L’heureux paradoxe de l’Ascension :
le Christ assis à la droite du Père et  présent avec nous, tous les jours !

Cathédrale du Puy-en-Velay, le 21 mai 2020

La fête de l’Ascension nous met devant un paradoxe quelque peu surprenant tant pour les disciples de Jésus que pour nous-mêmes : le Christ disparaît et monte auprès du Père, dans la gloire, et, en même temps, le Christ promet d’être toujours présent à nos côtés. Comment comprendre cet « heureux » paradoxe ?

Ainsi, le Christ, dans la nuée, disparaît définitivement aux yeux de ses onze disciples, pour s’asseoir à la droite du Père. Ceux-ci ne comprennent pas ce qui se passe et restent là, à fixer le ciel. Il faut que des anges les ramènent « sur terre » :
« Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » (Ac 1, 11). Ils doivent aller à Jérusalem, selon l’ordre du Christ, « afin que s’accomplisse la promesse du Père » (Ac 1, 4), le don de l’Esprit Saint. Pour les Apôtres, l’Ascension est un événement dont, sur le moment, le sens leur échappe. Peu de temps auparavant, ils pensaient même encore, que Jésus allait restaurer le royaume pour Israël (cf. Ac, 1,6), alors qu’il leur parlait de la venue de l’Esprit et leur confiait la mission d’être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre. Il leur faut donc affronter l’absence du Maître qu’ils ont suivi, accompagné, aimé et qui a donné pleinement sens à toute leur existence. Le Ressuscité, qui pourtant leur était apparu plusieurs fois et avec qui ils avaient partagé des repas, semble les avoir abandonnés pour toujours. Ils oubliaient qu’il leur avait à la fois annoncé son retour vers le Père et promis qu’il ne les laisserait pas orphelins (cf. Jn 14,18). Or, dans l’évangile de Matthieu, Jésus, juste avant de quitter définitivement ses disciples, les invite à la confiance :  il leur promet d’être avec eux tous les jours jusqu’à la fin du monde (cf. Mt 28,20). Cette absence physique du Christ ressuscité ne signifie donc pas que le lien entre Lui et ses Apôtres soit rompu, que tout ce qu’ils ont vécu avec lui disparaisse, un peu à la manière des disciples d’Emmaüs qui, tout tristes, pensaient que tout était fini. Les Apôtres, comme nous aujourd’hui, sont appelés à découvrir que la présence du Christ auprès de son Père – dans la gloire – ne signifie pas l’absence auprès de nous ; au contraire Il ne nous abandonne pas et nous envoie l’Esprit Saint qui nous permet de découvrir combien le Père et le Fils demeurent auprès de nous et en nous. Rappelons-nous qu’avant de quitter ses disciples, Jésus leur avait dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » (Jn 14, 23)

Comprenons bien, que lorsque nous disons que Jésus est monté au ciel, nous ne parlons pas d’un lieu géographique, comme d’un satellite à quelques milliers de kilomètres. Nous désignons un lieu théo-logique : le ciel, c’est le terme que nous employons pour exprimer le lieu de la présence de Dieu, ou dit autrement, avec nos simples mots humains, le ciel, c’est la maison de Dieu, la demeure de Dieu, sachant que ni le ciel, ni la terre ne peuvent contenir Dieu ! (Cf. 2 Ch 6, 18). Le ciel ne veut pas dire une distance, une séparation, un abîme inaccessible entre Dieu et nous. Quand le Christ « monte au ciel », il rejoint le Père, et comme il l’a dit maintes et maintes fois à ses disciples, il ne se sépare pas d’eux, au contraire il leur promet que le don de l’Esprit Saint leur permettra de découvrir sa présence d’une manière nouvelle de celle qu’ils ont connue, tout au long du temps passé avec lui.

Ainsi saint Paul invite les Ephésiens à prendre conscience combien le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père, met en eux la puissance de l’Esprit : « Quelle puissance incomparable il déploie pour nous, les croyants : c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. » (Ep. 1, 19-20) Quelle puissance incomparable Dieu met à l’œuvre en nous, c’est cela qu’il nous faut accueillir dans notre vie.

Célébrer la fête de l’Ascension, c’est contempler Jésus le Crucifié, le Ressuscité, le Christ entré dans la gloire de Dieu le Père ; c’est déjà le chemin qu’il trace pour ses disciples appelés à partager sa vie glorieuse comme le dit l’oraison après la communion : « Mets en nos cœurs un grand désir de vivre avec le Christ, en qui notre nature humaine est déjà près de toi. » Célébrer l’Ascension, c’est également placer au cœur de notre foi, dans notre vie quotidienne – et quand la vie est difficile et que nous doutons ou avons peur –  les dernières paroles de Celui qui monte vers le Père : « Et, moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20) Gardons précieusement ces dernières paroles de Jésus !- Pour terminer, écoutons saint Augustin, dans l’Office des Lectures de ce jour : « Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle sorte que par la foi, l’espérance et la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? Lui, alors qu’il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l’amour, mais en lui. »

En route vers la Pentecôte, vivons dans la joie cette belle fête de l’Ascension, en demandant, dans la confiance et dans la prière, comme les Apôtres au Cénacle, que l’Esprit Saint fasse de nous des témoins du Christ ressuscité !

Amen.

+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay