Synthèse de l’intervention de Mgr Crepy lors de la formation des acteurs pastoraux du diocèse du Puy le 10 mai 2016.

Introduction

  • Il est bon au début de notre rencontre d’entendre l’invitation du pape François à placer toutes nos réflexions sur la vie, l’organisation, les structures de notre vie ecclésiale sous le signe de la mission . 
  • Nous abordons un sujet d’actualité pour la vie de l’Eglise, et en particulier en France. Voyons les titres d’un certain nombre d’ouvrages : « Paroisses, je vous aime ! », « Balayer la paroisse ? », « Que devient la paroisse ? Mort annoncée ou nouveau visage ? », « Manuel de survie pour les paroisses », « Réinventer la paroisse »… 
    La paroisse est une réalité qui bouge fortement aujourd’hui. Quel avenir pour la paroisse s’interrogent bon nombre de personnes, tant parmi les pratiquants que les autres, et en particulier les élus locaux, pour lesquels l’affaiblissement si ce n’est la disparition de la vie paroissiale apparaît comme un élément très négatif pour la vie des communes.
  • Le titre de la rencontre : peut-être comme Monsieur Jourdain faisons-nous de la prose sans le savoir, de même vivons-nous la réalité paroissiale sans en voir tous les enjeux et les défis… peut-être aussi sans avoir bien conscience de ce que signifie ou représente cette entité de l’Église que constitue une paroisse. D’où la nécessité de faire le point, d’en parler ensemble et de réfléchir, et plus particulièrement à partir de nos pratiques pastorales.
  • La question de la paroisse, des regroupements paroissiaux, de l’organisation même de la vie paroissiale constitue un sujet très important pour les diocèses de France depuis plusieurs décennies et prend une acuité particulière dans un diocèse rural. La grande majorité des diocèses en France ont restructuré leur tissu paroissial – le remodelage paroissial -, mis en place des structures nouvelles, confié des responsabilités nouvelles à bien des laïcs. Soit des paroisses ont été regroupées sous la houlette d’un même curé avec des appellations différentes (secteurs paroissiaux, communautés de paroisses, unités pastorales, etc.), soit on assiste à la création de nouvelles paroisses ; certains diocèses passant de plusieurs centaines de paroisses à quelques dizaines ou moins encore. Ajoutons que la ruralité et le monde agricole sont en pleine mutation et cette situation affecte aussi nos pratiques pastorales et nos vies paroissiales.
  • Je suis heureux de prendre ce temps avec vous les acteurs pastoraux, car comme vous le savez, il faudra d’ici peu de temps que nous travaillions à la manière de vivre la mission dans le diocèse du Puy. Comment répondre aux attentes nouvelles, comment penser la pastorale avec les situations nouvelles ? Les prochaines années seront riches en réflexion et discussions mais aussi en décisions pour nos pratiques pastorales.

I. Qu’est-ce que la paroisse ?

En introduction, nous pourrions dire que la paroisse intègre deux dimensions importantes de la vie : l’espace et le temps. L’espace car la paroisse est liée à un territoire et on peut dire tout simplement une paroisse transforme un voisin en un prochain ! Elle est aussi le témoin fidèle du temps, là où se vivent des étapes importantes de la vie, en particulier à travers les sacrements : naissance, adolescence, mariage, décès.

I.1. Approche historique : entre communauté et territoire

L’approche historique est toujours intéressante car elle nous oblige à ne pas penser que tout a existé comme nous l’avons toujours vu, ou que les modèles d’hier sont les seuls modèles et qu’aujourd’hui « on nous change la religion ! ». Les éléments historiques ne sont pas seulement pour améliorer sa culture générale mais pour problématiser la réflexion autour de la paroisse. 

