Homélie du Dimanche des Rameaux 2 avril 2017 prononcée par Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay, en la cathédrale Notre-Dame du Puy.

Ce grand récit de la Passion inaugure, ouvre notre Semaine Sainte. Il nous faut tout au long de ce temps privilégié qui nous conduit vers Pâques, laisser résonner en nous ce récit où Jésus jusqu’au bout affronte la mort en croix. Il sera bon de méditer sur ce dernier repas où Jésus rassemble ses disciples et leur laisse le mémorial de sa passion et de sa résurrection ; de méditer sur le procès injuste qui lui est fait, sur le reniement ou la peur de ses disciples qui l’abandonnent. Il sera bon de méditer sur la solitude de Jésus à Gethsémani, de contempler Jésus crucifié, la souffrance de Marie et les moqueries des passants. N’allons pas trop vite à Pâques mais prenons le temps de vivre jour après jour ce grand récit de la Passion du Christ.

Dans la passion du Christ, nous voyons – croyons – comment Dieu se fait homme en Jésus Christ. Quand Dieu vient partager notre humanité, quand Dieu vient marcher avec nous, Dieu épouse pleinement notre humanité dans tout ce qu’elle a de beau mais aussi dans tout ce qu’elle a de tragique, d’injuste, de souffrance et de désespoir. L’Incarnation n’est pas juste une simple descente de Dieu sur terre comme dans les mythologies anciennes où les dieux venaient faire un petit tour chez les humains et repartaient. Non, dans l’Incarnation, le Fils de Dieu, le Christ se fait pleinement, totalement homme et vit notre humanité dans toutes ses dimensions jusqu’à la mort. L’humanité de Dieu en Jésus est une humanité pleine, dense, à la fois heureuse, à la fois tragique… une humanité qui rencontre les malades, les exclus, ceux qui pleurent et souffrent… à la fois ceux qui cherchent du sens à leur vie… à la fois ceux qui construisent une existence heureuse. C’est ce que nous dit saint Paul dans la lettre aux Philippiens : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ». (cf. Ph 2, 6-11)

Face à la question du mal qui traverse toute l’histoire des hommes, pourquoi Dieu permet-il le mal ? Dans la foi, nous n’apportons pas la réponse à la question du mal, mais nous confessons que Jésus Christ, pleinement homme et pleinement Dieu, a affronté le mal, a subi le mal dans sa propre chair, n’a pas cherché à répondre au mal par la violence ou la force mais a vaincu le mal par l’amour, par le pardon, par le don de soi jusqu’à la mort.

Notre foi ne donne pas une réponse théorique à la grande question du mal, elle invite chacun à accueillir, dans la mort et la résurrection du Christ, l’expression même de la Bonne Nouvelle : Dieu, en épousant notre humanité dans ce qu’elle de plus tragique, lui ouvre un chemin d’espérance et de rédemption. C’est un chemin offert à tous, où le mal n’est pas le dernier mot de l’existence humaine, mais l’amour donné jusqu’au bout.

Et ici, en la cathédrale Notre-Dame du Puy, la grande tradition des jubilés rappelle à tous que l’Incarnation de Dieu (25 mars) est inséparable de la Passion (Vendredi saint). Marie en est la plus belle figure, elle qui a formé le Christ en sa chair, elle qui l’accompagne au pied de la croix. Elle est le témoin privilégié que quand Dieu s’incarne, de la naissance à la mort, il épouse toute notre humanité dans ce qu’elle a de plus beau et de plus terrible. Demandons ainsi à Marie de nous accompagner tout au long de la Semaine Sainte, de la Croix au tombeau vide.