Le 14 janvier 2018 Mgr Crepy a présidé la messe pour la journée mondiale des migrants et des réfugiés, en l’église Sainte-Thérèse du Val-Vert au Puy en Velay.
Les textes de ce jour parlent de l’appel de Dieu. La première lecture (1 S 3, 3b-10) nous rapporte comment le jeune Samuel apprend peu à peu à discerner la voix de Celui qui l’appelle la nuit. Dans l’évangile (Jn 1, 35-42), Jésus interpelle les deux disciples de Jean-Baptiste qui le suivent : « Que cherchez-vous ? » et les invite à demeurer avec lui. De même, Jésus pose son regard sur Pierre et lui donne un nouveau nom, son nom d’apôtre. Parce que Dieu nous aime, Dieu sans cesse nous appelle. Ainsi la première attitude des croyants est-elle d’écouter : « Ecoute Israël ! » rappellent sans cesse les prophètes. Jésus invite ses disciples à se mettre à l’écoute de sa parole : « Qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle. » (Jn 5,24) Mais n’oublions pas qu’écouter la Parole de Dieu est indissociable de l’écoute du prochain. De même qu’aimer Dieu et aimer son prochain constituent le grand commandement de l’amour, de même écouter Dieu et écouter son prochain sont inséparables.
Aujourd’hui, en cette journée des migrants, nous sommes invités à entendre l’appel de Dieu et l’appel de tous ces hommes et femmes qui vivent la rude épreuve de l’exil et des longs et, souvent périlleux, chemins de la migration. « Qu’as-tu fait de frère ? » (Gn 4, 9-10) C’est un des premiers appels que Dieu pose dans la Bible. Dès les débuts de son pontificat, le pape François reprend cette même interrogation lorsqu’il se rend sur l’île de Lampedusa accueillant de nombreux réfugiés ayant tenté de traverser la Méditerranée : « Ce n’est pas une question adressée aux autres, c’est une question adressée à moi, à toi, à chacun de nous. Ceux-ci parmi nos frères et sœurs cherchaient à sortir de situations difficiles pour trouver un peu de sérénité et de paix ; ils cherchaient un rang meilleur pour eux et pour leurs familles, mais ils ont trouvé la mort. Combien de fois ceux qui cherchent cela ne trouvent pas compréhension, ne trouvent pas accueil, ne trouvent pas solidarité ! Et leurs voix montent jusqu’à Dieu ! » Et il ajoute : « Qui a pleuré pour la mort de ces frères et sœurs ? Qui a pleuré pour ces personnes qui étaient sur le bateau ? Pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants ? Pour ces hommes qui désiraient quelque chose pour soutenir leurs propres familles ? »
Appel de Dieu et appel des hommes : oui, quand Dieu appelle, il nous demande d’ouvrir nos oreilles, nos yeux, notre cœur et notre intelligence pour accueillir les cris de ceux qui souffrent, qui vivent dans des situations où la dignité de la personne humaine est oubliée ou bafouée. Jésus s’identifie à notre humanité souffrante : « J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli. » (Mt 25,35) Il y a un appel inconditionnel, dans notre foi, à accueillir le prochain ; un prochain se présentant sous tant de visages : sous les traits de l’étranger, de l’immigré, de ceux et celles cherchant une terre nouvelle après avoir fui, pour bien des raisons, leur propre terre.
Comment répondre à l’appel et au cri des migrants ? L’Église ne prétend pas déduire de la Bible des conclusions politiques ou toutes les solutions économiques résolvant cette question importante et complexe. Mais L’Église ne peut rester sans voix face à des situations inhumaines et inacceptables pour la dignité de la personne humaine. Ainsi la Doctrine sociale de l’Église apporte des éléments forts pour réfléchir et agir face à ces questions d’ordre moral. A ce propos, le pape François souligne : « En marche avec les migrants et les réfugiés, l’Église s’engage à comprendre les causes qui sont aux origines des migrations, mais aussi à travailler pour dépasser les effets négatifs et à valoriser les retombées positives sur les communautés d’origine, de transit et de destination des mouvements migratoires ».
Quatre verbes nous sont donnés par le pape François pour l’engagement solidaire de l’Église envers les migrants et les réfugiés : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés. Il nous faut apprendre à conjuguer chacun de ces verbes et apprendre à les conjuguer ensemble. Brièvement :
- Accueillir : il s’agit avant tout d’offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination. Les évêques de France ont demandé , à l’occasion de cette journée des migrants, que les voies d’accès légales pour se rendre en France soient élargies. Il s’agit aussi d’accueillir dans nos communautés, nos communes et d’être créatifs pour cet accueil.
- Protéger : se décline en toute une série d’actions pour la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire. Parmi les nombreux migrants se trouvent des personnes très vulnérables, en particulier les jeunes migrants mineurs. Un mineur non accompagné est un mineur en danger. Comment donner à ces jeunes la chance d’un avenir ?
- Promouvoir : veut dire essentiellement œuvrer afin que les migrants et les réfugiés, aidés par les communautés qui les accueillent, aient la possibilité de développer toutes les dimensions de leur personne humaine. Les migrants peuvent apporter leur contribution à l’ensemble de la société pour le bien de tous.
- Intégrer : l’intégration est un processus long et complexe et ne peut se réaliser que dans un climat positif à l’égard des migrants. Il s’agit alors de regarder les uns et les autres avec un regard bienveillant et confiant. Il y a une conversion du regard à faire pour tous nos concitoyens et en particulier pour les chrétiens.
Comme nous y invite le pape François, veillons à conjuguer ces quatre verbes à la première personne du singulier et à la première personne du pluriel. Nous accomplirons ainsi un devoir de justice, de civilisation et de solidarité. Puissions-nous entendre l’appel et le cri de nos frères et sœurs migrants et réfugiés et y répondre, chacun et ensemble, selon notre possible. Nous témoignerons ainsi de la parole du Christ : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli. »
+ Luc Crepy
Évêque du Puy-en-Velay