Rendre compte de l’espérance qui est en nous
“Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur ” (Jean 14, 15-21)
Homélie de la messe radiodiffusée sur R.C.F. Haute-Loire
« Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous. » (1 P. 3, 15) Telle est l’invitation forte qui nous est faite, ce matin, dans la première lettre de saint Pierre : rendre raison de l’espérance qui est en nous. Quelle est notre espérance ? En qui et sur quoi fondons-nous notre espérance ? Comment en rendre compte ? Prenons d’abord conscience que le temps pascal est le temps de l’espérance. Célébrer le passage de la mort à la résurrection du Christ, c’est aussi célébrer l’espérance nouvelle qui ouvre définitivement dans notre humanité une source de lumière, une brèche dans le désespoir du monde, un appel à la vie quand la mort semble l’emporter. Pâques est la source de notre espérance.
Notre espérance n’est ni une idée abstraite, ni une simple conviction, ni une illusion rassurante, mais notre espérance est une personne : Jésus, le Christ, ressuscité d’entre les morts et vivant aujourd’hui. Nous n’espérons pas quelque chose, mais nous espérons en quelqu’un, en quelqu’un qui nous aime, qui a donné sa vie pour nous, qui nous trace un chemin, même quand notre vie ressemble à une impasse. Alors espérer n’est pas quelque chose de flou ou de vague, car un avenir est définitivement ouvert par le Christ pour tous les hommes et pour chacun de nous. Le tombeau vide au matin de Pâques est le signe que rien n’est définitivement clos, terminé ou fini : celui, qui a été crucifié, est vivant, et vient à la rencontre de ses disciples. Avant de les quitter, il leur promet d’être avec eux jusqu’à la fin des temps : « D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. » (Jn 14, 15-21) Notre espérance se fonde dans la présence du Ressuscité, qui demeure en nous, comme nous demeurons en lui.
Alors, comment rendre compte – rendre raison – de notre espérance ? Saint Pierre nous dit : « Faites-le avec douceur et respect. » (1 P. 3, 16) L’espérance, que nous essayons d’annoncer aux autres, que les parents cherchent à transmettre à leurs enfants ou dont nous témoignons dans notre vie quotidienne, nous la proposons à tous, simplement, sans chercher à convaincre par nos raisonnements. Il s’agit d’une invitation à rencontrer quelqu’un – le Christ – et non d’adhérer à une doctrine. On ne peut jamais obliger à la rencontre, car, pour être vraie, la rencontre de l’autre – l’Autre – est gratuite et libre. C’est donc avec douceur et respect qu’il nous faut proposer de découvrir l’espérance qui est au cœur de l’Evangile, une espérance simple et ouverte à tous. Dans un texte célèbre, Charles Péguy parle de la « petite espérance » qui marche sur le chemin : petite fille entre ses deux grandes sœurs – la foi et la charité –, on ne prend même pas garde à elle. Pourtant, c’est elle qui entraîne tout[1]. La manière dont nous rendons compte de notre espérance dit déjà quelque chose de cette espérance elle-même, puisque nous témoignons de la présence du Christ, doux et humble de cœur (Mt 11,29)
Le pape François, dans une homélie, dit : « L’espérance est humble, et c’est une vertu que nous travaillons -pour ainsi dire- tous les jours: chaque jour nous devons la reprendre, chaque jour nous devons prendre la corde et voir que l’ancre soit bien fixée et que je la tiens dans ma main. [2]». Témoigner de notre espérance, c’est-à-dire témoigner du Christ, n’est crédible, non pas d’abord par nos simples paroles, mais par notre manière très concrète et très humble de vivre en disciples de Jésus. Outre la douceur et le respect, il nous faut, dit l’épître de saint Pierre, avoir une conscience droite et une bonne conduite au regard des autres. Dit autrement, l’espérance que nous annonçons doit éclairer nos vies et les transformer. Elle met en nous une joie profonde, quand bien même nous affrontons les difficultés et les injustices. C’est cette joie de l’espérance qui fait signe aux autres, sinon nous demeurons de tristes témoins avec « un air de Carême sans Pâques » comme dirait le pape François[3]. La joie d’espérer, c’est notre force au quotidien, car c’est la force de la présence du Christ à nos côtés.
Enfin, rappelons-nous que rendre compte de l’espérance qui est en nous, n’est pas d’abord notre propre affaire. C’est l’Esprit Saint qui est le premier à l’œuvre – au travail – dans nos vies et dans nos paroles pour témoigner à tous de notre espérance. C’est la promesse que le Christ fait à ses disciples : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. » (Jn 14, 16-17). Rendre compte de notre espérance, c’est nous mettre à l’écoute de l’Esprit de Jésus, qui nous guide et nous aide à trouver les justes attitudes et les justes paroles pour témoigner de notre espérance comme de notre foi, à travers la charité que nous manifestons dans la douceur et le respect.
Laissons à saint Paul le mot de la fin : « L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné. » (Rm 5, 5)
Amen.
+ Luc Crepy,
évêque du Puy-en-Velay
[1] Charles Péguy, Le porche du mystère de la deuxième vertu. « La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs, et on ne prend seulement pas garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs, la petite espérance s’avance. C’est elle, cette petite, qui entraîne tout. »