+ Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris et invité des festivités

Cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation au Puy-en-Velay

Nous sommes heureux d’être réunis aujourd’hui : sortir de l’isolement/ besoin de se retrouver en famille et en Eglise. Péleriner, chanter, nous sourire. Nous retrouver aux pieds de Notre Dame et aussi dans le cœur d’une Mère en ce 15 août: Car il y a bien une continuité de maternité entre Marie et l’Eglise. Marie a mis le Christ au monde. Et à sa suite, l’Eglise donne le Christ au monde par le baptême, par son enseignement. L’Eglise donne la juste connaissance du Fils. Elle nous a enfantés à la vie spirituelle et elle nous nourrit encore. Malgré tout ce qu’elle nous fait subir par ailleurs : il y a le meilleur et le  pire dans l’Eglise.

Il y a le Père Hamel et le Père Olivier Maire. Et il y a le prochain rapport de la commission Sauvé sur les abus commis dans l’Eglise qui va être publié dans un mois ou deux.

C’est ce paradoxe là que je voudrais méditer en cette journée où nous sommes fiers de la Vierge Marie et en même temps honteux de ce que certains prêtres ou chrétiens ont fait dans l’Eglise !

Pour cela, je me suis demandé pourquoi il y avait tant de femmes dans l’Evangile qui s’appelaient Marie. Et si chacune d’elles n’était finalement pas une image de notre condition humaine. Une image de l’Eglise aussi. Si on les mettait en lien les unes avec les autres, nous pourrions peut-être aimer de manière plus réaliste cette Eglise pleine de péchés mais recouverte par encore plus de grâces !

Il y a au moins quatre Marie dans l’Evangile.

Marie, la sœur de Marthe : celle qui reste aux pieds du Seigneur pendant que sa sœur s’active en cuisine. Marie est figure de la femme qui boit les paroles de Jésus.

Et Jésus dit de Marie qu’elle a choisi « la meilleure part, le meilleur plat », un plat qui ne lui sera pas ôté parce que c’est une nourriture pour la vie éternelle : le plat de la Parole du Seigneur. En fait, le Seigneur Lui-même. C’est pour cela qu’elle ne pourra lui être enlevée !  Est-ce à dire qu’il vaut mieux lire la Parole que préparer les repas ? Si c’est ça, je ne vais pas manger chez vous. Non, Marthe est tout aussi indispensable que Marie. La différence entre les deux est dans l’intention.

Marthe fait les choses POUR Jésus, elle reste comme extérieure à Jésus. Et du coup sa charité se transforme en hyperactivité et en agressivité : («  ça ne te fait rien que ma sœur…. »)

Marie, sa sœur, a choisi de faire les choses AVEC Jésus. Et du coup sa charité est ordonnée. 1/ servir Dieu et 2/ servir les autres.

Marie, la sœur de Marthe représente donc comme une étape de maturité dans notre vie spirituelle. On commence sa vie spirituelle comme Marthe, en faisant les choses pour Jésus, comme un enfant fait des choses pour ses parents. Mais si on veut être fidèle et durer dans la foi, il faut un jour comprendre qu’être chrétien, ce n’est pas faire pour, mais faire AVEC Jésus : avec l’intelligence de sa Parole, avec la douceur de son Esprit, avec l’humilité de sa diaconie !

Marie, sœur de Marthe peut donc bien être une image de l’Eglise qui a faim de la Parole de Dieu. Quelle place tient la Parole de Dieu dans ma vie active ?