  • La mise en place d’un maillage paroissial est le fruit d’un long processus historique, lié à l’évolution interne de l’Occident. 
  • Les communautés chrétiennes, dans les premiers siècles, s’installent d’abord dans les villes et de là rayonnent sur le territoire, comme en témoignent encore la petite taille des diocèses italiens ou de certains diocèses français avant la Révolution. Les villes, avec l’expansion du christianisme, abritèrent des lieux de cultes différents, mais tout se passait en grande partie intra-muros. 
  • La christianisation des campagnes : elle va conduire à la construction d’une grande variété d’édifices disséminés dans les campagnes, avec des diocèses beaucoup plus vastes, avec des bourgs ruraux plus ou moins importants. Des clercs peuvent être délégués par l’évêque pour assurer un service attaché à ces églises, la cathédrale demeurant le lieu principal pour la vie liturgique et sacramentelle. On peut bien sûr souligner la présence d’importantes abbayes qui vont jouer un rôle considérable dans le paysage de la chrétienté occidentale. 
  • la constitution d’un maillage paroissial fixe date sans doute de l’époque carolingienne. A cette époque évêques et desservants se préoccupaient de savoir à quelle église les fidèles versaient la dîme. Mais aussi l’époque féodale est marquée par le regroupement des habitats dans des lieux fortifiés et l’appartenance à tel territoire. Enfin les cimetières autour des églises fixent aussi la dimension de l’espace. 
  • A partir du 12ème s. le maillage paroissial s’inscrit de diverses manières dans le droit de l’Église, les conciles définissent l’organisation des paroisses, la place du prêtre desservant (pas encore le terme de curé, qui s’imposera au 14ème s.), les sacrements que doivent recevoir les laïcs, etc. – La période médiévale a constitué d’une certaine manière la territorialisation de la paroisse. 
  • Les paroissiens ont aussi fréquenté des monastères, apporté leur contribution à de nombreux sanctuaires, à des œuvres de solidarité et de prière. Les paroissiens ne sont pas laissés enfermer « dans les murs de l’église paroissiale ». 
  • Le concile de Trente (1545 – 1563) a misé sur la paroisse pour raviver la vie chrétienne. Il va donner des impulsions très fortes pour raviver la vie paroissiale, laissée en friche en beaucoup d’endroits, avec le devoir de résidence du curé, la formation du clergé, le droit réaffirmé des évêques de nommer les curés, etc. 
  • Le concordat de 1801 avec Napoléon renforce la représentation de la paroisse comme territoire à administrer. En beaucoup d’endroits, au 19ème s., la paroisse correspond à une commune (dont elle est souvent l’antécédent historique) : la paroisse a un territoire propre, un clergé propre, un peuple de fidèles qui sont attachés pour le culte à la paroisse. Cette situation sera entérinée par le Code de droit canon de 1917. 
  • Au début du 21ème siècle : la paroisse porte encore la notion de proximité, surtout en rural. Les remodelages paroissiaux et les modes de vie contemporains invitent à repenser cette proximité, peut-être pas uniquement en terme d’espace. Beaucoup se tournent encore vers la paroisse pour les grandes étapes de la vie. Elle est pour eux un service du religieux… mais la mission de la paroisse ne semble pas devoir se réduire à cela.

II. 2. Approche théologique et pastorale

– La paroisse comme communauté en un lieu

A. Borras – qui a beaucoup écrit sur la paroisse – définit la paroisse comme « l’Eglise en un lieu pour tout, pour tous et par tous ». Une manière de dire que la paroisse ne se réduit pas à être le prestataire de services religieux mais elle est la manifestation de la présence d’une communauté de baptisés, en un lieu.

A propos du mot « communauté » : C’est un mot aujourd’hui privilégié dans les textes officiels diocésains et dans le vocabulaire pastoral ordinaire. Il porte une connotation positive qui évoque un vivre ensemble, une fraternité, une vie ecclésiale solidaire. Il met en valeur les charismes des personnes. Pour la paroisse, il privilégie le relationnel plus que l’institutionnel, la communauté plus que l’institution, le relationnel plus que le territorial. Cependant il est bon de nous rappeler que l’Église est d’abord un mystère de communion avant d’être communauté. (Cf. Christifideles laici 19 et 20) La paroisse est un lieu privilégié pour permettre à tout baptisé d’entrer dans cette communion où chacun se découvre membre du Corps du Christ. Enfin, il est bon de se rappeler que communion et mission vont ensemble : « la communion est missionnaire et la mission est pour la communion » (CL §32) Le mot « communauté » doit donc être bien compris en référence à ce qu’est l’Église, c’est-à-dire des personnes convoquées à faire Église, à l’initiative de Dieu qui vient par le Christ et dans l’Esprit rassembler son peuple. La communauté ecclésiale est l’assemblée de ceux qui sont convoqués, de par leur foi, l’écoute de la Parole de Dieu et la célébration du salut. L’Église est une convocation qui donne corps à l’assemblée, à la communauté. Cette définition est importante car elle évite tout danger de « communautarisme » où la communauté n’existe que par elle-même et pour elle-même et devient une communauté sans ouverture aux autres communautés qui constituent le diocèse et son lien à l’évêque.

