Messe d’ouverture du procès en béatification
de François Mourier et ses compagnons, martyrs de la Terreur (1793-1794)
Homélie du 10 août 2019

En ce jour, l’Eglise fait mémoire de saint Laurent, diacre romain, mort martyr au III° siècle, brulé vif. Saint Augustin, dans une homélie prononcée en la fête de ce saint martyre disait : «Dans l’Eglise de Rome, il exerçait les fonctions de diacre et il présentait le sang sacré du Christ et c’est là qu’il répandit son propre sang pour le nom du Christ. […]‘Jésus a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères.’ Saint Laurent a compris, mes frères, il l’a compris et il l’a fait ; et ce qu’il avait consommé à cette table, c’est cela qu’il a voulu apprêter. Il a aimé le Christ par sa vie, il a aimé le Christ par sa mort. [1] » C’est au cœur de cette belle fête liturgique qu’il nous est donné de célébrer la messe d’ouverture du procès en béatification des martyrs de la Terreur.

Tout au long de l’histoire de l’Eglise, depuis le martyre d’Etienne, des hommes et des femmes ont témoigné de leur foi, en perdant leur vie, souvent dans de grandes souffrances, mais en manifestant leur espérance dans le Christ ressuscité, vainqueur du mal et de la mort. Comme saint Laurent, ils ont suivi le Christ jusqu’au bout, lui qui le premier – le seul Juste, l’innocent –  a donné sa vie en affrontant le martyre de la croix et en donnant librement sa vie pour toute l’humanité.

Si suivre le Christ n’est pas courir au martyre, les disciples de Jésus affrontent cependant, selon les évènements et les périodes de l’histoire, le mal, la violence et la haine. Leur foi est contestée, leurs engagements en faveur de la justice, de la vérité, de la dignité de la personne humaine sont remis en question et conduisent à la persécution et à la condamnation à mort. Les décennies récentes manifestent encore combien les chrétiens sont persécutés au nom de leur foi, en bien des pays du monde. Ainsi, aujourd’hui les parole du Christ résonnent fortement : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.» (Jn 12, 26). Le pape François écrivait récemment : « «Il y a plus de martyrs aujourd’hui qu’aux premiers siècles». Les martyrs ont suivi le Christ jusqu’au bout : ils ont aimé le Christ par leur vie, ils l’ont aimé par leur mort !

Le témoignage des martyrs jusqu’à la mort n’est pas seulement un témoignage personnel de foi, mais est une source de vie pour l’Eglise : loin de faire disparaître un témoin de la foi, comme le pensent les bourreaux, une personne martyre ouvre un chemin de foi pour bien d’autres. Ainsi le traduisent, de manière imagée, les paroles du Christ : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12, 24) Nous connaissons la phrase célèbre de Tertullien : « Le sang des martyrs est semence des chrétiens. » Si aujourd’hui, nous faisons mémoire, dans l’ouverture de ce procès canonique, des 24 personnes martyrisées au cours de la Terreur révolutionnaire, c’est que leur témoignage de foi demeure vivant dans le cœur et la foi de beaucoup en Haute-Loire. Leur martyre n’est pas tombé dans l’oubli. Au contraire, des générations et des générations de croyants ont maintenu vive la mémoire du don de leur vie de ces hommes et de ces femmes qui, très simplement, sont demeurés fidèles à leur foi, ont protégé ceux qui étaient persécutés au risque de leur vie et ont laissé à tous la force de leur témoignage face à la terreur sanguinaire de certains. En bien des endroits en Haute-Loire, des stèles, des plaques commémoratives et beaucoup de récits dans les familles de leurs descendants manifestent combien leur geste n’a pas été oublié mais demeure fécond pour les générations d’hier et d’aujourd’hui.

Tout le travail qui va être maintenant mené au cours de ce procès, n’est pas simplement une enquête historique ou un simple recueil de données pour constituer un dossier, mais il s’agit d’une démarche de foi qui, j’espère, selon le discernement et le jugement de l’Eglise, nous permettra de reconnaître en François Mourier et ses compagnons, des témoins et des aînés dans la foi pour notre diocèse du Puy et pour un engagement plus fort de nos communautés dans le témoignage de leur foi au Christ mort et ressuscité. Terminons par l’invitation du pape François, dans son homélie lors d’une des dernières béatifications de martyrs en juin dernier : « Maintenant, c’est à nous qu’il revient de lutter, comme ils ont eu à le faire en leurs temps. Puissiez-vous être des témoins de liberté et de miséricorde, en faisant prévaloir la fraternité et le dialogue sur les divisions, en renforçant la fraternité du sang, qui trouve son origine dans la période de souffrance où les chrétiens, divisés au cours de l’histoire, se sont découverts plus proches et solidaires ! [2] »

+ Luc Crepy
Evêque du Puy-en-Velay

En savoir plus sur les martyrs


[1] Saint Augustin, Homélie, Office des lectures de la fête de saint Laurent, 10 août.
[2] Pape François, Homélie du 2 juin 2019 pour la béatification des 7 évêques grecs-catholiques martyrs, La Croix, 04/06/2019.