Il y a une autre Marie,  beaucoup plus effacée et même inconnue, c’est la femme de Cléophas : elle n’est nommée qu’une fois : au pied de la croix, dans st Jean, avec d’autres femmes qui s’appellent d’ailleurs presque toutes Marie. Or, Cléophas, c’est l’un des disciples d’Emmaüs que Jésus rejoindra le dimanche de Pâques, Ressuscité. Ce que je suppose, (plus pour les besoins de cette catéchèse que pour défendre une vérité historique !) c’est que Cléophas est parti de Jérusalem avec sa femme. Et donc que Marie est ce deuxième disciple. Après tout, personne n’a dit que c’était un homme ; on parle juste de disciples. Déjà qu’il abandonne Jésus, on peut supposer qu’il n’abandonne pas, en plus, sa femme ! En tout cas, ça enrichit notre image de l’Eglise. Cette Marie-là est donc figure avec son époux de ceux qui ont peur de la croix et de la souffrance, mais que le Seigneur vient rejoindre pour les faire passer de la peur à la foi. Ainsi, cette Marie avec son mari ( !) sont la figure de ceux à qui Jésus ressuscité révèle comment Il est présent dans nos souffrances,  dans nos fuites, dans nos peurs. Il est le le Pain de Vie. Il est l’Eucharistie, la force des faibles, la puissance des croyants. C’est en ce sens que nous avons tous besoin de l’Eglise ! Pour connaitre Jésus Ressuscité réellement présent dans la vie sacramentelle !

Il y a aussi Marie-Madeleine à qui Jésus Ressuscité va apparaitre en premier le matin de Pâques, devant son tombeau. Elle était prostituée, elle est guérie par Jésus et elle devient LA fidèle numéro un de Jésus. Et même l’Apôtre des Apôtres. C’est à elle que Jésus demande d’aller voir ses frères ! Car sa rencontre a transformé toute sa vie et toute sa foi.

Pour se sortir d’une addiction, d’un péché récurrent, il faut une immense révélation, une immense rencontre. Le changement de vie de Marie-Madeleine va être la conséquence de sa rencontre avec Jésus et non sa condition. Il ne faut pas attendre d’être sans péché pour  connaitre Jésus. La nouvelle vie de Marie est possible parce qu’elle a rencontré le Christ. C’est en cela aussi que je mets aussi Marie-Madeleine comme image de notre Eglise : d’une part parce qu’elle est pécheresse. Et d’autre part parce que sa rencontre avec le Christ la transforme totalement. Nous avons tous une rencontre nouvelle à vivre avec le Christ.

Et enfin Marie, LA mère.  Sainte Marie. A la fois mère du Christ, épouse de st Joseph et figure de la nouvelle Eve. A Cana comme à la croix, Jésus appelle sa mère : «  femme ». Ça ne peut évidemment pas être une injure ou un manque d’affection, c’est donc un titre. Marie reprend le flambeau et le titre donné à Eve (« celle-ci sera appelée : femme »). Mais en l’inversant : Celle qui est saluée  par le « Ave » de l’ange est Eva. Au pied de  la croix, elle naît à une nouvelle vie qui vient du nouvel Adam, Jésus. Jésus inverse le geste de la première Eve qui avait donné à manger à Adam. Et Jésus, nouvel Adam, va donner à manger à la nouvelle Eve, le fruit de l’arbre de vie qu’est la croix : son propre corps. Et, dans la souffrance de ce Oui de son Fils, Marie dit son 2ème OUI au Père : «  Je suis encore, au pied de la croix, la servante du Seigneur, qu’il soit fait selon la Parole de mon Fils ». En ce sens elle est bien notre mère, elle est l’Eglise- mère de tous les disciples de son Fils. Notre Mère !

« Dès cette heure, le disciple l’accueillit chez elle… » dit St Jean. Cette parole concerne Marie pour St Jean, mais elle concerne l’Eglise pour nous. Nous sommes invités à prendre l’Eglise chez nous, à la préférer. Non pour l’idolâtrer, juste pour se sentir aimée d’elle. Pour qu’elle nous câline comme une mère !

On va en avoir besoin dans les semaines qui viennent avec ce prochain rapport sur les abus dans l’Eglise. Si vous le voulez, aujourd’hui, faisons le plein de cette sainteté de l’Eglise pour pouvoir supporter ce que cette même Eglise par ailleurs nous fait subir. Car il n’y a pas 2 Eglises : celle des pécheurs et celle des saints, celle de la terre et celle du Ciel, celle des tradis et celle des modernes. Il n’y a qu’une seule Eglise! Elle est mariale. On ne peut tenir l’une que si on tient l’autre. On ne peut tenir à l’une que si on tient à l’autre. On ne peut en accepter une que si on célèbre l’autre. Elle est un grand mystère de péché recouvert par un plus grand mystère de grâce. La grâce de sainte Marie, c’est de porter en son Assomption, cette Eglise dans la sainteté de son Fils.