En plus d’une exceptionnelle beauté naturelle, le Haut Allier recèle plus d’une merveille religieuse et architecturale. Parmi elles, l’église de St Cirgues, du petit village du même nom, campé sur la rive gauche de l’Allier.
Le Village
Petite bourgade d’une centaine d’âmes, faisant face à l’impressionnant prieuré clunisien de Lavoûte-Chilhac, St Cirgues est fier d’être le fief de naissance d’Odilon, enfant béni de la puissante famille auvergnate des Mercoeur(1). Né en 962, devenu en 994 cinquième abbé de Cluny, puissant monastère bénédictin, Odilon reste célèbre grâce à sa décision, en 1025 d’implanter l’ordre clunisien sur ses terres, en créant le prieuré Ste-Croix à Lavoûte-Chilhac.
De plus, il laissa son empreinte dans l’histoire médiévale comme étant le successeur de saint Mayeul et surtout l’instigateur de la « Trêve de Dieu », trêve où les seigneurs guerroyeurs étaient invités à cesser le combat durant, entre autre, l’Avent, le temps de Noël, le Carême et le temps Pascal.
(1) Malgré tout, l’endroit de sa naissance reste sujet à polémique parmi les historiens, mais plusieurs indices, tels que des questions de dates permettent de nommer St Cirgues patrie d’Odilon de Mercoeur.
L’église.
D’un point de vue picturale, l’église étonne par l’incroyable état de conservation des peintures murales du plafond ainsi que par la beauté de leur dessin. En 1961, lors de travaux de réfection, le coup de pioche d’un ouvrier du chantier permet la découverte de 220m2 de peintures murales (ce ne sont pas des fresques, celles-ci étant réalisé sur un enduit frais « a fresco »).
Voici ce que ce miraculeux coup de pioche a permis de mettre à jour :
Sur le mur est, de part et d’autre du grand vitrail, deux personnages : L’Ange Gabriel (dont on ne voit malheureusement que les ailes et les pieds, le corps en partie détruit par la pose d’un retable au XVIIIe, temps où les peintures étaient recouvertes) et la Vierge Marie, en pied. Cette scène de l’Annonciation annonce le ton des autres œuvres, par la tristesse et le dégout qui se lit sur le visage de la mère du Christ. Les personnages sont ornementés de décors gothiques, ce qui nous porte à croire que ces peintures seraient du XVe-XVIe siècle.
Entre l’Ange et la Vierge, dans l’embrasure même du vitrail (exécuté dans les années 1960) un autre couple est peint, d’apparence plus auvergnate. Deux femmes sont représentées dans un style plus simple et naïf, mais non moins beau. Il s’agirait (car dans cet édifice, tout n’est qu’hypothèse) de la représentation, d’une part, de la loi juive faite d’interdit, symbolisée par une femme aux yeux bandés, aux pieds recouverts, aux cheveux longs, tenant le Livre avec précaution de ses mains ornées d’un voile. Lui faisant face, une autre femme, aux cheveux courts, les pieds découverts et tenant le Livre contre sa poitrine, symbole de la loi du Christ, véritable loi de libération.
De ce mur, passons au plafond impressionnant. En majesté, un Christ pantocrator, au visage fermé et sévère, comme la Vierge du mur, tient le globe de la tout puissance entre ses mains. Il est entouré du Soleil et de la Lune, symbole de son pouvoir universel. Au dessus de lui, en clé de voûte, figure la Main de Dieu le Père, et, sous le Christ, est la Colombe, l’Esprit Saint. Cette Sainte Trinité est entouré du Tétramorphe, c’est-à-dire la représentation symbolique des quatre évangélistes : Luc, le taureau ; Marc, le lion ; Jean, l’aigle et enfin Matthieu, le jeune homme.
Au dessous d’eux, douze anges monumentaux occupent la majeure partie du plafond. D’allure germanique (grands, aux cheveux blonds) ils portent chacun un instrument de la Passion. Comme le Christ et la Vierge, ils arborent un air sévère et de dégoût. Tous montrent leur instrument du doigt, ou le tiennent avec méfiance, loin d’eux, particulièrement le porteur de la couronne d’épines. Seul celui qui tient la Croix, symbole de la foi chrétienne, la serre contre sa poitrine, et semble légèrement plus apaisé que les autres.
