Homélie de Mgr Luc Crepy, évêque du Puy, à l’occasion de la fête de Saint Robert, prononcée le 22 avril 2018 à La Chaise-Dieu.
Les textes de la Parole de Dieu résonnent souvent de manière diverse dans la vie des croyants, comme en témoignent les tapisseries, dont nous fêtons l’installation à la Chaise-Dieu, il y a 500 ans. Ainsi, commandées par l’abbé Jacques de Saint-Nectaire, les tapisseries sont l’expression de cette riche interprétation où deux textes de l’Ancien Testament éclairent un épisode évangélique de la vie du Christ Dans la pluralité de ces scènes bibliques, nous pouvons, dans la foi, percevoir l’œuvre de l’Esprit Saint qui nous rejoint dans tel ou tel aspect de notre existence, de nos questions, de notre espérance. De même les textes, proposés par la liturgie, nous aident à comprendre la personnalité et le message de saint Robert de Turlande, fêté en ce jour.
Dans le livre des Actes des Apôtres (4, 11), Pierre compare le Christ à la pierre méprisée par les bâtisseurs, mais devenue pierre d’angle. Si saint Robert a fondé et bâti l’abbaye de la Chaise-Dieu, c’est parce que sa vie était fondée et bâtie sur la pierre d’angle que constitue le Christ. La pierre d’angle est au centre de l’édifice, et si on la retire, tout s’écroule. Les grands fondateurs d’abbayes n’ont pas d’abord construit pour eux-mêmes ou leurs frères : les édifices de pierre qu’ils ont bâtis expriment leur foi en la pierre d’angle et de fondation qu’est le Christ. Regardons l’abbatiale : elle témoigne de la foi de ceux qui l’ont construite. Elle est signe de l’édifice spirituel qu’est l’Eglise.
Si saint Robert a fondé sa vie sur le Christ, il est aussi l’homme qui cherche à témoigner à tous de l’amour du Christ. Dans l’évangile de ce jour, une des grandes figures bibliques pour traduire cet amour du Christ est celle du bon pasteur. Jésus est concret : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11). Cette image du bon pasteur explique la manière dont Jésus prend soin de chacune de ses brebis jusqu’à donner sa vie pour elles. Saint Robert a témoigné de cet amour du Christ, à la fois en fondant l’abbaye avec de nombreux prieurés, mais aussi comme abbé, en cherchant à devenir pasteur à la suite de l’unique Bon Pasteur. Ce n’est pas la solidité des murs qui constitue l’Eglise, mais la foi des baptisés dans le seul berger, le Christ. Toute la responsabilité d’un fondateur – d’un abbé -, consiste à conduire ses frères à la suite de l’unique Pasteur.
Enfin, les mots de saint Jean, dans la deuxième lecture, résument notre méditation de ce jour : « Bien aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons enfants de Dieu, et nous le sommes » (1 Jn 3,1). Nous avons ici la clé pour entrer dans ce haut-lieu spirituel de la Chaise-Dieu, comme en bien d’autres édifices chrétiens. La beauté architecturale, la richesse des coloris des tapisseries, ces mille années d’histoire et surtout de vie de prière sont l’expression d’une foi émerveillée en l’amour de Dieu : « Voyez quel grand amour nous est donné ! » Cet amour de Dieu, révélé en Jésus-Christ, fut la force de ces bâtisseurs de cathédrales et d’abbayes, de ces fondateurs d’ordres religieux, de tous ces croyants qui, comme saint Robert, mille ans après leur mort, demeurent encore des témoins de la foi pour aujourd’hui.
La Chaise-Dieu manifeste cette foi en l’amour de Dieu, au cœur de la vie de saint Robert, et de ses successeurs : une foi que rendent vivante l’ensemble abbatial et les tapisseries pour le visiteur ou le pèlerin épris de beauté et en quête de sens.