Le 21 mai 2017, en la Cathédrale Notre-Dame du Puy, Mgr Crepy a présidé la messe célébrant les 350 ans de la Congrégation des Sœurs de l’Enfant Jésus et de leur fondatrice, Anne-Marie Martel

L’homélie n’est ni le lieu, ni le temps d’une biographie, même d’une fondatrice aussi remarquable qu’Anne-Marie Martel, en cet anniversaire des 350 années de la Congrégation des Sœurs de l’Enfant Jésus. Par contre, la vie d’Anne-Marie Martel, comme celle des grands témoins de l’Évangile, manifeste combien l’Esprit Saint travaille les cœurs en les ouvrant sans cesse à la Parole de Dieu et à l’intimité avec le Christ. C’est ce qui nous est proposé à nous aussi aujourd’hui : laisser l’Esprit habiter nos cœurs – et votre congrégation – à l’écoute de la Parole de Dieu qui vient d’être proclamée pour nous rendre attentifs à la présence de Jésus en nous.

Si nous sommes là, en cette cathédrale, c’est que le Christ a tenu la promesse faite à ses disciples avant de les quitter : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous, l’Esprit de vérité. » (Jn 14,16) Ainsi, en ce temps pascal, nous marchons vers la Pentecôte pour célébrer ce grand évènement où l’Esprit Saint, comme un vent violent et des langues de feu, est donné aux apôtres, encore apeurés et peu convaincus de la résurrection de leur Seigneur. Ce don de l’Esprit fait d’eux des témoins du Christ et de l’Évangile et marque la naissance de l’Église, une Église qui prend corps en ses différents membres, tous animés par les dons reçus et envoyés pour annoncer la Bonne Nouvelle. La promesse du Christ se réalise de jour en jour et nous pourrions relire toute l’histoire de l’Église comme ce don permanent de l’Esprit qui, à chaque génération, suscite des témoins capables de manifester l’amour de Dieu. La création des innombrables congrégations et ordres religieux tout au long des vingt siècles de christianisme est la traduction concrète de l’action de l’Esprit dans notre monde. Nous pouvons, chères Sœurs, relire le travail de l’Esprit quand la jeune Anne-Marie accepte, à la demande de son confesseur, d’aller visiter les femmes malades de l’hôpital d’Aiguilhe. Nous pouvons aussi rendre grâce pour l’action de l’Esprit qui, en cette année 1667, va donner naissance à la suite d’Anne-Marie, à votre congrégation. Oui, la promesse du Christ se réalise d’âge en âge et sa parole prend son actualité jour après jour : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. » (Jn 14,18)

Mais il nous faut aller plus loin car l’évangile de ce dimanche précise le travail du Défenseur : nous aider à garder les commandements du Christ. Et quel est le grand commandement que Jésus laisse à ses disciples, à chacun et chacune de nous aujourd’hui ? « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 15,12) C’est ce commandement qu’Anne-Marie Martel a laissé résonner dans sa vie et qu’elle a mis en pratique de manière radicale auprès des jeunes filles et des femmes vivant une très grande misère tant physique que morale. Cet appel à l’amour du prochain anime la mission des Sœurs de l’Enfant Jésus depuis 350 ans. L’Esprit Saint inspire et rappelle sans cesse ce commandement nouveau, dans le cœur des croyants et la vie de L’Église.

Mais si ce commandement nous tourne sans cesse vers les autres, et en particulier les plus pauvres et des plus petits, il ne constitue pas seulement une ligne d’action, une orientation apostolique, un exercice de la charité. Ce commandement nouveau est le chemin qui nous conduit à vivre une intimité toujours plus forte avec le Christ. Il s’agit d’aimer comme le Christ aime et ceci n’est possible que dans une relation étroite et vivante avec Jésus, sous l’action de l’Esprit. « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » (Jn 14, 21) Et Jésus d’ajouter : « En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. » (Jn 14, 20) En vivant le commandement de l’amour, sous l’action de l’Esprit, nous laissons place au Christ dans notre vie. Dans la vie de l’Église, les saints et les saintes nous le rappellent, et tout particulièrement les témoins de l’Évangile du grand siècle spirituel que fut le XVIIème siècle avec l’École française de spiritualité. Ici au Puy, Anne-Marie Martel en est une des représentantes, ainsi que les Sulpiciens qui ont œuvré au Grand Séminaire, sans oublier Agnès de Langeac qui a guidé Monsieur Olier.Le maître mot de cette école spirituelle est de « former Jésus en nous ». Lors de ses prédications dans les campagnes déchristianisées de France, saint Jean Eudes rappelait sans cesse que le baptême est un chemin d’union avec Dieu et que la vie chrétienne, c’est former Jésus en nous, sous l’action de l’Esprit. L’engagement d’Anne-Marie Martel auprès des femmes en difficulté – que d’ailleurs partageait aussi saint Jean Eudes – est l’expression, non pas d’un simple sentiment de pitié, mais de cette intimité avec le Christ qui la conduisait à avoir les mêmes sentiments, les mêmes attitudes que Jésus, dans toute la force et la beauté de son Incarnation auprès des plus petits.

Il serait injuste de terminer sans rappeler un autre maître mot de tous ces réformateurs du XVIIème siècle : « O Jésus vivant en Marie. » Anne-Marie Martel, ici, au Puy, s’est tournée maintes et maintes fois vers la Vierge noire, vers Marie qui nous conduit à son Fils. Marie est celle qui, la première, a formé Jésus en son sein et son cœur. Qu’elle demande pour nous au Père l’Esprit Saint qui formera son Fils en nos cœurs et fera de nous des hommes et des femmes capables de vivre le commandement toujours nouveau de l’amour : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

+ Luc Crepy
Évêque du Puy-en-Velay