  • Caractéristiques de la paroisse : qu’est ce qui caractérise cette communauté qu’est la paroisse ? Lisons le CDC au n° 515 §1. On distingue donc deux caractéristiques principales pour définir une paroisse : la stabilité de la communauté et la présence d’un curé, pasteur propre de la communauté.

§ Stabilité : la paroisse est érigée par l’évêque, elle ne résulte pas de la liberté d’association des fidèles, elle n’est pas une réalité associative. On accueille sa paroisse, on ne choisit pas sa paroisse, elle nous est donnée. L’évêque érige pour la prise en charge pastorale de tous les fidèles concernés sur la base d’une appartenance objective – le territoire – pour que soit exercée la triple fonction du Christ : annoncer, sanctifier, gouverner. Dit autrement, la paroisse annonce à tous l’Evangile et offre la bonne nouvelle de la foi en Christ. Elle porte l’Evangile en un lieu. Elle dit quelque chose de la catholicité de l’Eglise en étant ouverte à tous et insère chacun dans l’Eglise universelle.

§ La charge curiale : la paroisse est confiée à un curé. C’est la seconde spécificité (cf. CDC 519.) Le curé assure la prise en charge de tous sur la paroisse. Il représente sacramentellement le Christ Pasteur, tête du corps ecclésial en ce lieu. Le curé ne fait pas tout mais il veille à ce que tout se fasse, avec la collaboration d’autres fidèles, clercs ou laïcs. Il est responsable du tout mais pas de tout. Comme collaborateur de l’évêque – episcopè – il veille à ce que la communauté paroissiale devienne ce qu’elle doit être : le corps du Christ en ce lieu. Il l’engendre sans cesse dans la foi, l’éduque à la charité et l’encourage à l’espérance. Paternité spirituelle, communion ecclésiale et ouverture missionnaire, tel est le tiercé gagnant de ce beau ministère pastoral de curé .

– Coresponsabilité de tous et collaboration de quelques-uns

En vertu de leur baptême et de leur charisme, tous les paroissiens sont en principe partie prenante de l’annonce de l’Evangile… La paroisse devrait aussi être leur affaire ! Beaucoup de paroissiens sont engagés de diverses manières dans la vie paroissiale. Il y aussi des permanents laïcs, rémunérés qui ont reçu une mission de l’évêque pour une tâche pastorale dans la paroisse. Outre les équipes d’animation pastorale, deux conseils sont prévus par le droit : Le conseil pastoral (CDC 536 §1) et le conseil économique (CDC 532).

– La paroisse : l’Eglise pour tous

La paroisse est ouverte au tout-venant, de même que la paroisse se situe au milieu des maisons des hommes. L’accueil est un des enjeux capitaux de la paroisse, tant pour l’accueil de personnes en difficultés matérielles que morales ou spirituelles. Dans AL, le pape François souligne : « C’est la paroisse qui offre la contribution principale à la pastorale familiale. Elle est une famille de familles, où les apports de petites communautés, associations et mouvements ecclésiaux s’harmonisent ». (§ 202). Les modalités de l’accueil sont nombreuses. 
La paroisse est aussi faite de mouvements, de groupes et de communautés divers. Ces groupes sont de nature associative et jouissent d’une légitime autonomie, ils sont l’expression de la diversité des personnes, des charismes, des sensibilités et touchent des domaines aussi variés que la dimension éducative, la vie spirituelle ou les activités caritatives. Il est important que la paroisse demeure ouverte au tout-venant et il n’est pas bon que tel mouvement ou communauté spirituelle détermine l’ensemble paroissial.

II. Enjeux et défis de la paroisse pour aujourd’hui et pour demain

Communauté, participation et communion

Qu’est-ce qu’être paroissien ? Membre de la communauté paroissiale ? Participant aux activités de la paroisse ? Etre en communion avec les membres de la paroisse ?… Par exemple, être membre d’une équipe (kermesse, animation liturgique, fleurs, etc. ou juste participant à l’assemblée) suffit-il pour être membre d’une communauté ? Comment définir le critère d’appartenance ? 