Ce porteur de Croix nous invite ainsi à réfléchir sur la souffrance, endurée par le Christ, souffrance, qui s’enracine dans son amour pour tous les hommes.
Le mur nord n’a conservé que peu de peintures en bon état, le reste (dont une représentation de St Pierre où ne figure que la tête) ayant été détruit lors de l’ouverture des chapelles latérales, au XVIe siècle. A cette époque les murs furent recouverts, probablement en raison des guerres de religions, qui sévissaient durement dans la région.
Malgré tout, sur ce mur, figure une sorte de bande dessinée racontant l’histoire du martyr de St Cyr, ou Cirgues, patron de l’église.La légende de Saint Cyr :
Au IVe siècle après Jésus Christ, en Asie Mineure, Kérikos (Cyr) et sa mère Julitte, tous deux chrétiens sont fait prisonniers lors de la persécution de Dioclétien. Tentant plus d’une fois de torturer l’enfant, les soldats virent leur cruauté punie. En effet, tous les gestes néfastes visant à blesser Cyr se retournaient, grâce à l’aide de Dieu, contre les bourreaux, qui se retrouvés tantôt brûlés, tantôt ébouillantés ou encore flagellés… Le juge du palais, fou de rage, en vint à attraper l’enfant par les pieds, et avec violence lui brisa la tête contre les marches du tribunal. St Cyr est dés lors, l’un des plus jeunes martyrs de la Chrétienté.
En face, le mur sud on ne clairement que deux pèlerins, St Jacques accompagné, semble-t-il, de St Jean, ainsi que la tête d’un moine (St Benoît ?) lui aussi tronqué par l’ouverture d’une chapelle.
Les colonnes
Après être frappé par la beauté des peintures, et par la force qu’elles dégagent, le passant ou le croyant est interrogé par la présence d’étranges colonnes qui supportent les voûtes. D’après l’abbé Gabriel Masseboeuf, archiviste du Diocèse du Puy et natif de St Cirgues, aujourd’hui décédé, il s’agirait des restes d’un temple celtique à l’emplacement de l’église actuelle. Selon lui, trois faits intéressants semblent prouver qu’il y ait bien eu un lieu de culte païen à cet endroit :
Premièrement, ces sculptures, pour le moins étranges. En effet, on constate de part et d’autre de l’autel deux femmes poissons, deux sirènes qui se font face. L’une d’elles a les yeux fermés, l’autre ouverts. Symbole de la Vie et de la Mort ? Plus loin dans le chœur, la gueule d’une étrange créature, mi-ours, mi-homme se dessine et représenterait encore la mort. (Notons que ses dents menaçantes). En face de lui, le visage d’un homme barbu est sculpté dans la pierre. Son apparence fait penser à celle des dieux grecs. Eléments plutôt déroutants.
En second lieu, l’édifice est placé non loin du confluent de l’Avesne et de l’Allier. Or, les païens édifiaient leurs temples non loin de la présence d’une rivière ou d’un cours d’eau. D’après les gens du village, une source coulerait sous le sol même de l’Eglise.
Enfin, l’église est orientée au Nord-Est, et non à l’Est, vers le Soleil levant, symbole du Christ ressuscité, comme le sont la plus part des édifices. (Notons cependant que St Pierre de Rome est orientée exactement dans le sens contraire !)
Si l’on s’en tient aux hypothèses du Père Masseboeuf, l’édifice aurait traversé le temps, du temple celtique primitif au retable posé au XVIIIe (toujours présent dans l’église) ben passant par la gothicisation des voûtes au XIIIe, les peintures au XVe, et l’ouverture des chapelles au XVIe.
Le mieux est de se faire une opinion soit même, et, les faits certifiés manquant, pouvoir rêver un peu.
Pour les visites de l’église, me contacter au 06-66-91-16-85 .
Cécile Glaise
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