Homélie prononcée par Mgr Luc Crepy à l’occasion de la célébration du Jubilé d’argent de Sœur Marie du Sacré-Cœur, sœur apostolique de Saint-Jean en la cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation, le 3 février 2019.

Hier, jour de la Présentation de Jésus au Temple, toute l’Eglise fêtait les consacrés dans leur engagement à suivre le Christ et dans leur témoignage de foi et d’espérance offert à tous. Aujourd’hui, nous sommes heureux de fêter ces vingt-cinq années de vie religieuse et du renouvellement de votre engagement, avec vous chère Sœur Marie du Sacré-Cœur, au cours de cette messe dominicale, entourée par vos sœurs et par bien des personnes qui vous connaissent et vous apprécient ici au Puy.

Les textes de ce jour nous ouvrent des horizons pour rappeler à tous l’importance de la vie consacrée dans l’Eglise et dans le monde. Dans l’évangile (Lc 4, 21-30), Jésus nous fait part de sa propre expérience : être témoin du Royaume de Dieu et annoncer l’Evangile n’est pas toujours facile. Comme les prophètes, il doit affronter l’incompréhension de ses auditeurs, et même la violence de ceux qui veulent le précipiter au bas d’une montagne. Cet affrontement avec le refus de la Bonne Nouvelle le conduira jusqu’à la croix. Nous aussi, disciples du Christ, il nous faut sortir d’un confort souvent trop tranquille de notre vie de foi, pour accueillir la dimension prophétique de la vie chrétienne. Les personnes consacrées, au cours de l’histoire, l’ont souvent rappelé à tous, parfois au prix du martyre.

Saint Jean-Paul II écrit : « Notre monde, dans lequel les traces de Dieu semblent souvent perdues de vue, éprouve l’urgent besoin d’un témoignage prophétique fort de la part des personnes consacrées. Ce témoignage portera d’abord sur l’affirmation du primat de Dieu et des biens à venir, telle qu’elle se révèle dans la suite du Christ et dans l’imitation du Christ chaste, pauvre et obéissant, totalement consacré à la gloire de son Père et à l’amour de ses frères et de ses sœurs. La vie fraternelle elle-même est une prophétie en acte dans une société qui, parfois à son insu, aspire profondément à une fraternité sans frontières. La fidélité à leur charisme amène les personnes consacrées à offrir partout leur témoignage avec la franchise du prophète qui ne craint pas d’aller jusqu’à risquer sa vie. [1] »

Mais saint Paul, dans sa lettre, bien connue, à la communauté de Corinthe, affirme que cette dimension prophétique de la vie chrétienne ne suffit pas. Il ne nous faut jamais perdre de vue que la charité est le centre de toute l’existence du disciple du Christ : « J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. » (1 Co 13, 2). Les personnes consacrées, à travers la vie communautaire, à travers leurs œuvres caritatives en faveur des plus démunis, à travers leur proximité fraternelle et bienveillante à ceux que le Seigneur met sur leur chemin, offrent aussi un témoignage de la charité vécue au quotidien. C’est cette intimité avec le Christ, vécue dans la vie consacrée, qui conduit à l’amour du prochain selon le commandement nouveau du Christ : « Aimez-vous comme je vous ai aimés. » (Jn 13, 34).

Qu’est-ce que la charité – l’amour – vécue au quotidien ? Saint Paul nous en donne les grandes lignes que nous pouvons tous les jours méditer un peu plus. Je ne vais pas citer toutes ces qualités de l’amour, mais j’en retiendrai trois, qui peut-être consonnent avec la vie consacrée.

L’amour prend patience : le choix de la vie fraternelle en communauté est un beau témoignage de l’amour vécu au quotidien car il demande beaucoup de patience dans l’acceptation de ses sœurs telles qu’elles sont, avec leurs qualités et leurs fragilités, dans la vie au jour le jour où chacune a ses propres habitudes, dans la progression de chacune selon son histoire et le dessein de Dieu.

L’amour rend service : la dimension du service traverse toute la vie consacrée. Se consacrer au Seigneur, ce n’est pas simplement quelque chose d’individuel, mais c’est se donner au Christ pour se donner aux autres. Servir à la manière du Christ, voilà ce dont ont témoigné bien des fondatrices et des fondateurs d’ordres religieux ! Aimer au quotidien, c’est apprendre à servir ses sœurs mais aussi les autres et l’Eglise, dans les missions confiées.

L’amour trouve sa joie dans ce qui est vrai : « la vérité vous rendra libre » (Jn 8, 32) dit Jésus. Rechercher la vérité dans nos vies, dans nos communautés, dans l’Eglise et dans le monde rend libre et nous donne une joie profonde. La liberté chrétienne est une recherche joyeuse de la vérité, elle demande des conversions et du courage. La vie consacrée témoigne, par la radicalité de son engagement, de cette quête d’une plus grande vérité dans la suite du Christ, et elle en offre à tous le témoignage.

Pour terminer, je me permets de reprendre les mots du pape François lors de son homélie, hier à Rome, pour la fête de la vie consacrée :

« Voilà la vie consacrée : louange qui donne joie au peuple de Dieu, vision prophétique qui révèle ce qui compte. Quand c’est ainsi, elle fleurit et devient un rappel pour tous contre la médiocrité : contre les baisses de profondeur dans la vie spirituelle, contre la tentation de jouer au rabais avec Dieu, contre l’accommodation à une vie facile et mondaine, contre la lamentation, l’insatisfaction et le fait de pleurer sur son sort, contre l’habitude du “on fait ce qu’on peut” et du “on a toujours fait ainsi”. La vie consacrée n’est pas survivance, elle est vie nouvelle. Elle est rencontre vivante avec le Seigneur dans son peuple. Elle est appel à l’obéissance fidèle de chaque jour et aux surprises inédites de l’Esprit. Elle est vision de ce qui compte de serrer dans ses bras pour avoir la joie : Jésus. [2] »

+ Luc Crepy 
Evêque du Puy-en-Velay

Notes
[1] Jean-Paul II, Vita consecrata, 1996, § 85.
[2] Homélie du pape François, prononcée en la basilique Saint-Pierre, le 2 février 2019, en la fête de la Présentation de Jésus au Temple.