  • appartenir par le biais d’une équipe : risque de limiter la paroisse à l’équipe ; 
  • considérer les paroissiens membres d’équipes comme les « vrais paroissiens » 
  • considérer la paroisse comme un réseau associatif.

Le défi est de comprendre qu’une communauté paroissiale est le lieu où on fait l’expérience de la communion avec Dieu et avec les autres. Appartenir à une paroisse, c’est incarner sa relation à Dieu dans une histoire, dans un lieu et avec les autres. La proximité offerte par la paroisse n’est pas que géographique mais proximité de reconnaissance mutuelle, de proximité par intégration dans une communauté. 
Faire vivre la paroisse comme communauté signifie donc la recherche de liens entre les membres, la valorisation du « nous » chrétien.

Les paroisses dans l’Église diocésaine

« Tout diocèse ou toute autre Église particulière sera divisée en parties distinctes ou paroisses. » (CDC 374 §1) Par cette affirmation, le CDC précise ce qu’est une paroisse, elle est une partie du diocèse mais n’est pas un diocèse en miniature. A côté des paroisses existent d’autres entités à la fois géographiques (secteurs paroissiaux) mais aussi fonctionnelles (mouvements et services diocésains). Comment la paroisse se situe-t-elle dans cet environnement ecclésial ? La paroisse n’est pas le tout de l’Église, elle se situe dans un réseau de relations : mouvements apostoliques, associations de fidèles, communautés religieuses, services diocésains… Il faut d’abord noter que la paroisse connaît bien des changements depuis les dernières décennies et que cela modifie aussi sa place dans l’Église diocésaine. Il est bon aussi de voir qu’existe un certain nombre d’éléments sociologiques, culturels et pastoraux qui relativise pour une part l’importance de la paroisse : 

  • Regroupements paroissiaux, avec plusieurs clochers qui impliquent la mise en place de sous-ensembles paroissiaux comme des relais ou paroisses relais, la mise en place de petites communautés ecclésiales de base, lieu de communion ecclésiale et d’évangélisation 
  • Dans les villes des structures comme les aumôneries de jeunes, d’hôpitaux… 
  • La mobilité des personnes qui modifie la fidélité des fidèles dans les paroisses. 
  • Des réalités diverses de la société que la paroisse ne peut pas atteindre (monde de la culture, de la santé, etc.) et qui nécessitent une pastorale spécialisée 
  • La paroisse est une partie de l’Église particulière mais celle-ci ne peut être réduite à une addition de paroisses (Église particulière = portion du peuple de Dieu)

Tous ces éléments invitent à une meilleure prise de conscience de la part des uns et des autres de l’unité de l’Église particulière mais aussi de la communion à mettre en œuvre au service de la mission. Il y a des instances régulatrices et des personnes comme les vicaires épiscopaux qui sont chargés « de promouvoir et coordonner l’activité pastorale commune. » (CDC 555§1). Il s’agit pour tous d’entretenir des liens afin de favoriser la communion de l’Église. Dans ce dispositif, le curé a un rôle important en portant intérêt à ce qui se vit dans les mouvements, services et associations. En conclusion, aucune des diverses instances pastorales d’un diocèse ne peut assurer seule la mission confiée par le Christ. Chacune apporte sa spécificité dans la vie de l’Eglise et dans la mission.

Les critères de restructurations paroissiales dans le monde rural

La restructuration de paroisses invite à une réflexion sur les divers éléments de la structure paroissiale et sur la place des divers acteurs pastoraux, laïcs et prêtres. Dans le monde rural, longtemps lieu de prédilection des paroisses, les temps changent et les restructurations dans la majorité des diocèses de France concernent les paroisses rurales. Il est intéressant de regarder les critères avancés pour les restructurations : 

  • le critère de la nécessité : désertification de zones rurales donc diminution des pratiquants donc la présence d’un curé ne se justifie plus ; diminution du nombre de prêtres. 
  • le critère des espaces humains significatifs : privilégier les bassins de vie (ensemble humain significatif dans la vie d’une région) avec des pôles de vie qui attirent les gens. De même, la démographie entre en compte. 
  • le critère théologique : permettre la vie de l’Eglise en un lieu avec les pôles habituels de la vie chrétienne. 
  • le critère de la viabilité des communautés : la possibilité pour les chrétiens d’assurer la mission et la vie d’une paroisse : par exemple un nombre de familles pratiquantes pour ériger une nouvelle paroisse. 
  • le critère canonique : il faut que les nouvelles paroisses puissent répondre à la définition de la paroisse du CDC 515 §1. 
  • le critère des relations inter-paroissiales dans le diocèse : insistance sur les relations que les paroisses doivent entretenir entre elles, au bénéfice de la mission : par exemple permettre l’élaboration de projets communs. Sortir de la juxtaposition des structures ou des instances.

Une question : quels autres critères ? Y-a-t-il une hiérarchie des critères ? Des questions se posent cependant au-delà des critères : 

  • comment garder une certaine identité des paroisses ? Les relais paroissiaux qui succèdent aux paroisses supprimées peuvent contribuer à répondre à cette question. 
  • Comment mettre en place une communication permettant aux personnes de se repérer dans les restructurations paroissiales ? 
  • Comment nommer les nouvelles paroisses ? 
  • De nouveaux acteurs pastoraux apparaissent dans des tâches nouvelles au sein des nouvelles structures. Quelle formation ? A qui rendent-ils compte de leur mission ?

Conclusion

Les restructurations des paroisses ne sont pas qu’une réforme administrative, elles invitent à approfondir des éléments importants de la vie de l’Eglise et de sa mission aujourd’hui : elles font apparaître de nouvelles formes ecclésiales, elles conduisent à repréciser la charge pastorale qui est toujours celle d’un prêtre. Elles misent sur la participation active de laïcs à différents niveaux. Elles se heurtent à des résistances : comment ne pas décourager ? Elles modifient les liens avec la population et les communes. Elles questionnent les divers types d’assemblées.

L’importance d’une pastorale de l’accueil

Sans doute la dimension de l’accueil est une des premières dimensions de la paroisse. Il ne s’agit pas seulement d’ouvrir la porte mais de faire entrer, de partager, d’apprendre à se connaître mutuellement, de tisser des liens. Ceci implique fortement la vie paroissiale dans sa dynamique interne : prendre conscience de ce que signifie accueillir et permettre à des personnes de vivre une expérience d’Eglise. 
A. Borras souligne souvent qu’il faut passer d’une logique de guichet qui satisfait les besoins religieux à une logique de sortie vers les gens. Certes, la paroisse doit répondre aux demandes religieuses, certes la pastorale sacramentelle est évangélisatrice mais il faut garder en vue la dimension missionnaire d’évangéliser.

Quelle est la place des prêtres dans la paroisse ?

Nous avons vu que le droit canonique définissait clairement la paroisse comme une communauté ayant un pasteur propre qui en assure la charge pastorale. Il est clair qu’il ne peut pas y avoir de paroisse sans prêtre. Le curé assure le ministère du lien, de la communion, de l’envoi en mission. Il préside le corps ecclésial au nom du Christ et rappelle à tous que la vie chrétienne s’enracine dans la vie en un Dieu, Père, Fils et Esprit. Le prêtre n’est pas à l’origine de la communauté, il est envoyé au service de la communauté qui le précède. Plus aujourd’hui qu’hier il faut articuler de manière juste le sacerdoce baptismal et le sacerdoce ministériel, les deux étant au service de la croissance du corps ecclésial. La figure actuelle de la paroisse permet bien de développer l’intégration du curé au sein de sa communauté par les multiples liens de collaboration et de communion qui se tissent entre les uns et les autres. Cette bonne articulation confère à la paroisse une image de l’Eglise capable de susciter des sujets libres, responsables et actifs. Un témoignage important.

Les restructurations paroissiales ont modifié le ministère et la vie des prêtres. Comment vivre une nouvelle fraternité, se répartir les tâches, prier ensemble ? Il faut apprendre de nouvelles manières de travailler avec les laïcs : travailler avec une EAP, un diacre permanent… Certains prêtres peuvent craindre de voir tout leur temps consacré à des tâches sacramentelles ou liturgiques. Il serait bon de préciser ce que signifie la charge pastorale. Comment les prêtres peuvent-ils exercer un ministère qui soit humainement viable et spirituellement vivifiant ?

