Le langage de la Croix (2 Co 2,1-5)
Homélie du 31 août 2020, Mgr Luc Crepy

« Je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la Sagesse : je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus-Christ, ce Messie crucifié. » Il est bon pour nous tous, prêtres et évêque, d’entendre ces paroles fortes de Paul, nous qui avons reçu la charge d’annoncer l’Évangile. Le langage de la Croix est au cœur, et le fondement, de sa prédication d’apôtre. Ce n’est pas un langage de sagesse, d’éloquence ou encore de complaisance vis-à-vis de ses interlocuteurs. Non, c’est l’annonce de Jésus le Christ, mort, crucifié et ressuscité. Folie pour les païens, scandale pour les juifs dira Paul. Le langage de la Croix demeure hier comme aujourd’hui, le seul langage qui rend pleinement témoignage de la foi chrétienne, du salut définitif donné par le Christ, de la Bonne Nouvelle et de la joie de l’Évangile.

Le langage de la Croix demeure pour nous comme pour celles et ceux à qui nous l’annonçons, un langage rude, décapant qui nous invite à sortir d’un certain confort pastoral ou d’un langage un peu convenu sur Dieu. Dans notre société qui se déchristianise rapidement, l’Eglise – les baptisés – doit mettre au centre de sa prédication, de sa catéchèse, de ses enseignements, le langage de la Croix. C’est bien Jésus-Christ, le Messie crucifié, proclamé par Paul, qui a suscité la foi des premières communautés chrétiennes comme celles des Corinthiens.

Le langage de la Croix – aussi radical soit-il avec cet homme crucifié que nous confessons être le Fils de Dieu – est celui d’une victoire, d’une Bonne Nouvelle, de l’amour vainqueur de ce qui défigure notre humanité. Cet amour, c’est l’amour de Dieu incarné dans le Christ qui se donne pour tous et pour chacun de nous. Concrètement, ce langage de l’amour c’est dire simplement à toute personne que nous rencontrons : « Regarde la Croix te concerne, car le Christ te dit qui est ce Dieu qui te semble si lointain. La Croix a à voir avec toi ! ». Il ne s’agit pas bien sûr d’un langage doloriste, avec la dérive toujours possible d’une apologie de la souffrance. Le langage de la Croix rejoint tout être humain car il s’agit du bien et du mal, de souffrance, de mort, de vie, d’amour… non pas d’un langage théorique ou philosophique mais qui invite à la contemplation de Celui que nous confessons comme le Fils de Dieu, le Messie crucifié.

Ce langage de la Croix n’est pas un langage triomphant, dominateur, qui ferait des apôtres et des disciples du Christ des grands de ce monde par la sagesse ou l’habileté du langage. C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant que Paul s’est présenté aux Corinthiens. Ce ne sont pas les qualités de l’orateur qui donne sa force au langage de la Croix. Au contraire, celui qui annonce un Messie crucifié partage l’humilité de Celui qui n’a pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu mais s’est abaissé jusqu’à la mort de la Croix (Ph 2, 5-8). Cette humilité de l’apôtre laisse toute la place à la puissance de l’Esprit : c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestent pour que la foi repose non pas sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu.

Tous, prêtres et évêque, qui avons été appelés, choisis, ordonnés pour annoncer aujourd’hui le Messie crucifié, c’est sans cesse la conversion qu’il nous faut faire en acceptant humblement que le langage de la Croix choque, bouscule, n’intéresse pas, ne semble pas correspondre au préoccupations de nos contemporains. Pourtant hier comme aujourd’hui, par la force de l’Esprit Saint, le langage de la Croix touche des hommes et des femmes, les met en route et les conforte dans leur foi.

À la suite de Paul, le langage de la Croix, c’est pour l’Eglise, sortir de tout cléricalisme, c’est prendre le chemin d’une amitié avec tous parce que ce sont l’Esprit et sa puissance qui se manifestent, c’est nous appuyer dans le quotidien de notre ministère sur la puissance de Dieu et non sur nous-mêmes.

+ Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay