jamais déjà écrite. Elle est toujours à construire, et parfois cette construction au quotidien est rude. Si la famille se fonde dans l’amour du couple et des enfants, elle reste sans cesse à construire. Elle ne demeure vivante que si époux et enfants s’accueillent, jour après jour, avec leurs richesses et leurs fragilités, dans les joies et les peines du quotidien, dans les évènements heureux ou malheureux. Ce n’est pas chose facile et, bien sûr, il n’y pas de famille parfaite ni d’époux ou d’épouses parfaits, ni d’enfants parfaits ! Pourtant, dans la foi, nous sommes appelés à reconnaître en chaque membre de nos familles, une personne qui nous est donnée à aimer, à respecter et à accompagner. Nous sommes aussi invités à discerner et à accepter le projet de Dieu sur chacun ; projet parfois surprenant et dérangeant comme celui de Dieu sur ce nouveau-né qui grandira à Nazareth avec les siens.
Il ne s’agit pas d’idéaliser la famille car, tous, nous connaissons les ruptures, les douleurs et parfois même les violences qui peuvent l’habiter. Elle est une des réalités dont nous ne sommes pas pleinement maîtres, mais qu’il faut recevoir, parfois, bien au-delà de ce que nous aurions désiré ou voulu. Il nous faut accueillir l’autre – le conjoint ou l’enfant – non pas tel que nous le rêvons mais tel qu’il est. La vie conjugale et familiale est un des lieux forts de l’existence où nous apprenons à accepter la réalité telle qu’elle est et non pas telle que nous la voulons.
Enfin, rappelons-nous que dans la tradition chrétienne, la famille est la première cellule d’Église – l’ecclesiola ou église miniature – où chacun apprend à vivre selon l’Évangile. Dans une famille, on apprend aux plus grands à respecter les plus petits et, aux jeunes, à respecter les anciens et à les aider si nécessaire ; on apprend à se pardonner, à s’entraider, à partager ; on apprend à s’ouvrir aux autres, au monde et, quand la famille est accueillante, aux plus pauvres. La famille est aussi une communauté missionnaire : les parents sont les premiers missionnaires – les premiers catéchistes – car ils apprennent à leurs enfants à prier, leur parlent de Jésus et les invitent à vivre selon l’Évangile. Une famille qui essaie de vivre ainsi est un beau témoignage et son ouverture aux autres, en particulier aux amis des enfants, est une chance pour tous.
Terminons avec les mots du pape François : « Rappelons-nous les trois mots pour vivre en famille dans la paix et dans la joie : s’il te plaît, merci, pardon. Quand dans une famille, on est respectueux et qu’on l’on se dit « s’il te plaît », quand dans une famille on n’est pas égoïste et que l’on apprend à dire « merci », quand l’un se rend compte qu’il a fait quelque chose de mal et sait demander pardon, alors dans cette famille, il y a la paix et la joie. [1]»
+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay
[1] Pape François, Fête de la Sainte Famille, 29/12/2013.