Né le 9 octobre 1922 à la Séauve-sur-Semène, ordonné le 20 décembre 1947 par Mgr Joseph-Marie Martin, il poursuit ses études à Paris puis à la rentrée de septembre 1950 il est nommé professeur à la Chartreuse essentiellement en physique – chimie, mais aussi en sciences naturelles ou mathématiques et autres matières en fonction des besoins. Il y reste jusqu’en 1988, où il est nommé prêtre auxiliaire à Saint-Didier. Entré à l’EHPAD Nazareth en avril 2011, il y a fêté son 100è anniversaire en octobre dernier.

Il s’est éteint le vendredi 24 février 2023 à l’image de Job “âgé et rassasié de jours”.
La célébration de la Résurrection et de la Vie éternelle a eu lieu à l’église de la Séauve-sur-Semène le mercredi 8 mars à 10h

Unifions nos prières pour le père Jean, que le Seigneur lui ouvre grandement les portes de la Vie éternelle en laquelle il a cru et qu’il a proclamée.

Mot d’accueil par le père Marc Roux

Le Père Jean Bonneville est né le 9 octobre 1922 à la Séauve-sur-Semène dans une famille de 4 enfants.  Il a fait ses études secondaires au Collège du Sacré-Cœur d’Yssingeaux et le séminaire, au séminaire du Puy.
Au cours de ces années de séminaire, il a été requestionné en Allemagne, comme beaucoup d’autres français, pour le STO (Service du travail obligatoire).
Il a été ordonné prêtre le 20 décembre 1947. Il poursuit ses études à Paris. Puis à la rentrée de septembre 1950, il est nommé professeur à la Chartreuse essentiellement en physique-chimie, mais aussi en sciences naturelles ou mathématiques et autres matières en fonction des besoins. Il y reste jusqu’en 1988.
Il a passé alors quelques années comme prêtre auxiliaire à St Didier-en-Velay et à St Etienne (Paroisses de la Rivière et de l’Etrat) où il vivait avec sa sœur, Marie-Thérèse.
Il est entré à l’EHPAD Nazareth du Puy, en avril 2011. Il y a fêté son 100ème anniversaire en octobre 2022. Il est décédé le vendredi dernier le 24 février.

Pour compléter cette biographie, écoutons maintenant des témoignages sur 3 aspects qui ont marqué la vie du P. Bonneville :

  • Le Premier : à propos de ses 38 années de professeur à la Chartreuse (Brives-Charensac) et comme aumônier de la Conférence St Vincent de Paul :

Hommage d’un ancien élève et ancien collègue

J’ai fait la connaissance de l’Abbé Bonneville il y a 60 ans pour la rentrée scolaire 1963. Accompagné de ma maman, j’arrivais en taxi de mon pays de Saugues. C’est avec appréhension que j’intégrais le Petit Séminaire de la Chartreuse. C’est lui qui nous a accueillis au pied des grands escaliers. Il s’est présenté et je dois avouer que ce curé en clergyman m’a plutôt rassuré. Il s’est proposé de nous montrer l’établissement et en particulier le dortoir pour poser la valise et faire le lit.

Il a été mon professeur de maths et de sciences naturelles en classe de troisième. Il était exigeant mais ses explications étaient toujours claires et je le tenais pour un bon enseignant. Je l’ai retrouvé comme prof. de sciences naturelles en 1ère et terminale D. Il a su m’intéresser et a contribué au choix de cette matière pour mes études supérieures.

J’ai appris à mieux le connaître avec la Conf. (Conférence St-Vincent de Paul). En seconde, au cours d’une réunion d’information, il nous avait décrit les conditions de précarité et de solitude de certaines personnes âgées de Brives. Il nous invitait à faire partie de ce mouvement d’action catholique pour leur venir en aide. Même si l’intention n’était pas tout à fait désintéressée (on échappait à la promenade et on pouvait fumer une clope), j’étais prêt à rendre service et je n’ai pas hésité à m’engager.

Le jeudi après-midi, on partait deux par deux pour visiter une ou deux familles.  Le trésorier nous donnait un peu d’argent et on arrivait toujours avec du café, du chocolat ou des gâteaux.  Les services rendus étaient variés : faire les courses, monter du charbon, chercher de l’eau, scier du bois, bêcher le jardin…ce qui me convenait parfaitement. On passait aussi pas mal de temps à bavarder autour d’’une tasse de café.

Régulièrement, après souper, pour une réunion d’équipe, on se rendait dans la chambre de l’abbé Bonneville. On avait choisi un sujet pour y réfléchir avec lui. J’ai beaucoup apprécié ce moment où je découvrais un autre personnage. En fumant la pipe, Il abordait le thème de façon concrète. Il faisait référence à l’Evangile et à Frédéric Ozanam, le fondateur du mouvement mais n’hésitait pas à l’illustrer par des exemples de sa vie personnelle et familiale, (il faisait souvent référence à l’engagement syndical d’une de ses sœurs). On n’était pas pressé de quitter cette pièce où ronronnait le poêle à charbon pour regagner un grand dortoir plus tempéré.

Après 4 ans d’étude et une année d’armée, je refais la rentrée scolaire à la Chartreuse comme professeur. Avec crainte et émotion, je me retrouve dans ce corps professoral composé de pratiquement tous mes anciens professeurs prêtres et d’une poignée de laïcs. J’ai été vite rassuré par leur accueil. Dans cette équipe de prêtres, régnait une ambiance très conviviale à laquelle je n’ai pas eu de peine à m’intégrer.

