À l’occasion du mois de la Création, lors de la soirée du 20 septembre 2022 sur le thème de “prendre la parole en société”, Marc Roux est intervenu sur les risques courus par des défenseurs de terres et de l’environnement d’après une publication d’Amesty International.

Qui sont ces défenseurs ?

Nous sommes de plus en plus nombreux à avoir pris conscience de l’importance de s’engager pour la protection de notre environnement et la survie de nos droits les plus fondamentaux tels que l’accès à l’eau, à la nourriture et à un environnement sain. Ces dernières années, le mouvement militant lié à la crise climatique, est monté en puissance à travers le monde.

Les personnes qui sont en première ligne de ces combats, ce sont les défenseurs de la terre et de l’environnement. Leur combat quotidien, c’est de défendre l’environnement, la biodiversité, la terre et a vie dans toute sa diversité. Mais depuis longtemps aussi, les États n’en font pas assez pour protéger ces défenseurs de l’environnement ou pire, les prennent pour cible. Les activistes climatiques deviennent les nouveaux prisonniers d’opinion et Amnesty International les met aussi au cœur de son engagement en faveur des droits humains. L’Amérique latine reste la région du monde la plus dangereuse pour les défenseurs des droits humains sur les questions liées aux terres et à l’environnement. Plusieurs pays du sud asiatique sont également très fortement concernés par cette situation.

Quels risques prennent-ils ?

  • Des menaces sur eux, leurs familles, leurs communautés
  • Des expropriations
  • Des poursuites judiciaires abusives du système judiciaire : ils sont traités de terroristes et ennemis de la Nation
  • Des emprisonnements
  • Des homicides : le nombre d’homicides a augmenté pour atteindre un niveau sans précédent en 2017.

Pourquoi prennent-ils ces risques ?

  • Parce qu’ils subissent l’agriculture industrielle, souvent soutenue par des financements mondiaux provenant de banques et d’investisseurs bien connus.
  • Parce qu’ils subissent des projets d’exploitation des ressources minières ou énergétiques (hydrocarbures et ressources hydrauliques), forestiers ou agro-industriels
  • Parce qu’ils sont témoins des profits qu’apportent ces exploitations et en conséquence témoins  de corruptions et d’impunité.
  • Parce que les gouvernements et entreprises n’agissent pas de manière responsable, éthique et parfois légal. Les intérêts économiques sont préférés au respect de l’environnement, des populations qui l’habitent et des droits humains de ces populations et de leurs défenseurs.

Quelques situations

En Amerique Latine

Mexique
Julián Carillo, a été assassiné le 24 octobre 2018 par des hommes armés non identifiés. Il défendait avec ferveur la terre et le territoire du peuple indigène Rarámuri au Mexique, contre l’exploitation illégale des forêts, des mines et des cultures de drogue dans son territoire ancestral. Cinq autres membres de sa famille, dont son fils, ont également été tués. Après plus de deux ans, deux personnes ont été condamnées pour le meurtre du défenseur Julián Carrillo. C’est un grand pas en avant dans la quête de sa famille pour la justice et la défense de l’environnement.

Honduras
Berta Cáceres, 43 ans, a été assassinée le 2 mars 2016 à son domicile dans la province d’Intibucá, à l’ouest du Honduras. En 1993, elle a fondé le Conseil civique d’organisations populaires et autochtones du qui a notamment milité entre 2013 et 2015 contre un projet de barrage hydroélectrique menaçant sa communauté, le peuple lenca.

Chili
Mujeres Modatina est une organisation pour la défense de l’eau, la terre et la protection de l’environnement au centre du Chili. Dans ce pays, l’eau est devenue une ressource rare dans certaines provinces en raison de son accaparement par le secteur minier et agricole. Le Chili est en effet l’un des pays qui va le plus loin dans la marchandisation et la privatisation de l’eau, ce phénomène date de la dictature d’Augusto Pinochet. Les usages miniers, agricoles et industriels de l’eau sont devenus prioritaires sur les besoins vitaux des populations. Les membres de Mujeres Modatima font face à des attaques et du harcèlement mais peu d’enquêtes sur les faits sont menées.

Colombie
“Je m’appelle Jani Silva et je suis une campesina (paysanne) colombienne. J’ai 57 ans et je travaille dans la Zone de réserve paysanne qui se situe dans le sud du pays. Depuis que je suis petite, j’ai toujours suivi mes convictions.

Nous avons dû faire face à l’exploitation du pétrole qui attaque notre territoire, détruit des couloirs biologiques nécessaires pour la protection des espèces amazoniennes. Tout cela a beaucoup modifié le mode de vie de nos communautés paysannes.

L’élevage de bovins est la principale cause de la déforestation en Amazonie Je fais maintenant l’objet de menaces de mort parce que je défends notre territoire, l’environnement et notre mode de vie. Les groupes armés présents dans la région veulent contrôler nos cultures vivrières, nos terres et notre communauté.

Nous ne pensons pas seulement à notre pays, nous pensons aussi aux autres pays. Tous les écosystèmes sont importants, et ils forment un ensemble qui défend la vie dans le monde. En Colombie, on dit que ceux qui ont de l’argent ou qui ont le pouvoir gagnent toujours… mais nous ne baissons pas les bras.

Nous avons la conviction que l’enjeu principal de ce siècle. À ce titre, il nous semble que ce sujet doit être mis en avant chaque jour dans le débat public. Les articles, reportages et enquêtes que vous pouvez lire sur le site sont vitaux pour la démocratie, pour la prise de conscience écologique, et pour exiger mieux de nos dirigeants.”

Brésil
Olimpio Santos Iwyramu Guajajara, 47 ans : “J’appartiens au peuple Guajajara, qui réunit environ 15 000 personnes. Alors que notre forêt est protégée, elle est victime de coupes illégales de bois destiné au marché brésilien et étranger. Au début de notre action, en 2012, nous avons dénombré 72 routes qui pénétraient dans notre forêt dans le but d’extraire ce bois ou de faciliter le braconnage, notamment de tatous ou de jaguars. Grâce au travail des “Gardiens de la forêt”, il ne reste plus que 5 routes. Nous avons donc réussi à limiter ces invasions et ces crimes environnementaux sur notre territoire. Mais il y a urgence : la déforestation est telle qu’il ne pleut plus chez nous que quatre à cinq mois par an, alors qu’il y a trente ans, la pluie tombait dix mois par an. L’assassinat de sept de nos guerriers a renforcé notre combat.

Malgré les attaques, les menaces et les accusations de mensonges proférées par le président Jair Bolsonaro, les satellites continuent de décrire l’implacable réalité. La déforestation amazonienne s’accélère dangereusement au Brésil : en juillet 2019, elle aurait progressé de 278% par rapport au même mois de 2018, au total, pas moins de 6 833 km² de la forêt primaire brésilienne ont été déboisés depuis un an : l’équivalent de 65 fois la ville de Paris, ou les trois quarts d’un territoire vaste comme la Corse.

Le ministre de l’environnement du Brésil, Ricardo Salles, réfute tout alarmisme : il assure que si les chiffres sont exacts, ils sont mal interprétés’.”

Asie

Philippines
Marinel Sumook Ubaldo, 25 ans, mène un combat sans répit en faveur de l’environnement depuis que le typhon Yolonda a ravagé l’île de Samar, aux Philippines, en novembre 2013. Cinq ans après, 40% des logements n’ont toujours pas été reconstruits. Elle se bat contre l’inaction du gouvernement, qui abandonne les victimes de la catastrophe climatique à elles-mêmes, les forçant à vivre dans des conditions insalubres. Les Philippines est un des pays les plus dangereux au monde pour les défenseurs de l’environnement avec 30 meurtres en 2018.

Cambodge
En 2020, la forêt humide de prey lang au cambodge, est un des écosystèmes les plus importants d’Asie du Sud-Est : il est menacé. Les personnes qui défendent cette forêt ont été menacées, arrêtées et agressées. Ces comportements mettent en péril non seulement les populations autochtones qui vivent là mais aussi cette forêt humide et donc la lutte mondiale contre le changement climatique.

Afrique

Cameroun
Marie-Noël Etonde Mbella est présidente de la section féminine de Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun. C’est une association qui dénonce les violences dont sont victimes les riveraines des agro-industriels au Cameroun. Elle dit : “En réalité, on défend nos droits et le gouvernement trouve que nous sommes des criminelles”.

◾ Rébublique démocratique du Congo
Des organisations de défense de l’environnement, dont Greenpeace Afrique, ont alerté sur les menaces dont elles affirment faire l’objet du fait de leur opposition à la vente aux enchères de blocs pétroliers dont SHELL. Amnesty a utilisé comme support d’action “Est-ce que SHELL n’est pas devenue HELL = Enfer ?”

◾ Afrique du Sud
Sikhosiphi Rhadebe a été abattu le 22 mars 2016 par deux hommes, face à son domicile dans la province du Cap-Est. Il était engagé en faveur des droits humains et de l’environnement et se battait contre un projet d’extraction minière de grande ampleur. Les responsables de ce crime demeurent impunis et l’investigation est au point mort.

Europe

Russie
Andrei Rudomakha a été brutalement attaqué par trois hommes masqués en décembre 2017 dans le sud-ouest de la Russie. Il fait partie d’une ONG environnementale dans le Caucase. Il rentrait d’une mission d’enquête qui concernait des constructions illégales dans une forêt protégée. L’agression a été filmée par des caméras de surveillance mais malgré cela, les auteurs n’ont pas été poursuivis et l’enquête a été interrompue plusieurs fois.

Conclusion : que faire ?

Non pas dans nos comportements de citoyens de base mais pour défendre ces défenseurs

Au plan personnel :

  • Prendre de plus en plus conscience que les ravages écologiques sont l’enjeu principal de ce siècle (ou tout au moins l’un des enjeux principaux). S’informer sur cette situation auprès de diverses sources dont des associations (ONG) : WWF (Fond mondiale pour la nature avec un panda comme support)…
  • Signer des pétitions : avec Amnesty International pour la défense des défenseurs. Avec d’autres associations de défense des Droits humains et en particulier des défenseurs de l’environnement Mighty Earth ; c’est une organisation globale de plaidoyer qui œuvre pour la protection des forêts tropicales, des océans et du climat : “Nos campagnes et notre équipe ont joué un rôle de premier plan en persuadant les plus grandes entreprises mondiales du secteur de l’alimentation et de l’agriculture d’adopter des politiques visant à éliminer la déforestation et les atteintes aux droits de l’homme de leurs chaînes d’approvisionnement, et ont conduit à l’adoption de transferts de plusieurs milliards de dollars vers l’énergie propre”.
  • Prier…

Au plan institutionnel :

  • Professeure de droit, Teresa Ribera a été secrétaire d’État au changement climatique dans le gouvernement espagnol entre 2008 et 2011. Elle dirige depuis deux ans l’Institut du développement durable et des relations internationales basé à Paris3
  • Les défenseurs des droits de la terre et des populations locales sont souvent assassinés dans de nombreux pays. Ne faudrait-il pas envisager une forme de protection mondiale pour ces personnes ?

Est-ce que ces diverses formes d’engagement sont efficaces ?

  • Des supermarchés européens cessent de s’approvisionner en bœuf brésilien en raison de l’implication du géant de la viande JBS qui est la principale multinationale brésilienne de l’industrie agroalimentaire : elle représente environ un quart du marché mondial du bœuf. Parmi ces supermarchés, il y a Carrefour, LIDL … (ceci n’est pas une publicité clandestine !)
  • Autre produit : le soja brésilien importé en France (entre autres pays). Une entreprise d’importation a lancé des réformes et prend des décisions radicales. Parmi elles : l’arrêt progressif de l’exploitation pétrolière et la protection de l’Amazonie.

Alors… même si l’espérance est en miettes, il y a toujours des miettes d’espérance…