Homélie de Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay, pour la Fête du Couronnement de Notre-Dame de la Délivrande, Douvres-la-Délivrande (Calvados) – 29 août 2015.
Chers Amis,
En cette fête du Couronnement de Marie, nous célébrons avec joie Notre-Dame de la Délivrande. Cette fête peut être aussi l’occasion pour nous d’approfondir la place de Marie au cœur de notre foi, de notre prière, de notre vie quotidienne : Que signifie prier Marie comme le font tant et tant de personnes de par le monde ? Que signifie se confier ou confier ses proches à celle que le Christ, lui-même, nous a donnée comme mère ? Comment nous accompagne-t-elle dans notre vie chrétienne ?
Ce sont les mêmes questions ici en Normandie qu’en Haute-Loire avec la ville du Puy qui abrite un des plus vieux sanctuaire marial d’Europe, où depuis plus de quinze siècles, des milliers et des milliers de pèlerins viennent prier Notre-Dame du Puy, elle aussi une Vierge noire qui présente à tous son Fils et, ajoutons avec un peu d’humour, une Vierge qui possède une garde-robe aussi fournie qu’à Douvres car elle aime être très élégante lors des processions du 15 août !
Plus sérieusement, il est surprenant de voir le contraste entre ces foules de croyants qui prient Marie et la place si discrète de celle-ci dans l’Écriture. Marie ne prend pas souvent la parole dans l’Évangile, au contraire, elle demeure très humble, très effacée et pourtant si présente et si aimante. ainsi, nous la voyons discrète à la crèche où elle garde tous ces évènements dans son cœur. Nous la voyons accompagnant Jésus, son fils, tout au long de sa passion et demeurant une des dernières à rester au pied de la croix ; nous la voyons à la Pentecôte, recevoir l’Esprit, avec les apôtres celle que les croyants nommeront mère de l’Église.
Dans l’évangile de Jean, que nous venons d’entendre Marie, prend une seule fois la parole et c’est à Cana. Elle s’adresse pour la première fois à son Fils puis elle disparaît. Elle ne réapparaît dans l’évangile que lors de la passion, et c’est Jésus, sur la croix, qui à son tour prend la parole et s’adresse une dernière fois à sa mère en demandant à l’apôtre Jean de la prendre chez lui. Pourtant Marie a donné naissance à son enfant, l’a accompagné vers la vie adulte, l’a suivi sur les chemins de Palestine, jusqu’à sa mort et sa résurrection à Jérusalem. Marie se trouve en quelque sorte, chez Jean, au commencement et à la fin du ministère de Jésus, au temps de la joie où le vin doit couler et au temps de la croix où le sang versé est le vin nouveau pour tous… Entre les deux apparitions – si je puis dire – de Marie dans l’évangile de Jean, il y a Jésus, il y a le Christ, il y a celui qui vient inaugurer l’Alliance nouvelle, il y a les noces de l’Agneau. Comme un triptyque, il y a d’un côté Marie à Cana et de l’autre il y a Marie au pied de la croix et au centre, au cœur du triptyque, il y a son Fils, il y a Jésus, il y a le Christ !
S’il y a une phrase qui peut résumer toute cette dynamique de l’évangile de Jean, c’est ce que Marie dit aux serviteurs de la Noce : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! ». C’est surement une des phrases-clés de l’Écriture pour comprendre la place, le rôle, l’importance de Marie dans notre foi et dans la vie de l’Église : Marie est celle qui désigne son Fils aux serviteurs, et beaucoup plus largement, elle montre son Fils à tous ; Marie est celle qui invite les serviteurs à faire confiance à son Fils quand le vin vient à manquer, et beaucoup plus largement, quand la vie est difficile et rude, quand la joie et le bonheur viennent à manquer, elle invite à suivre avec confiance à se tourner vers son Fils ; Marie est celle qui regarde les serviteurs verser l’eau dans les jarres, et beaucoup plus largement, elle accompagne, de son regard de mère, tous ceux qui mettent en pratique les paroles de son Fils.
« Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! ». Voilà ce que la Vierge noire, qu’elle soit de la Délivrande ou du Puy, nous rappelle sans cesse. Marie nous conduit à Jésus. En nous présentant l’enfant Jésus dans ses bras, elle nous le donne, elle nous invite à l’accueillir, elle nous dit : « Il est pour vous, Il est pour le monde, Il s’est donné par amour pour tous, Il vient rejoindre chaque homme, chaque femme quand le sens de la vie vient à manquer, quand l’espérance semble éteinte, quand la vie est trop lourde… Prenez-le… Moi, sa mère, je vous assure, faites-moi confiance : ‘ Tout ce qu’il vous dira, faites-le !’ ». Prier Marie est un chemin pour découvrir ce qui habite son cœur, son cœur de mère : l’amour de la mère pour son Fils et l’amour du Fils pour sa mère.
Ici, en bon eudiste à Douvres-la Délivrande, il me faut évoquer Jean Eudes qui vint confier ici à Marie sa future congrégation, qui s’appellera plus tard la congrégation de Jésus et Marie. Jean Eudes, missionnaire infatigable, voulait – vous le savez – raviver la foi des chrétiens de son temps qui étaient perdus et ne savaient plus très bien que croire (un peu comme aujourd’hui…). Et bien, ce pasteur proche des gens a choisi tout simplement de commencer par leur parler du Cœur de Marie, le cœur d’une mère : tout le monde peut comprendre et de ce cœur entièrement tourné vers son Fils. En apprenant à chacun à contempler le cœur de Marie, Jean Eudes les a conduits à Jésus, un chemin simple : de Marie à Jésus, à Jésus par Marie, à Jésus, en Marie.
Nous comprenons peut-être maintenant la place à la fois si discrète et si forte de Marie dans la vie chrétienne. Elle est le chemin privilégié vers son Fils. Ce n’est pas d’abord vers elle que convergent les regards mais vers Celui qu’elle nous montre. Quand nous prions, n’oublions pas cette parole de l’évangile de Jean : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! ».