Homélie prononcée par Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay, lors des fêtes de Sainte Foy, à Conques, le 8 octobre 2017.

« De Notre Seigneur je me veux à disposition et il m’apparaît clairement qu’il n’y a rien que j’admire autant. » De cette chanson du XI° siècle, dite de sainte Foy, nous est donné le sens de ce que nous vivons ensemble au cours de ces fêtes de sainte Foy. Nous fêtons une jeune martyre qui a refusé de renier sa foi et qui, devant ses accusateurs et ses bourreaux, a affirmé avec courage sa confiance en Dieu et son amour pour Lui. Rendre témoignage au Christ jusqu’au don de sa vie et, au prix de son sang, affirmer que seul Dieu compte, telle est la mémoire vivante qui anime les innombrables pèlerins qui, depuis des siècles, viennent ici à Conques vénérer sainte Foy et lui demander de prier pour eux.

Les martyrs d’hier comme ceux d’aujourd’hui – beaucoup de chrétiens, en divers endroits du monde, sont persécutés encore aujourd’hui pour leur foi. Ils interpellent vivement l’Eglise tout au long des siècles et appellent les chrétiens à devenir des hommes et des femmes qui osent dire leur foi et surtout la vivre pleinement dans toute leur existence. Certes, nous ne sommes pas tous appelés à vivre le martyre comme sainte Foy mais nous sommes, par notre baptême, appelés à annoncer une Bonne Nouvelle, à rendre compte de l’espérance qui est en nous, comme le dit saint Pierre dans la seconde lecture : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. » (1 P 3, 15-16) Si la foi n’est pas une idée mais la rencontre avec une personne – la rencontre avec le Christ -, et nous offre de trouver la paix et la joie, alors c’est un trésor qu’il n’est pas possible de garder pour nous et que nous cherchons à partager avec d’autres. Dans notre monde où il y a bien des raisons de désespérer, nous sommes porteurs d’une espérance qui ne change pas tout, par un coup de baguette magique, mais qui ouvre à tous un chemin, une confiance, un sens à notre vie et à celle de notre humanité.

Pour avoir le courage de donner ainsi sa vie comme sainte Foy, les martyrs sont d’abord des hommes et des femmes qui, dans leur existence, ont vécu une amitié forte avec le Christ. La rencontre du Christ ressuscité, comme celui qui nous accueille – les bras ouverts – sur le tympan de l’abbatiale de Conques, constitue une expérience déterminante dans leur vie. Ils ont accueilli au plus profond d’eux-mêmes les dernières paroles de Jésus quand il faisait ses adieux à ses disciples : « Je vous appelle mes amis car tout ce j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15, 15) Oui, le Christ – le Fils de Dieu – fait de nous ses amis, il nous invite à partager tout l’amour de son Père et notre Père. Il nous révèle ce qui tient le plus à cœur à son Père : faire de nous ses enfants capables de s’aimer les uns les autres. S’il fallait résumer en un mot ce qui traverse toute la vie des martyrs, ce n’est pas d’abord la souffrance aussi terrible soit-elle, mais l’amour car chacun et chacune d’entre eux ont entendu et accueilli en eux le seul, le plus important, le plus fort de tous les commandements, le dernier commandement laissé par Jésus comme son testament : « Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn, 15, 12)

« Aimez-vous comme je vous ai aimés » : voilà ce que les martyrs ont entendu, voilà ce qu’ils ont cherché à mettre en pratique, voilà ce qui a motivé les grands choix de leur vie, quitte à refuser les honneurs, les richesses, le pouvoir qu’on leur offrait s’ils se détournaient du commandement d’amour et de Celui qui l’a donné. C’est ce petit « comme » qu’il nous faut laisser résonner dans nos oreilles et surtout dans nos cœurs. Il s’agit d’apprendre à aimer comme le Christ aime. Ce n’est pas un chemin facile car notre volonté d’aimer est souvent encombrée de tant et tant d’obstacles comme notre égoïsme, nos peurs, notre manque d’accueil de l’autre dans sa différence, notre oubli des plus petits et des plus pauvres. Souvent nous ne savons pas aimer comme il le faudrait, nous ne savons pas aimer en vérité et avec confiance. Voilà donc la bonne nouvelle de l’Evangile : si tu suis le Christ, alors tu apprendras à aimer les autres, toi-même et Dieu comme le Christ, Lui-même, nous l’a enseigné. C’est la route de tous les disciples de Jésus, une route difficile mais heureuse et joyeuse.

« Aimez-vous comme je vous ai aimés. » et Jésus ajoute : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 13) C’est cette dernière phrase qui a résonné dans le cœur des hommes et des femmes persécutées pour leur foi. C’est ce que Jésus a vécu sur la croix en donnant sa vie jusqu’au bout. « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18) dit-il à ses disciples qui s’interrogent sur l’annonce de sa Passion. Les martyrs sont d’abord des témoins de la force de l’amour de Dieu et du salut qu’apporte cet amour à tous les hommes. Il est bon aujourd’hui en fêtant sainte Foy de nous rappeler ainsi ce qui a conduit tant et tant de pèlerins à venir la prier : cette petite jeune fille, toute frêle et fragile, mais si forte dans sa foi, nous rappelle que l’amour est plus fort que la mort, que marcher à la suite du Christ c’est apprendre, jour après jour, à aimer comme Lui et à devenir des artisans de paix et de justice dans notre monde qui en a tant besoin.

Photos : Régine Combal, directrice de l’Office de Tourisme Conques Marcillac (©RC-OTCM).