Homélie de Mgr Crepy le 8 décembre 2015 pour l’ouverture de la Porte de l’Année de la Miséricorde en la cathédrale Notre-Dame du Puy, en la solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge.

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L’évangile de ce jour – l’annonce de l’ange à Marie – est sans doute est un des plus beaux textes de la Bible mais aussi un des plus importants. Dans l’histoire de l’art, les peintres, en particulier aux 15° et 16° siècles, ont cherché, par d’innombrables tableaux, à représenter le récit de l’évangéliste Luc. Si les artistes ont cherché à donner corps et visage à ce passage de l’Écriture, c’est sans doute parce qu’ils ont perçu dans leur sensibilité, dans leur intuition mais aussi dans leur foi, la profondeur et la gravité de cet écrit.

Quelque chose d’irrémédiablement nouveau se joue dans le salut de l’ange et la réponse de Marie… quelque chose de définitif s’inscrit dans l’histoire de l’humanité. Une porte nouvelle s’ouvre pour tout le genre humain et pour toute la création : Dieu entre dans notre humanité, Dieu se fait homme, le Verbe se fait chair. Celui qui règne de toute éternité entre dans l’histoire des hommes. 
Le contraste est saisissant entre la simplicité de la scène et les conséquences du oui de Marie. C’est peut-être cela qui a touché le cœur des artistes et qui peut ce soir toucher nos cœurs. Cette simple jeune fille qui accueille la volonté de Dieu et accepte d’être celle en qui se réalise la promesse tant attendue de tout un peuple, celle qui accueille dans sa virginité la puissance du Très-Haut, celle qui fait pleinement confiance : « que tout se passe pour moi selon ta parole. » Il y a déjà dans ce récit toute la douceur et toute la force de l’Incarnation, toute la douceur et la force de Celui qui vient témoigner de l’amour de Dieu, à la fois double et humble de cœur, à la fois donnant sa vie sur la croix.

Le Pape François, dans son grand texte expliquant le Jubilé, affirme : « La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre.  » (MV §2). Qu’est-ce d’autre que le récit de l’Annonciation si ce n’est la plus belle manifestation de Dieu qui vient définitivement à la rencontre de l’humanité en se faisant homme, en devenant l’un des nôtres, en Jésus ? 
Marie, dans sa rencontre avec Elisabeth, chantera toute sa reconnaissance à Dieu, Lui qui s’est penché sur son humble servante et qui manifeste sa miséricorde d’âge en âge. Le pape ajoute : « La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu à l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de son péché. » Quand l’ange annonce à Marie que cet enfant sera le Sauveur, il annonce que la miséricorde de Dieu va prendre un visage, va devenir visible et que Dieu « riche en miséricorde » se révèlera pleinement en Jésus. En Jésus-Christ nous découvrons qui est Dieu.

Le théologien Walter Kasper auquel le pape François aime faire référence, nous dit : « La miséricorde est l’expression de l’être même de Dieu qui est amour, elle est en quelque sorte sa face visible et efficiente ; elle exprime l’être de Dieu qui se penche avec bienveillance sur les hommes et sur le monde, elle manifeste sa bonté et son amour ». Cette bienveillance de Dieu qui se penche sur les hommes, elle se dessine dans la figure de l’ange qui vient à Nazareth trouver Marie ; cette bonté de Dieu s’écrit dans la promesse qui se réalise avec la venue d’un Sauveur. Oui, nous pouvons relire en ce jour d’ouverture du Jubilé, en cette fête de l’Immaculée Conception, le récit de l’Annonciation comme la manifestation simple et belle de la miséricorde de Dieu. Si nous interrogeons : qu’est-ce que la miséricorde ? Et bien méditons ce récit ! Ou si vous êtes peintre ou poète, cherchez à en dévoiler, en approfondir la beauté !

Au début de cette célébration, nous avons franchi ensemble la Porte Sainte, la Porte qui ouvre l’Année sainte, nous sommes entrés maintenant dans ce temps du Jubilé où nous sommes appelés à vivre un « moment extraordinaire de grâce et de renouveau spirituel » (MV §3) dans toute l’Église, ici et là-bas. 
En ces temps actuels qui sont difficiles et lourds de bien des manières, soyons des témoins de la Miséricorde de Dieu, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui font sans cesse l’expérience dans leur vie de l’amour de Dieu qui aime et qui pardonne ; des hommes et des femmes, témoins d’un Dieu qui sans cesse se fait proche de nous comme le Bon Samaritain, comme le Berger qui va chercher la Brebis perdue, comme le Père du Fils prodigue ; des hommes et des femmes, signes vivants de l’invitation du Christ : « Heureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde » (Mt 5,7).

Une dernière fois avec le pape François, invoquons la Mère de Miséricorde : « Que la douceur de son regard nous accompagne en cette Année sainte, afin que tous puissent redécouvrir la joie de la tendresse de Dieu. Personne n’a connu comme Marie la profondeur du mystère de Dieu fait homme[…] : qu’elle ne se lasse jamais de poser sur nous un regard miséricordieux, et nous rende dignes de contempler le visage de miséricorde, son Fils Jésus. » (MV §24)