Le Puy-en-Velay, au jardin Henri Vinay, le 15 août 2020

Mgr Michel Dubost

Evêque émérite d’Evry-Corbeil-Essonnes et administrateur apostolique du diocèse de Lyon

Photo: Mgr Dubost ©AKZ

Frères et sœurs qu’il est bon d’être ensemble !

Il y a quelques semaines nous étions confinés, quelquefois condamnés à la solitude !

Joie d’être libres !

Joie de faire quelque chose ressenti comme important pour notre vie !

Nous voici donc pour chanter Marie, la liberté de Marie !

Il est inhabituel de parler de Marie et de liberté ; mais cela ne devrait pas être étonnant : saint Paul affirme que là où est l’Esprit, là est la liberté (2 Co 3,17). Or personne au monde n’a mieux accueilli l’Esprit que Marie.

Personne ne fut plus libre qu’elle.

Et sa liberté peut éclairer le chemin que nous avons à parcourir en ces jours d’après !

Marie est libre parce qu’elle se sait aimée !

L’évangile que nous venons de lire suit immédiatement le récit de l’Annonciation : un ange y annonce à Marie qu’elle sera mère.

Entre le récit de l’Annonciation et la lecture d’aujourd’hui, saint Luc a une phrase terrible : « l’ange la quitta ».

Beaucoup d’entre nous ont vécu des moments magnifiques, j’allais dire magiques, de rencontres, de partages profonds, d’événements bouleversants, de minutes où nous étions comme au ciel. Nous pensions que cela allait changer notre vie, que plus rien ne serait comme avant… et voilà que le lendemain la vie reprenait comme si l’ange nous avait quittés et qu’il fallait aborder les difficultés avec notre médiocrité ordinaire.

Marie a connu cela. Elle a connu ce temps où l’on est face à soi-même, à ses responsabilités et où il faut inventer son avenir. Elle n’a pas été prisonnière de sa solitude, de sa faiblesse parce qu’elle savait ne pas être seule. Elle savait qu’elle ne serait jamais seule, abandonnée à elle-même, parce que Dieu l’aimait, qu’elle avait été choisie par Dieu et que Dieu lui faisait confiance.

Et cette confiance lui donne des ailes : dans l’Evangile de ce jour, nous voyons Marie – elle a 14 ans, 15 ans peut-être – se précipiter chez sa cousine. Elle se sait habitée par l’Esprit, inventant son chemin, dansant peut-être ! Elle ignore son futur. Elle ne se pose pas la question du jour d’après, du lendemain. Et cela la rend légère, libre !

Vous me direz que cela lui était facile parce qu’elle était protégée du repli sur soi, qu’elle était sans péché. C’est vrai, mais ne savez-vous pas que Dieu vous a choisis, vous aussi, de toute éternité, qu’il vous aime tendrement, personnellement ? Et qu’il a tout fait pour vous libérer du péché, pour que vous soyez libre.

En ce jour de fête, regardons Marie comme une icône de la liberté que Dieu donne à ses enfants !

Marie est libre parce qu’elle participe au combat de la liberté.

L’interprétation de la première lecture, celle de l’Apocalypse, n’est pas forcément facile, mais une chose est sûre : ce texte décrit le gigantesque combat du bien contre le mal.

Clairement, le seul vainqueur du combat, c’est le Christ. Mais une femme est au centre de la bataille, la synagogue juive d’hier, l’Eglise d’aujourd’hui. Peut-être ? Mais saint Jean fait clairement allusion à Marie.

Marie a accepté d’être présente dans ce combat. Ce n’est pas un jouet, ce n’est pas une marionnette, ni même un figurant. Elle est actrice : elle accepte de collaborer avec Dieu dans son combat contre le mal, le malheur, la mort.

Encore une fois, elle sait que le Christ est le seul vainqueur, elle sait qu’elle n’est rien, mais elle sait aussi que le Christ veut sauver l’humanité avec la participation librement consentie des hommes et elle accepte de collaborer avec lui.

Elle est libre parce que sa liberté sert à quelque chose et se découvre en agissant, en demandant aux hommes à faire ce que le Christ demande. Cela n’est pas forcément évident ! Il est vrai que Marie est sans péché. En elle, le combat contre le mal est gagné ! Mais personne ne dit que Marie n’a pas connu la tentation !

Lorsqu’il fallait nettoyer les fesses de son bébé, lorsqu’elle a constaté, qu’adolescent, il lui échappait, lorsqu’adulte, il rompt avec son clan et son village, lorsqu’il est condamné à mort, il est difficile d’imaginer que Marie n’a pas été, au moins troublée !

Mais elle a tenu ! Et elle s’est tenue au pied de la croix !

Elle a été, avec son fils, au cœur du combat contre le mal et, de la croix, son fils lui a confié de continuer à accompagner ses frères dans ce combat.

Marie a été présente au combat pour la libération de l’humanité… et nous ne pouvons pas l’honorer en vérité si nous nous absentons de ce combat !

Marie est l’icône de l’engagement pour la liberté !

Marie est libre parce qu’elle participe à la victoire du Christ.

Notre monde est traversé par des vagues de pessimisme.

Certains savants se réclament d’un catastrophisme éclairé, d’autres sont carrément collapsologues. Des moins savants affirment que l’humanité va droit dans le mur, que nous sommes devenus fous !

Je crois que Dieu a créé le monde. Il y a eu un commencement et tout ce qui commence a une fin. Je n’ai aucune idée sur la fin du monde. Jésus lui-même affirmé qu’il n’en connaissait ni le jour ni l’heure.

Pourtant la fête d’aujourd’hui en dit quelque chose d’essentiel : Dieu est victorieux du mal, de la mort, du péché. Il n’est pas victorieux par la force mais par l’amour, par la transformation des cœurs. Le bonheur est une certitude !

Beaucoup de mes amis, même chrétiens, haussent les épaules lorsque je parle de vie après la mort, de vie éternelle, de bonheur… il n’arrive pas à croire que Marie est l’icône du bonheur ! Oui, chrétiens, il faut croire au bonheur !

Au bonheur d’être libre !

De 1638 à 1806, le 15 août a été le jour de la Fête nationale française avant de devenir la Saint Napoléon. Ce n’est que le 6 juillet 1880 que le 14 juillet est devenu le jour de la fête nationale. Cette date a été choisie alors pour manifester l’amour des Français pour la liberté. Il nous est bon de se sentir français de ce point de vue! Ici, au Puy, alors que Marie est célébrée dans cette ville depuis 430, nous catholiques nous nous souvenons que Marie est l’icône de la liberté et que nous avons le devoir de nous mettre à son école.