Homélie prononcée par Monseigneur Henri Brincard, le 31 mai 2009, pour l’ordination de Jérôme Tran, en la cathédrale Notre Dame du Puy.

Frères et sœurs dans le Christ,

En cette belle fête de la Pentecôte, ouvrons nos cœurs aux richesses de l’Esprit Saint que Jésus nous envoie d’auprès du Père et qui nous « guide vers la vérité tout entière » [1]. L’Esprit aux « sept dons sacrés » répand dans l’Église la lumière et l’amour du Christ. Le « protagoniste de la mission », comme l’a appelé Jean-Paul II, donne au commencement de l’Église à « toutes les nations qui existent sous le ciel » [2] la connaissance du vrai Dieu. Que le souffle de Pentecôte agisse avec toujours plus de force dans notre Église diocésaine, lui insufflant un dynamisme porteur « d’amour, de joie et de paix » [3] ! Puisse l’Esprit, « lumière de nos cœurs » [4], garder chacun d’entre nous dans l’espérance du Jour de Dieu !

L’assemblée que nous formons est unie dans une intense louange et dans une grande action de grâce. En effet, Jérôme Tran, notre diacre est aujourd’hui appelé à recevoir par l’onction du Saint Esprit, et par le sacrement de l’ordre, le sacerdoce ministériel. Un grand don est ainsi fait à Jérôme mais aussi à l’Église, puisque comme le disait le Curé d’Ars : « Le prêtre n’est pas prêtre pour lui. Il est pour vous ».

  • La vocation sacerdotale est « l’appel à vivre le sacerdoce unique et permanent du Christ » [5]. C’est dire que la référence au Christ ressuscité est la clé absolument nécessaire pour la compréhension de la réalité du sacerdoce. C’est dire aussi que l’identité du prêtre n’est découverte que dans la lumière d’une foi vivante. Au moment où j’imposerai les mains à Jérôme, « l’Esprit Saint le configurera, à un titre nouveau et spécifique à Jésus Christ, Tête et Pasteur de l’Église. Il le conformera intérieurement à Jésus et l’animera de sa charité pastorale. Dans l’Église, il en fera un serviteur qualifié pour l’annonce de l’Évangile à toutes les créatures et pour la plénitude de la vie chrétienne de tous les baptisés » [6]. Nous pouvons résumer ce riche enseignement du Pape Jean-Paul II en disant que le prêtre est avant tout « l’homme de la communion ». Qu’est-ce à dire ? 
  •  Dispensateur des sacrements, il est tout d’abord le serviteur de la communion avec le Christ ressuscité qui est source d’une Vie donnée en abondance aux hommes. 
  •  Le prêtre est également serviteur de « l’Église-communion » car « en union avec l’évêque et en lien étroit avec le presbyterium, il construit l’unité de la communion ecclésiale dans l’harmonie des diverses vocations, des charismes et des services » [7]. 
  •  Le prêtre est enfin serviteur de la communion entre les hommes que réalise la charité fraternelle, charité nourrie par la Parole de Dieu et par les sacrements. Cette communion dont les exigences dépassent et de beaucoup celles de la solidarité naturelle, annonce les merveilles de Dieu qui appelle les hommes « des ténèbres à son admirable lumière » [8]. Jésus nous le dit lui-même : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront pour mes disciples » [9].

Souligner que le ministère sacerdotal est irremplaçable pour la vie de l’Église, n’est certes pas oublier que le ministre ordonné est aussi entièrement au service de l’Église « afin de promouvoir l’exercice du sacerdoce baptismal de tout le peuple de Dieu ». De ce fait, le prêtre se trouve en relation positive et constructive avec les fidèles laïcs.

Cher Jérôme, une profonde émotion intérieure m’étreint au moment où je m’apprête à t’imposer les mains. J’évoque ta famille dont tu as tant reçu. Dans l’invisible de la prière et de la communion des saints, tes parents ainsi que tes proches t’entourent de leur affection et de leur foi. Je n’oublie pas le beau témoignage que tu as rendu à ton père et à ta mère dans notre bulletin diocésain des vocations. C’est pourquoi je ne résiste pas à la joie de te citer : « Ma chère Maman m’avait enseigné que, quand elle était enceinte de moi, elle avait eu le désir de consacrer son enfant au Seigneur. Avec mon père, ils s’étaient dit que si c’était un garçon, ils voulaient qu’il devienne prêtre. Ma mère m’avait rappelé : « Quand tu avais douze ans, je t’avais demandé si tu voulais être prêtre et tu avais dit : « Oui » ». Après ton arrivée en France, par un heureux concours de circonstances, concours que je qualifierais volontiers de providentiel, tu as connu le diocèse du Puy. Ainsi que tu l’as rappelé toi-même, j’ai accepté de t’aider à poursuivre ta préparation au sacerdoce. Au sujet de cette préparation vécue avec le désir d’acquérir une solide formation théologique et pastorale, je ne m’attarderai que sur un point : il t’a fallu beaucoup d’efforts et de persévérance pour maîtriser progressivement une langue dont les accents diffèrent – et de beaucoup – de ceux du vietnamien. Ton courage exemplaire a fait mon admiration.

