Homélie de la messe de Noël 2020 par Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay
Récemment, une personne m’a demandé : « Pourquoi fête-t-on Noël fin décembre ? » Voilà une question insolite ou originale, à laquelle d’ailleurs bon nombre de personnes ne savent pas très bien répondre, tant nous sommes habitués à fêter la naissance de Jésus, le 25 décembre. Pourtant, le choix de cette date ne tient pas du hasard : nous venons d’entrer en hiver, au moment où les jours les plus courts commencent peu à peu à rallonger. La fête de Noël se situe donc dans l’obscurité la plus grande et dans le petit filet de lumière supplémentaire de chaque nouveau jour. Symboliquement, nous pouvons entrevoir combien cette époque de l’année rejoint la signification profonde de Noël : c’est dans la période la plus sombre que surgit une lumière ! Comme les jours qui, enfin, commencent à allonger, la lumière de Noël nous rejoint ! Les textes bibliques et les prières choisis pour Noël parlent de la venue au monde du Christ comme d’une lumière, une lumière qui éclaire les ténèbres et brille dans la nuit, une lumière qui peut éclairer tout homme dans son existence, même s’il tâtonne dans l’obscurité et les difficultés. Il y a quelque chose de lumineux à Noël – c’est aussi ce qu’expriment toutes les décorations dans les rues et dans nos maisons -, mais faut-il encore ne pas se tromper de lumière, et discerner cette lumière discrète au milieu de la nuit, qui brille depuis une simple étable.
Ainsi le prophète Isaïe annonce-t-il la naissance du Messie : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » (Is 9,1). L’évangéliste Jean ouvre son évangile en écrivant : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » Quand la naissance de Jésus est annoncée – pour la première fois – aux bergers, l’évangile nous dit que la gloire de Dieu les enveloppa d’une grande lumière (cf. Lc 2, 9). De même, les prières de ce jour nous invitent à nous laisser illuminés par cette venue de Dieu parmi nous, par ce nouveau-né à la crèche, par ce grand mystère de l’Incarnation où Dieu devient homme.
Noël, c’est accueillir la lumière de Dieu dans nos vies, dans notre foi, dans nos relations aux autres et dans notre société. Mais de quelle lumière s’agit-il ? Comment la naissance de ce petit enfant est-elle source de lumière et rayonne-t-elle aujourd’hui ? Je vous propose de nous laisser éclairer par trois rayons de la lumière de Noël.
Dans la crèche où repose l’enfant Jésus, le premier rayon de lumière est celui qui nous permet de voir ce qui demeurait invisible. Comme le dit la préface de Noël, « la révélation de ta gloire s’est éclairée pour nous d’une lumière nouvelle dans le mystère du Verbe incarné : maintenant nous connaissons en lui Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux et nous sommes entraînés par lui à aimer ce qui est invisible. » Avec la lumière de Noël, Dieu n’est plus invisible : Dieu prend un corps humain, il devient cet enfant que sa mère tient dans ses bras, que tout le monde peut voir. C’est d’ailleurs ce que disent les anges aux bergers : si vous ne croyez pas à la venue du Sauveur que nous vous annonçons, allez voir à Bethléem ce nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ! (cf. Lc 2,12). Le Messie tant attendu, le Fils de Dieu n’est pas un être caché ou inconnu que nul œil ne peut contempler, mais dans l’enfant Jésus, il se fait l’un des nôtres. La lumière de Noël fonde et éclaire notre foi, comme en témoigne saint Jean : « le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jn 1, 14)
Le deuxième rayon de lumière offert à la crèche : le Christ ne vient pas pour quelques-uns, comme si l’on pouvait enfermer la lumière du soleil, mais il vient pour éclairer tout homme : « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. » (Jn 1, 9) Si Dieu se rend visible en Jésus, Il se fait aussi proche de chacun de nous, en ce petit enfant, simple et fragile. La pauvreté et la petitesse de Dieu, quand il devient l’un des nôtres, permet à toute personne de s’approcher de Lui. La lumière du Christ n’est pas une lumière qui éblouit ou aveugle, mais une lumière discrète et douce qui éclaire les pas de chacun, du plus démuni comme les bergers aux plus riches comme les mages. En ces temps actuels, si rudes et si difficiles, la lumière de Noël nous rappelle que chacun de nous est aimé de Dieu et peut se laisser éclairer par Lui.
Enfin – troisième rayon de lumière –, Jésus est pour les chrétiens la lumière qui brille dans la nuit, parce que sa mort et sa résurrection attestent que la vie est plus forte que la mort. De la mangeoire où il est couché, à la croix où il a été pendu, le Fils de Dieu, en épousant par amour tout ce qui fait nos existences humaines, est vainqueur de ce qui obscurcit sans cesse la vie du monde dans ses violences et ses injustices jusqu’aux ténèbres de la mort. La lumière qu’apporte Jésus : c’est que seul l’amour peut vraiment éclairer nos vies et notre monde, que seule la paix peut permettre à tous de vivre en fraternité, que seule la justice offre à chacun le respect de sa dignité d’enfant de Dieu.
Ce qui fait la joie de Noël, c’est bien cette lumière qui nous est donnée. Quand nous nous souhaitons « Joyeux Noël », nous pourrions nous dire aussi : « Joyeuse lumière ! ». Alors, accueillons ces trois rayons de la lumière de Noël : en Jésus, l’enfant nouveau-né, Dieu se donne à voir, Dieu se fait proche de tout homme et Dieu nous apprend à aimer comme lui-même nous aime ! Puissions-nous comme Jean Baptiste être témoin de la Lumière !
Amen !
+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay