Fête de Pâques 2019

Homélie prononcée par Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay, pour la fête de Pâques 2019.

Pour parler de la résurrection de Jésus, l’image laissée par les quatre évangiles est celle d’un tombeau vide, dont la pierre d’entrée a été roulée. Rappelons-nous que le corps de Jésus a été, non pas enterré, mais placé dans un tombeau creusé dans le rocher et fermé par une pierre (cf. Mt 27,66). Cette lourde pierre, d’ailleurs, inquiète les femmes qui souhaitent venir embaumer au petit matin le corps de Jésus : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » (Mc 16,3). Or les évangiles notent que la pierre a déjà été enlevée avant leur arrivée au tombeau (Lc 24,2). Voici donc la première scène – le premier signe – qu’il nous faut raconter si nous voulons parler de Pâques. Après la croix – signe de la torture et de la mort – apparaît ce tombeau vide.

Pourtant, ce matin-là, tout semble se passer autour du tombeau pourtant silencieux et austère. Il règne une étrange agitation. Marie-Madeleine et les femmes, qui ont accompagné Jésus jusqu’au bout de sa passion, sont les premières à se rendre au tombeau dès l’aube. Puis Pierre et Jean courent au tombeau, puis la rumeur se répand : le tombeau est vide. Qui a roulé la pierre qui fermait le tombeau ? Où est le corps du crucifié ? Personne ne le sait. Même si les grands prêtres accusent les disciples d’avoir volé le corps de Jésus (cf. Mt 28,11ss), tous s’interrogent. Le tombeau demeure ouvert à tous les regards, à tous les passants. Puisque la pierre a été roulée, tous peuvent constater que le tombeau est vide, définitivement vide. Il n’y a rien à voir, c’est ce que constatent les deux disciples quand ils y entrent. Seuls le linceul et les linges qui entouraient le corps de de Jésus (Jn 20,7) demeurent, comme le témoignage que le corps du crucifié a bien reposé là.

« Circulez, il n’y a rien à voir ! » pourrait-on dire et l’histoire de ce Jésus de Nazareth, puissant en œuvres et en paroles, s’arrêterait alors devant ce tombeau, et nous passerions, indifférents de ce qu’est advenu le crucifié. Cependant, si la pierre a été roulée, il nous faut oser entrer et constater que le tombeau est vide. Rien ne nous est donné à voir mais tout nous est donné à croire. Ainsi quand Jean, le disciple que Jésus aimait, arrive au tombeau : « il vit et il crut. » (Jn 20,8). C’est ici que commence notre foi chrétienne. A nous, il ne nous est pas donné de voir le Ressuscité comme Il est apparu à ses disciples. C’est face à ce tombeau vide que nous sommes confrontés – appelés – à nous prononcer sur Jésus : croyons-nous qu’Il est vivant ? Croyons-nous qu’Il est ressuscité ? Croyons-nous, qu’Il est avec nous, comme Il l’a promis, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ? (cf. Mt 28,20)

La foi en la résurrection du Christ Jésus ne s’impose pas, mais elle s’offre à nous qui choisissons, comme les femmes au tombeau, de croire en ses paroles. « ‘Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.’ Alors elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites. » (cf. Lc 24, 7-8) La foi au Ressuscité surgit quand nous reconnaissons en ses paroles, des paroles de vie qui donnent sens à l’existence humaine, qui nous révèlent combien nous sommes aimés par Dieu et qui ouvre une espérance, même quand tout semble définitivement clos. Oui, le tombeau vide manifeste que la mort est vaincue ; mais surtout que la vie, définitivement acquise par le Ressuscité, nous est donnée pour vaincre en nous et dans notre monde tout ce qui conduit à l’enfermement sur soi, à l’égoïsme, au repli sur nos richesses et nos sécurités… en un mot à tout ce qui conduit à vouloir refermer le tombeau sur nous-mêmes et sur les autres.

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. » (Lc 24, 5-6) disent les anges aux femmes quand elles entrent dans le tombeau. Où est-il le Ressuscité aujourd’hui ? Dans notre foi, nous confessons que Jésus est monté au ciel et qu’Il est assis à la droite du Père ; et nous confessons aussi que nous formons ensemble le Corps du Christ, l’Eglise. Oui, l’Eglise que forment tous les baptisés – et nous pouvons penser à tous les catéchumènes qui en sont devenus, dans la nuit pascale, les membres par le baptême – est signe de la présence du Christ vivant aujourd’hui. C’est en cela que nous sommes témoins de la Résurrection de Jésus et de sa présence parmi nous, en particulier quand nous nous rassemblons pour célébrer ensemble sa mort et sa résurrection dans l’Eucharistie. Comme les disciples sur le chemin d’Emmaüs, nous découvrons, jour après jour, que le Ressuscité nous accompagne et, comme eux, nous devenons témoins, auprès de ceux et celles qui nous entourent, que le Crucifié est vivant, qu’Il a donné sa vie pour nous et qu’Il est proche de ceux qui L’accueillent.

Oui, le tombeau est définitivement vide, la pierre reste roulée à ses côtés et il n’y a plus rien à voir. Le Christ est ressuscité, il nous rejoint sur les chemins heureux ou difficiles de nos existences. Il fait de nous ses témoins, ses disciples et ses missionnaires pour annoncer à tous que la mort et le mal ont été vaincus, et que l’amour de Dieu s’est manifesté vainqueur et offert à tous dans le Crucifié ressuscité.

En ce grand jour de Pâques, prions aussi pour l’Eglise : que le Christ ressuscité purifie en elle ce qu’elle vit d’ombres et de mort ! Que la joie et la lumière de Pâques soit source de communion entre nous et source d’attention et de respect aux plus petits ! Que la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, nous conduise sur les chemins d’humilité et de tendresse qui l’ont menée de la Crèche à la Croix et, en ce jour, à la Résurrection de son Fils.

+ Luc Crepy évêque du Puy-en-Velay