Entrer dans une logique de projet

Laissant encore la logique de guichet, il est nécessaire d’entrer dans une logique de projet, requérant de dépasser la demande de sacré et de l’assumer par une proposition de faire un bout de chemin de foi ensemble. Ceci conduit à prendre des initiatives de l’offre, de devancer, d’anticiper la démarche de ceux qui s’adressent à l’Eglise pour les ouvrir à des dimensions de la vie chrétienne qu’ils ne connaissent pas. Cette logique de projet est une réponse possible à la situation de faiblesse de certaines communautés : puisqu’il n’est pas possible de tout faire, il est intéressant de se mobiliser pour des projets simples mais signifiants manifestant telle ou telle dimension de l’être chrétien. Les projets, aussi modestes soient-ils, peuvent être une chance particulière pour l’appropriation de la paroisse par les baptisés. Il y a des domaines où une logique de projets se met facilement en place : la communication, le développement de la convivialité, les formations de base, la remise au jour de dévotions populaires (en leur donnant leur sens spirituel), etc. Dans la préparation des sacrements, la logique de projets peut être aussi mobilisatrice.

Conclusion : la paroisse, laboratoire privilégié de proposition de la foi

L’avenir des paroisses : la paroisse n’a cessé d’évoluer. La paroisse n’est plus en Occident une structure d’encadrement des fidèles. Pour bon nombre, l’appartenance ecclésiale passe par toute sorte de réseaux et leur référence n’est plus la paroisse. Cependant la paroisse s’offre comme cadre et comme terreau pour proposer et cultiver la foi. Avec les remodelages paroissiaux, la paroisse prend d’autres visages que celui de la commune de référence, mais s’inscrit dans des groupements paroissiaux ou pôles paroissiaux, ou autres encore. L’organisation de la vie paroissiale va se conjuguer en plusieurs lieux, avec un rôle nouveau des acteurs paroissiaux. La paroisse peut devenir un laboratoire privilégié de proposition de la foi.

Documents

La paroisse selon Evangelii Gaudium (la joie de l’Evangile, Pape François, 2013)

La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. Même si, certainement, elle n’est pas l’unique institution évangélisatrice, si elle est capable de se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être « l’Église elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles ». Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. La paroisse est présence ecclésiale sur le territoire, lieu de l’écoute de la Parole, de la croissance de la vie chrétienne, du dialogue, de l’annonce, de la charité généreuse, de l’adoration et de la célébration. À travers toutes ses activités, la paroisse encourage et forme ses membres pour qu’ils soient des agents de l’évangélisation. Elle est communauté de communautés, sanctuaire où les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher, et centre d’un constant envoi missionnaire. Mais nous devons reconnaître que l’appel à la révision et au renouveau des paroisses n’a pas encore donné de fruits suffisants pour qu’elles soient encore plus proches des gens, qu’elles soient des lieux de communion vivante et de participation, et qu’elles s’orientent complètement vers la mission. (EG § 28)

La notion de communion : Christifideles laici (les fidèles laïcs, de Jean-Paul II, 1988)

19. « Le Concile Vatican II a travaillé intensément afin que l’Eglise soit plus clairement conçue comme une communion et que ce concept soit traduit concrètement dans la vie. Que signifie donc ce mot complexe de “communion” ? Il s’agit fondamentalement de la communion avec Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ, dans l’Esprit Saint. Cette communion s’obtient par la parole de Dieu et par les sacrements. Le Baptême est la porte et le fondement de la communion dans l’Eglise. L’Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne (cf. LG 11). La communion au Corps eucharistique du Christ signifie et produit, en d’autres termes édifie, l’intime communion de tous les fidèles dans le Corps du Christ qui est l’Eglise (1 Co 10, 16) ». […] 20. La communion ecclésiale se présente, pour être plus précis, comme une communion « organique », analogue à celle d’un corps vivant et agissant : elle se caractérise, en effet, par la présence simultanée de la diversité et de la complémentarité des vocations et conditions de vie, des ministères, des charismes et des responsabilités. Grâce à cette diversité et complémentarité, chacun des fidèles laïcs se trouve en relation avec le corps tout entier et, au corps, il apporte sa propre contribution.

