Homélie prononcée par Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay, lors de la fête de la Toussaint en la cathédrale du Puy, le 1er novembre 2017.

« Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. » (1 Jn 3,1) Accueillons aujourd’hui dans nos cœurs, avec force et reconnaissance, cette invitation de l’apôtre Jean. De quel grand amour, Dieu nous a aimés ! Entrons dans cette louange et cette joie de toute l’Eglise en ce jour de la Toussaint : oui, combien le Père nous aime, combien le Père a aimé le monde en nous manifestant son amour par la mort et la résurrection de son Fils, Jésus le Christ ! Oui combien Dieu nous aime en nous donnant son Esprit – l’Esprit de Jésus – qui fait de nous ses propres enfants !

Par notre baptême, Dieu fait de nous, à la suite de son Fils, ses enfants d’adoption. Nous sommes devenus fils et filles du Père et frères et sœurs du Christ. Et nous avons reçu l’Esprit Saint qui ouvre pour nous le chemin de la sainteté. Ce chemin, que nous avons à parcourir, est à la fois rude et douloureux car il exige des conversions que nous ne sommes pas toujours prêts à faire ; il est à la fois un chemin de bonheur et de sens car nous avançons dans nos vies dans la confiance et forts de l’amour de Dieu. La sainteté n’est pas au bout du chemin, comme s’il fallait l’acquérir au terme de toute une vie, la sainteté nous a été donnée lorsque nous avons été plongés dans l’eau du baptême et que nous sommes entrés définitivement dans la vie divine, dans la vie trinitaire, dans la communion même à l’amour de Dieu. Saint Jean Eudes, qui a beaucoup prêché sur la grandeur du baptême, écrit : « Alors quelle doit être la sainteté de notre vie, étant ainsi associés avec le Saint des Saints, et d’une manière si intime ! Certainement, puisque nous ne sommes qu’un avec Dieu, nous devons aussi avoir un même cœur, un même esprit, une même volonté, un même sentiment et une même affection avec lui ! [1] »

La sainteté, c’est au jour le jour, dans le quotidien de notre existence, vivre une relation intime et forte avec Dieu. C’est accueillir l’amour dont Il nous aime – « Voyez quel grand amour nous a donné le Père » – et, à notre tour, vivre entre nous de cet amour et le porter à tous ceux et celles que nous rencontrons. Si nous admirons et nous célébrons aujourd’hui tous les saints, c’est bien sûr parce qu’ils sont entrés dans la gloire de Dieu et qu’ils contemplent pleinement combien est grand l’amour de Dieu ; mais c’est aussi parce que nous voyons combien, dans leur vie, ils ont accueilli et laissé croître la grâce de leur baptême et combien ils ont tracé, de manière si exemplaire, un chemin de la sainteté que l’Eglise a reconnu et propose à tous. Pensez aux saints et saintes que vous aimez bien prier, peut-être celui ou celle dont vous portez le prénom, pensez aussi aux saintes et aux saintes de notre diocèse comme saint Jean-François Régis et saint Bénilde, sainte Colette et la bienheureuse Mère Agnès de Jésus. Tout au long de leur vie, dans des gestes très concrets, dans des décisions qui ont engagé toute leur existence, dans des choix parfois difficiles à prendre et peu compris par leur famille ou leurs contemporains, ils ont manifesté combien l’amour du Christ est fort et peut changer beaucoup de choses, tant dans les cœurs que dans la société. Oui, ils n’ont pas couru après la sainteté, ils l’ont vécue au quotidien dans les gestes les plus simples comme dans les engagements les plus forts. Pour nous, c’est une force et un vrai soutien de savoir que, dans nos vies, nous pouvons tracer modestement – comme saint Bénilde – et avec courage et détermination – comme saint Jean-François Régis – le chemin de sainteté ouvert définitivement à notre baptême.

« Voyez quel grand amour nous a donné le Père ». Oui, il nous faut maintenant laisser résonner une fois encore cet hymne à la joie que sont les Béatitudes. Le Christ offre ici à ses disciples une des plus belles expressions de l’amour de Dieu. Il ouvre leurs cœurs et leurs esprits à cette proximité du Père, si attentif et si proche de ses enfants. Il les invite à voir combien Dieu aime notre humanité, et plus particulièrement tous ceux et toutes celles qui œuvrent pour que l’amour ait la première place dans la vie du monde et des sociétés humaines. D’une certaine manière, il trace le « programme de la sainteté ». Quels sont les hommes et femmes qui sont proches de Dieu et qui manifestent sa sainteté ? Ecoutons : heureux les pauvres de cœur, heureux les miséricordieux, heureux les artisans de paix… Et cet amour – cette miséricorde – de Dieu n’oublie pas bien sûr les personnes qui souffrent : heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés, heureux ceux qui sont persécutés pour la justice ou qui sont insultés faussement, leur récompense sera grande dans le Royaume des Cieux.

« Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. » Rendons grâce pour tous les saints et les saintes que le Seigneur donne hier comme aujourd’hui à son Eglise, et demandons à la Vierge Marie – la reine de tous les saints – de nous accompagner sur le chemin de la sainteté à la suite de son Fils.

Notes

[1] Œuvres complètes, II, 184-187.