Allocution de Mgr Luc Crepy, évêque du Puy, à l’occasion de l’inauguration du jardin « Monseigneur Henri Brincard » le 14 novembre 2015. Il y fait allusion aux attentats qui ont endeuillé Paris la nuit précédente.

Chers amis,

Ce matin, nous pensions pouvoir vivre un temps de sérénité et de joie : quoi de plus paisible que l’inauguration d’un jardin ? Hélas, nos esprits et nos cœurs sont touchés et meurtris par les évènements de la nuit dernière. Faut-il pour autant que la vie cesse ? Non, je crois que face au terrorisme et à la barbarie, il faut rappeler sans cesse que la dignité de l’homme s’affirme profondément dans la culture et dans cette communion universelle qu’offre la beauté de l’art et de la civilisation. Ainsi, puisse la modeste inauguration de ce jardin être comme un petit geste d’espérance en la faculté des êtres humains à bâtir un monde plus beau et surtout plus fraternel.

Ce matin, nous sommes ici pour donner un nom à un jardin… Pourquoi un jardin ? Pourquoi lui donner un nom ? Pourquoi évoquer la mémoire de Monseigneur Henri Brincard avec un jardin ? N’y-a-t-il pas d’autres manières plus spirituelles d’évoquer celui qui fut le pasteur du diocèse du Puy pendant de longues années ?

Rappelons-nous que les jardins ne sont jamais des lieux ordinaires. Pour celui qui les aime, et pour celui qui les admire, aucun n’est semblable. Chaque jardin, aussi modeste soit-il, possède une identité particulière, une intimité qui ne se révèle qu’à ceux qui savent les traverser comme des hôtes et non des maîtres, une complicité où la nature et le travail humain se rencontrent harmonieusement. Les jardins possèdent une place originale et irremplaçable dans les civilisations humaines. Ils sont le lieu où la nature, bien que domestiquée et mise en forme, par l’homme, est d’autant plus mise en valeur que l’art du jardinier est grand dans le choix des fleurs, l’ordonnancement des arbres, les jeux du minéral et du végétal.

Il n’est pas anodin que la Bible s’ouvre sur un grand jardin de beautés et de délices, le jardin d’Éden… il n’est pas non plus anodin que le Christ aime se retrouver avec ses disciples au jardin des Oliviers, contemplant la ville de Jérusalem, et la veille de sa Passion, priant son Père… et, peut-être plus surprenant encore, Marie-Madeleine, au petit matin de Pâques, qui ne reconnaît pas le Ressuscité mais le prend pour le jardinier. Le jardin est ce lieu où l’homme s’invite dans la création dont il n’est pas le maître mais qui lui a été donnée pour en faire, à son tour, une création nouvelle.

Porter le nom d’un jardin, c’est s’inscrire dans une histoire, dans un labeur qui a permis de donner forme et vie à ce lieu, dans un espace où l’homme et la nature ont appris à habiter ensemble. Le jardin qui va porter le nom de « Monseigneur Henri Brincard » se situe dans un haut lieu de l’histoire humaine, au sommet d’une antique cité, proche de l’ancien forum romain et aujourd’hui à l’ombre de la cathédrale médiévale. Dans les dédales étroits de la ville haute, la pierre est reine partout… le minéral l’emporte sur le végétal… et pourtant quelques jardins subsistent dont celui du Camino. Ce n’est pas n’importe quel jardin, car il est niché entre deux édifices témoins de la solidité de l’ouvrage humain au cours des siècles. Et si Mgr Henri Brincard a su redonner à l’hôtel de Saint Vidal toute sa beauté, celle-ci ne serait guère perceptible si ce modeste jardin n’existait pas.

Mais ce jardin, entouré de murs anciens, n’est pas seulement le vestige de quelque jardin médiéval, où sans doute poussaient des pieds de vigne, permettant aux chanoines de la cathédrale de produire le vin nécessaire à leur office. Ce jardin, aujourd’hui, par la petite porte étroite sur la rue, invite discrètement mais sûrement, les pèlerins à venir s’asseoir et se désaltérer avant de prendre le chemin de Saint-Jacques. Ce jardin est un lieu de rencontres où d’anciens pèlerins viennent partager leur expérience de la route de Compostelle, et où les marcheurs, encore peu aguerris, viennent confier leur joie de partir mais aussi leurs inquiétudes… car la route sera longue. Espace de rencontres et de discussions, ce jardin est un petit signe, en ces temps tragiques, que des hommes et des femmes, animés ou non par leur foi, peuvent faire route ensemble, marcher sur un même chemin et tendre vers un but commun.

Le souhait de Mgr Brincard était que les pèlerins de Saint Jacques, partant du Puy, trouvent cet espace accueillant, chaleureux et intime avant de plonger vers les grands horizons du Chemin… du Camino. Ce jardin des pèlerins va porter le nom de celui qui l’a voulu avec ténacité, avec courage et avec joie ; aidé par bon nombre d’entre vous qui êtes présents ici ce matin. C’est donc avec beaucoup de reconnaissance envers Mgr Henri Brincard que nous voulons ce matin lui dédier ce jardin. Ainsi, nous lui rendons également hommage pour la belle œuvre du Camino qui constitue un joyau architectural et spirituel pour l’ensemble sanctuaire Notre-Dame du Puy, pour la ville du Puy et, plus largement encore, pour le département de la Haute-Loire. Puisse le jardin « Monseigneur Henri Brincard » demeurer ouvert et accueillant à tous ceux et celles qui viennent ici au Puy s’engager sur un chemin nouveau et mettre leur pas dans ceux des innombrables pèlerins en quête de sens et de vérité !

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