Homélie de Mgr Crepy prononcée à la cathédrale le 3 avril 2016, fête de la Miséricorde, à l’occasion du Pélé du Puy réunissant près de 1000 étudiants et jeunes professionnels de la région Auvergne – Rhône-Alpes.

« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas ma main dans son côté, non, je ne croirai pas. » (Jn 20, 25) Depuis 2000 ans, ces paroles de Thomas ont été reprises, d’une manière ou d’une autre, par bien des personnes. Nombreux sont ceux, en effet, qui ont lu avec intérêt l’Evangile et qui reconnaissent en Jésus cet homme aux paroles si justes et aux actes si vrais. Mais beaucoup s’arrêtent et buttent sur la Résurrection, un peu comme Thomas, ou comme ces Athéniens à qui Paul parlait du Ressuscité et qui l’ont congédié gentiment, en lui disant de revenir une autre fois (cf. Ac 17,32). Ainsi pour beaucoup, aujourd’hui comme hier, la résurrection de Jésus apparait comme quelque chose d’improbable, quelque chose de si éloigné dans le temps que peu croyable. Nous aussi, nous sommes parfois proches de Thomas. Sans doute, ne demandons-nous pas de voir et de toucher le Crucifié, mais l’évènement de la Résurrection nous laisse quelque peu indifférents. Oui, le Christ est ressuscité, mais quelle importance dans ma vie ? Comme Thomas, nos doutes et nos peurs prennent le dessus. Impossible de croire en ceux qui, comme les compagnons de Thomas, me disent « Nous avons vu le Seigneur ! » (Jn, 20, 25)

« Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn, 20, 28) Ce cri de Thomas ne peut être oublié, laissé de côté ! Thomas, qui n’espère plus et qui ne croit plus, est en quelque sorte percuté, touché au plus profond de lui-même par l’apparition de Jésus : oui, il est vivant Celui qu’il a suivi sur les routes de Palestine ! Oui, c’est bien Jésus dont le corps est marqué par les plaies de la croix : les clous dans ses mains et dans ses pieds, le coup de lance dans son côté. Oui, c’est bien cet homme pendu au bois de la croix qui se trouve devant lui, Thomas, le disciple incrédule qui ne croit que ce qu’il voit. Reconnaissant enfin le Christ ressuscité, du fond de son cœur, Thomas s’exclame « Mon Seigneur et mon Dieu ! » C’est le cri du disciple qui reconnait son Maître – son Seigneur – à la suite duquel il s’est mis en route, qu’il a aimé, qu’il a abandonné au moment de la Passion et qu’il retrouve aujourd’hui, vivant, devant lui. Le Seigneur – son Seigneur – est revenu de la mort à la vie. Ce cri résonne dans toute l’histoire de l’Eglise comme l’annonce de la Résurrection.

Oui, à Thomas, Jésus offre les signes de sa résurrection et l’invite à devenir croyant au-delà de ce qu’il voit. Oui, à nous aussi, le Christ offre les signes de sa résurrection et nous dit ce soir : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20, 29) S’il ne nous est pas donné, comme Thomas, de voir Jésus vivant et de le saisir avec nos mains, il nous est donné d’accueillir et de reconnaître les signes de sa résurrection dans nos vies, dans la vie de l’Eglise et dans la vie du monde. Il nous faut passer des yeux de chair aux yeux du cœur – aux yeux de la foi – pour saisir combien le Christ vivant nous fait signe de mille manières, combien il cherche « avec peu à nous rendre heureux » dans le quotidien de notre vie. Relisez simplement tout ce que vous avez vécu depuis 48 heures au cours de ce pèlerinage. Ouvrez les yeux et regardez les signes – petits ou grands – que le Ressuscité a posés au cours de votre marche : les rencontres avec d’autres qui ont été pour vous témoins de la présence de Jésus dans leur vie ; tout ce qui a surgi dans votre réflexion, dans vos discussions ; les appels du Seigneur que vous avez perçus dans votre prière ; la miséricorde de Dieu que vous avez reçue dans le sacrement de réconciliation ; la joie de louer non pas un mort mais le Christ vivant… Ce temps pascal est un temps privilégié pour aiguiser de nouveau les yeux de notre cœur et voir tous les signes que le Christ vivant fait pour ses disciples.

Oui, comme à Thomas, le Christ nous dit ce soir : « Cesse d’être incrédule et sois croyant ! » (Jn 20, 27) Oui, relis ton histoire, et tu verras que depuis longtemps je marche à tes côtés, mais comme les disciples d’Emmaüs tu as bien du mal à me reconnaître. Oui, regarde : dans les moments difficiles de ta vie, j’étais là près de toi… tu me croyais absent et pourtant c’était moi qui te portais. Oui, tu m’as cherché là où je n’étais pas, mais je me suis manifesté à toi et tu m’as reconnu dans le pain partagé, dans le regard du pauvre, dans l’accueil de l’autre. Oui, aujourd’hui tu as passé les portes de la miséricorde et c’est moi qui t’ai accueilli car je suis la Porte par laquelle tu découvres combien Dieu t’aime.

Voilà, chers Amis, en cette Année sainte de la Miséricorde et du Jubilé de Notre-Dame du Puy, ne cherchons pas d’autre définition de la Miséricorde de Dieu ! La miséricorde du Père, ce sont tous ces signes de la résurrection de son Fils bien-aimé qu’Il nous donne sur le chemin de notre vie. Le Père miséricordieux nous manifeste son amour dans le don même de son Fils ressuscité. Dans les prochains jours, en retournant à vos études et en reprenant votre travail, devenez des missionnaires de la Miséricorde, joyeux d’annoncer la présence du Christ vivant. Que Notre-Dame du Puy, la Vierge Marie, Mère de Miséricorde accompagne chacun et chacune d’entre vous et vous permette de mettre toujours plus vos pas dans ceux de son Fils.

Luc Crepy,
évêque du Puy