Paroisse et Eglise universelle (Concile Vatican II Sacrosanctum concilium § 42)

Comme l’évêque dans son Église ne peut présider en personne à tout son troupeau, ni toujours ni partout, il doit nécessairement constituer des assemblées de fidèles, parmi lesquelles les plus importantes sont les paroisses, organisées localement sous un pasteur qui tient la place de l’évêque ; car, d’une certaine manière, elles représentent l’Église visible établie dans l’univers.

La paroisse selon Christifideles laici

26. Tout en ayant une dimension universelle, la communion ecclésiale trouve son expression la plus immédiate et la plus visible dans la paroisse : celle-ci est le dernier degré de la localisation de l’Eglise ; c’est, en un certain sens, l’Eglise elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles. Nous devons tous redécouvrir, dans la foi, le vrai visage de la paroisse, c’est-à-dire le « mystère » même de l’Eglise présente et agissante en elle. Si parfois elle n’est pas riche de personnes et de moyens, si même elle est parfois dispersée sur des territoires immenses, ou indiscernable au milieu de quartiers modernes populeux et confus, la paroisse n’est pas, en premier lieu, une structure, un territoire, un édifice ; c’est avant tout « la famille de Dieu, fraternité qui n’a qu’une âme ». C’est « une maison de famille, fraternelle et accueillante » ; c’est « la communauté des fidèles ». En définitive, la paroisse est fondée sur une réalité théologique, car c’est une communauté eucharistique. Cela signifie que c’est une communauté apte à célébrer l’Eucharistie, en qui se trouvent la racine vivante de sa constitution et de sa croissance et le lien sacramentel de son être en pleine communion avec toute l’Eglise. Cette aptitude se fonde sur le fait que la paroisse est une communauté de foi et une communauté organique, c’est-à-dire constituée par des ministres ordonnées et par les autres chrétiens, sous la responsabilité d’un curé qui, représentant l’Evêque du diocèse(95), est le lien hiérarchique avec toute l’Eglise particulière.

Définitions canoniques :

La paroisse

(CDC 515 §1) : La paroisse est la communauté précise de fidèles qui est constituée d’une manière stable dans l’Église particulière, et dont la charge pastorale est confiée au curé, comme à son pasteur propre, sous l’autorité de l’Évêque diocésain.

Le curé

(CDC 519) : Le curé est le pasteur propre de la paroisse qui lui est remise en exerçant sous l’autorité de l’Évêque diocésain dont il a été appelé à partager le ministère du Christ, la charge pastorale de la communauté qui lui est confiée, afin d’accomplir pour cette communauté les fonctions d’enseigner, de sanctifier et de gouverner avec la collaboration éventuelle d’autres prêtres ou de diacres, et avec l’aide apportée par des laïcs, selon le droit.

La vie du curé (CDC 533) :

§1 Le curé est tenu par l’obligation de résider dans la maison paroissiale proche de l’église ; cependant, dans des cas particuliers, pour une juste cause, l’Ordinaire du lieu peut lui permettre d’habiter ailleurs, surtout dans une maison commune à plusieurs prêtres, pourvu que soit assure convenablement et régulièrement l’accomplissement des fonctions paroissiales.

§2 A moins de raison grave, le curé peut chaque année s’absenter pour des vacances durant au maximum un mois, continu ou non, les jours d’absence pour la retraite spirituelle n’étant pas comptés dans le temps des vacances ; cependant, pour une absence de plus d’une semaine, le curé est tenu d’en avertir l’Ordinaire du lieu.

§3 Il revient à l’Évêque diocésain de prendre les dispositions selon lesquelles, pendant l’absence du curé, la charge de la paroisse sera assurée par un prêtre muni des facultés nécessaires.

Le conseil pastoral paroissial (CDC 536 §1)

Si l’Évêque diocésain le juge opportun après avoir entendu le conseil presbytéral, un conseil pastoral sera constitué dans chaque paroisse, présidé par le curé et dans lequel, en union avec ceux qui participent en raison de leur office à la charge pastorale de la paroisse, les fidèles apporteront leur concours pour favoriser l’activité pastorale.

Le conseil économique paroissial (CDC 537)

Il y aura dans chaque paroisse le conseil pour les affaires économiques qui sera régi, en plus du droit universel, par les règles que l’Évêque diocésain aura portées ; dans ce conseil, des laïcs, choisis selon ces règles, apporteront leur aide au curé pour l’administration des biens de la paroisse, restant sauves les dispositions du can. 532.