16 avril 2019 à Brioude

Homélie de Mgr Crepy à l’occasion de la messe chrismale prononcée le 16 avril 2019 à la basilique saint Julien de Brioude.

Ce soir, en célébrant la messe chrismale, nous vivons un des temps forts importants – un des temps de grâce – pour notre diocèse. Ainsi, vous êtes venus, nombreux, de toutes les paroisses de Haute-Loire. Notre assemblée manifeste ce qu’est l’Eglise : le peuple de Dieu réuni dans sa diversité par le Christ, et rassemblé autour de l’évêque, avec les prêtres et les diacres. Parmi nous, il y a ceux et celles qui vont, dans quelques jours, faire pleinement partie de l’Eglise : les catéchumènes baptisés à Pâques. Egalement parmi nous, sont présents les confirmands qui se préparent à recevoir le don de l’Esprit Saint par l’onction de l’huile sainte. Tous sont particulièrement attentifs à ce que nous célébrons au cours de cette messe chrismale, puisque c’est avec cette huile nouvelle qu’ils seront baptisés et confirmés. Cette huile, que nous allons demander à Dieu de bénir, est un don pour la vie et la croissance de l’Eglise : par l’onction du saint Chrême, le Corps du Christ – l’Eglise – grandit avec la venue de nouveaux membres et fortifie chacun de ses membres par le don de l’Esprit.

Rappelons que le terme « chrétien » vient du mot « Christ » (grec), désignant Jésus comme le Messie (hébreu), c’est-à-dire celui qui a reçu pleinement l’onction de l’Esprit Saint comme nous le voyons au baptême de Jésus, où il est désigné comme le Fils de Dieu. Chrême, Christ, chrétiens : des mots issus d’une même racine qui nous rappellent que nous sommes consacrés pour devenir semblables au Christ Ainsi l’exprime la bénédiction de l’huile sainte : « tes enfants sont rendus semblables au Christ, ils participent à sa fonction prophétique, sacerdotale et royale.  » Aussi, ce soir, nous sommes tous appelés à raviver le don de Dieu fait à notre baptême et à notre confirmation. Nous avons été oints, c’est-à-dire nous avons été consacrés pour devenir fils et filles de Dieu, à la suite de Jésus le Christ, le Fils unique de Dieu. Prophètes à la suite du Christ, nous annonçons à tous la joie de l’Evangile ; prêtres à la suite du Christ, nous portons dans la prière vers le Père toutes les intentions de notre monde et de notre Eglise ; rois à la suite du Christ, nous cherchons à bâtir un royaume de justice et de paix et une maison commune où chacun trouve sa juste place.

Consacrés à la suite du Christ, nous le sommes, mais non pas pour nous-mêmes mais en vue d’annoncer à tous la force et la richesse de l’Evangile, comme une bonne nouvelle qui peut changer nos existences et leur donner un sens plus fort, plus beau, plus fraternel. Consacrés avec le Christ, nous pourrons alors reprendre les paroles du prophète Isaïe comme Jésus à la synagogue de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés… » (Lc 4, 18) Notre consécration baptismale nous envoie toutes et tous en mission dans la belle tâche d’évangélisation pour faire advenir un monde plus beau et plus solidaire qui réponde au projet de Dieu sur notre humanité. Consécration et mission sont inséparables : l’Esprit Saint nous est donné pour construire cette « Eglise en sortie » que le pape François appelle de tous ses vœux, c’est-à-dire une Église servante de l’homme et de l’action de Dieu dans notre monde actuel et, plus fortement, dans toutes ses périphéries sociales, économiques et culturelles.

Je voudrais maintenant m’adresser tout particulièrement aux prêtres de notre diocèse. Ce soir, chacun d’entre eux va renouveler les promesses qu’il a faites lors de son ordination presbytérale. Devant nous tous, ils vont affirmer de nouveau leur attachement au Seigneur Jésus qui donne sens à leur ministère et à leur vie ; leur volonté de servir l’Eglise ainsi que les hommes et femmes de notre temps en annonçant la parole de Dieu, à la suite du Christ, avec désintéressement et charité ; leur désir profond d’être des hommes de communion et de paix au service des communautés dont ils sont les pasteurs, à la suite de l’unique Bon Pasteur. En votre nom à tous, je veux rendre grâce au Seigneur pour leur foi, leur générosité et leur attention aux plus petits. Et je veux leur redire, comme évêque, toute ma confiance mais aussi celle du peuple de Dieu.

Je ne veux pas passer, bien sûr, sous silence la crise que nous vivons dans l’Eglise avec les récents scandales d’abus sexuels. Si nous prenons la douloureuse image de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, notre Eglise connaît actuellement des incendies, elle est atteinte fortement mais elle demeure debout, et il nous faut réparer les dégâts commis. Ainsi s’il faut condamner fermement tous les actes qui portent atteinte à l’intégrité des personnes, jeunes et adultes, il nous faut aussi affirmer clairement la place irremplaçable et vitale des prêtres dans la vie de l’Eglise. Avec leurs qualités et leurs fragilités, les prêtres sont pour beaucoup de baptisés le signe d’une fidélité tenue au jour le jour. Ainsi dans la vie de nos paroisses et de nos mouvements, la relation à des prêtres chastes et heureux dans leur ministère constitue pour beaucoup un espace irremplaçable de confiance, de dialogue et de vérité. Il est important que les fidèles redisent aux prêtres combien – modestement mais sûrement – leur célibat n’est pas synonyme de frustration mais signe d’une proximité à tous ; leur célibat n’est pas signe d’une sexualité égoïste mais don de soi ; leur célibat n’est pas l’expression de la seule maîtrise de soi mais aussi ouverture à l’autre. Enfin, nous tous – prêtres, diacres, laïcs, religieux et religieuses -, il nous faut être, face à cette situation actuelle douloureuse, à la hauteur des exigences de l’Evangile que nous annonçons. Cette crise, si humiliante, nous rappelle que toute responsabilité dans l’Eglise – tout pouvoir – est de l’ordre du service et se vit dans l’humilité. Serviteurs les uns des autres, cherchant à servir et non pas à être servi, nous pourrons ensemble travailler à un plus grand respect des plus petits et des plus vulnérables.

Demandons au Seigneur de nous garder les uns et les autres dans la vérité et l’humilité. Demandons à Marie, l’humble servante du Seigneur, de nous aider à suivre son Fils qui s’est fait serviteur pour tous et à le suivre de la croix jusqu’au matin de Pâques.

+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay