Sr Béatrice Blazy, responsable de la formation permanente au diocèse du Puy-en-Velay

Autrefois, le mot tradition était pour moi synonyme de pratiques désuètes, de nostalgie. En participant à la vie de l’Eglise, j’ai découvert que ce terme désigne l’ensemble du patrimoine religieux fondateur de la vie de foi des générations passées, présentes et à venir.   

Tradition et révélation 

Le fait que Dieu se révèle dans l’histoire et qu’il se rende présent à la vie du monde constitue le socle de la foi chrétienne. Le peuple en marche à la suite d’Abraham se retrouve dépositaire d’une révélation à transmettre à leurs descendants. Le plus grand des monuments de la tradition est donc la bible elle-même. Les croyants y consignent toute leur expérience acquise au cours des siècles sous forme de récits, de prières, d’écrits de sagesse mais aussi la description de gestes cultuels, de règles de vie…  Dans le rapport effectif qu’il y a entre tradition et révélation, deux caractéristiques s’entretiennent l’une l’autre :  

La stabilité résultant des croyances en l’Alliance établie une fois pour toute entre Dieu et les hommes. Les croyants la manifestent par la récurrence de rites et de coutumes ancestrales.

L’évolution engendrée par le souffle divin au fur et à mesure des événements et des situations nouvelles rencontrés par le peuple de Dieu. La révélation s’affine à travers l’appel des prophètes, l’envoi de sages, la vocation de prêtres et de témoins. 

Avec Jésus, rupture et continuité

Dès le début de son ministère, Jésus prend son indépendance par rapport à la tradition juive de son temps. Il met en garde les disciples qu’il enseigne : La justice de ceux qui cherchent le Royaume de Dieu est appelée à dépasser celle des scribes et des pharisiens. Mais malgré tout, il affirme : « N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi et les Prophètes : je ne suis pas venu abroger mais accomplir » Matthieu 5, 17-20. Par ses paroles et ses actes, Jésus se situe dans la tradition juive tout en lui donnant une nouvelle envergure permettant d’interpréter les Ecritures selon une référence plus directe à l’Esprit Saint.

La tradition apostolique

Les premiers chrétiens comprennent que la nouveauté de leur foi en Jésus, le messie, se fonde sur l’ensemble de la révélation. Les écrits bibliques demeurent le témoignage privilégié pour devenir disciple. St Paul le précise aux Corinthiens : «  Je vous ai transmis tout d’abord ce que j’avais moi-même reçu » 1 Co 15, 3. Se situer dans la tradition permet de savoir que nous restons en fidélité à la foi reçues des apôtres.

Au cours du concile Vatican II, il s’agit de bien comprendre ce qu’est la tradition vivante de l’Eglise.  Le théologien Yves Congar, avant même le concile, a rédigé un ouvrage sur cette réalité assez controversée à cette époque, La tradition et les traditions. Cette étude fait apparaitre sur le plan historique, comment, malgré les aléas de la vie, les communautés chrétiennes transmettent ce qu’elles reçoivent sans cesse par le don de Dieu. Le second, aborde la question de la tradition sur le plan théologique. Selon la source que sont les Evangiles, les écrits des Pères de l’Eglise et la liturgie sont à jamais les expressions du christianisme dont nous avons besoin pour être véritablement des communautés, signes du Royaume.   

Cela veut dire tout simplement, nous échappons au risque de nous faire notre religion à nous.La tradition permet de s’inscrire dans la longue marche du peuple de Dieu.