Jérôme, je suis convaincu que tu auras à cœur d’aimer fraternellement les membres de notre presbyterium qui devient le tien et qui a tant de joie à t’accueillir aujourd’hui.

De manière significative, ton ordination rappelle à tous qu’un prêtre doit toujours se préparer « non pas à une mission limitée et restreinte mais à une mission de salut d’ampleur universelle « jusqu’aux extrémités de la terre » [10]. N’importe quel ministère sacerdotal participe en effet aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux apôtres » [11]. A cet égard, je suis heureux de souligner que des liens spirituels fort anciens existent entre ton beau pays et le diocèse où, pour le temps que Dieu voudra, tu exerceras ton sacerdoce. En effet, le diocèse du Puy a donné de nombreuses vocations à plusieurs Sociétés missionnaires et plus particulièrement, aux XIX et XX° siècles, aux Missions Étrangères de Paris. Tu es ordonné dans le sanctuaire de Notre Dame du Puy où, après avoir célébré une de leurs premières messes, nombre de prêtres ont pris le chemin de l’Asie.

En ce jour béni, comment ne pas nous souvenir que le concile Vatican II a affirmé que « le devoir de favoriser l’augmentation des vocations sacerdotales appartient à toute la communauté chrétienne qui est tenue de s’acquitter de ce devoir avant tout par une vie pleinement chrétienne » [12].

La nouvelle évangélisation exige « que les prêtres soient radicalement et totalement plongés dans le mystère du Christ et capables de réaliser un nouveau style de vie pastorale » [13]. C’est avec l’aide d’une vie de prière intense que tu auras un apostolat fructueux. C’est aussi par la prière que ta prédication, à la suite de Saint Jean François Régis, sera « imprégnée de l’esprit de Jésus Christ ». Benoît XVI a souvent insisté sur l’importance de la prière dans la vie du prêtre. Ecoutons-le nous redire : « Le temps pour demeurer en présence de Dieu par la prière est une véritable priorité pastorale, ce n’est pas un à-côté du travail pastoral » [14].

N’oublie jamais, Jérôme, que la charité pastorale est « le principe intérieur de la vie spirituelle du prêtre » [15]. Cette charité consiste en un « don total de soi-même à l’Église, à l’image du don du Christ et en partage avec Lui » [16]. En effet, si « le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle » [17], il doit en être de même pour nous, prêtres. Mais comme tu le sais, la charité pastorale découle surtout du sacrifice eucharistique que nous sommes appelés à célébrer en profonde union à Celui que se rend présent sur l’autel. Lors d’une rencontre avec les prêtres et les diacres de Rome, Benoît XVI a rappelé clairement : « Dans le mystère eucharistique, le Christ se donne toujours à nouveau et, précisément dans l’eucharistie, nous apprenons l’amour du Christ et donc l’amour pour l’Église. Je répète donc avec vous, chers frères dans le sacerdoce, les inoubliables paroles de Jean-Paul II : « La Messe est, de façon absolue, le centre de ma vie et de chacune de mes journées » [18].

« L’année saint Paul » tire à sa fin. Jérôme, que l’apôtre des nations guide spécialement tes premiers pas dans le ministère sacerdotal !

Benoît XVI a placé sous le patronage de Jean-Marie Vianney « la prochaine Année sacerdotale ». C’est pourquoi je confie au curé d’Ars ton ministère. Prends-le comme modèle ! Ainsi l’amour de Jésus présent dans l’eucharistie te touchera toujours plus. Un témoin de la vie du curé d’Ars a déclaré : « C’est la foi vive dans l’eucharistie qui l’a porté à désirer être prêtre pour travailler à la gloire de Dieu et au salut des âmes ».

En ce dernier jour du mois de mai, confie-toi de manière nouvelle et radicale à la Vierge Marie, si aimée dans ton pays natal, si aimée aussi dans ce diocèse du Puy que cette Mère admirable a comblé de ses bienfaits. Demande à Marie d’être « l’Étoile » de ton sacerdoce. Tourne-toi vers Elle et dis-lui avec la simplicité d’un cœur d’enfant : 
« Reçois-moi, Mère très aimante, 
Car je sais que tu me donneras 
tout entier à ton divin Fils, 
mon Seigneur et mon Dieu ! » Amen !
+ Henri Brincard 
Évêque du Puy-en-Velay

Le déroulement de l’ordination

Notes

[1] Jn 16, 13

[2] Ac 2, 1-5

[3] Cf Ga 5, 6

[4] Séquence du jour de la Pentecôte

[5] Pastores dabo nobis n°5

[6] Pastores dabo vobis, n°15

[7] Pastores dabo vobis, n°16

[8] 1 P 2, 9

[9] Jn 13, 35

[10] Ac 13, 47

[11] Concile Vatican II, décret sur la formation des prêtres n°20

[12] Décret sur la formation des prêtre, n°2

[13] Pastores dabo vobis, n°18

[14] Benoît XVI, homélie à Saint Jean de Latran, 13 mai 2005

[15] Pastores dabo vobis, n°23

[16] Pastores dabo vobis, n°23

[17] Eph 5, 25

[18] Discours de Benoît XVI, vendredi 13 mai 2005