L’abbé Bonneville était content de me retrouver. Il n’a pas tardé à me proposer d’animer, à sa place, les réunions d’équipes. J’ai accepté et comme j’avais une chambre sur place, c’est là que je recevais, comme lui, les élèves après souper. Grâce à lui, avec la participation de Jacky Bernard qui travaillait à la Sécu et de J. Pierre Fayolle, surveillant au Pensio, on a pu organiser plusieurs week-end (détente et réflexion) pour les équipes de la Chartreuse mais aussi du Pensio, St Régis et Anne-Marie Martel dans différents hébergements de Haute-Loire ou à Notre Dame des Neiges. Il nous arrivait aussi de faire, en comité restreint, une sortie au restaurant, ce qu’il appréciait beaucoup.

Depuis qu’il était à Nazareth, je lui rendais visite de temps en temps. Il était content de son sort. On parlait peu de l’actualité mais il était intarissable dès qu’on évoquait la Chartreuse qui était « sa maison » et bien-sûr la conférence (en particulier des baladins). Je lui apportais le bulletin des anciens élèves. Il me rappelait qu’il ne fallait pas oublier de venir le chercher pour notre réunion d’été …ce que j’ai fait pour la dernière fois en 2018. Il était alors notre doyen et avait pris la parole en souhaitant longue vie à la Chartreuse et le rajeunissement de notre association.
Pour tout ça, merci Abbé Bonneville et excusez-moi d’avoir parlé beaucoup de moi et pas assez de vous !


  • Le second : dans le cadre de la “Conférence St Vincent de Paul”, une autre activité a été celle de Camps d’été avec les “Baladins

Les baladins de Saint Vincent de Paul

Si cette période de la longue vie du Père Jean Bonneville que nous appelions l’Abbé a été brève, elle n’en a pas moins été très importante pour lui et pour nous les Baladins.
De 1969 à 1972, le Père jean Bonneville enseigne à la Chartreuse. Au même moment des jeunes lycéens garçons et filles des différents établissements du Puy, public comme privés, s’engagent à la société de Saint Vincent de Paul, guidés par des adultes et avec un aumônier, le Père Jean Bonneville, dynamique et engagé auprès des jeunes. Chaque semaine ils visitent des personnes âgées, isolées ou en grande précarité.
Afin de renforcer la cohésion de ce groupe de jeunes autour de Michel Desreumaux et du Père Bonneville, un projet voit le jour avec l’aide des adultes et la ténacité du Père d’organiser des camps d’été sous tente  autour d’un spectacle itinérant , de qualité avec un orchestre, des danseurs et des comédiens dans des maisons de retraite du Massif central en interprétant des chants des danses des sketches et surtout à la rencontre des résidents pendant plus de deux heures chaque jour…le premier camp eut lieu en Aveyron puis le Cantal , l’Isère et la Saône et Loire .

Sa présence a été essentielle dans le fonctionnement de ce groupe d’adolescents (environ 40 jeunes de 15 à 20 ans ont participé à ces camps). Nous avons retenu les qualités et les valeurs transmises par notre Abbé :

  • LA CONFIANCE : il avait foi en nous et grâce à ses encouragements, ses remarques ses conseils avant et après le spectacle permettaient, lors des répétitions Quotidiennes de nous améliorer jour après jour et nous avons pu ainsi nous surpasser 
  • LA BIENFAISANCE : Faire du bien aux autres, aux humbles, a celles et ceux qui souffrent, qui se sentent isolés, les faire chanter, rire, danser était l’objectif de ce spectacle.
  • LA GENEROSITE : Combien de kilomètres a-t-il parcouru avec sa 4L pour se rendre durant les vacances de Pâques avec 2 ou 3 baladins en repérage afin de préparer le quotidien de chaque séjour. Il ne comptait ni son temps ni l’argent nécessaire pour ces déplacements.
  • LA PASTORALE : celle-ci aussi faisait partie du projet : Servir les autres oui ! et Dieu dans tout ça :
    Les messes en plein air, en musiquent au milieu des tentes ou dans une paroisse accueillante qui nous permettaient d’animer la messe du village avec nos chants. Il n’a jamais obligé quiconque d’y participer. La foi faisait partie de nos vies.

Tout cela nous a accompagné vers nos vies d’adultes et nombreux ont été celles et ceux qui se sont engagé d’une manière ou d’une autre à la suite de ces camps ; certains sont devenus infirmiers ou infirmières, enseignants, médecins, kiné, des métiers au service des autres, et même de l’Animation pastorale.
Un baladin témoigne aujourd’hui : “c’est une page de notre adolescence qui se tourne, page importante qui, en ce qui me concerne a sûrement pesé dans le choix de ma vie professionnelle dans l’humanitaire”.
Au fil de ces cinquante années, nous ne nous sommes pas complétement perdus de vue. Il y a eu quelques rencontres et repas, à la Chartreuse ou au restaurant et parfois le retour vers l’Abbé pour nos mariages ou le baptême de nos enfants …

Notre dernière rencontre a eu lieu à Nazareth en Octobre dernier pour chanter et célébrer ensemble les 100 ans de notre Abbé.

Il nous quitte et Là-haut, il pourra recréer un groupe de Baladins avec ceux d’entre nous qui l’ont précédé.
On vous dit MERCI L’ABBÉ


  • Le troisième enfin : pour parler de sa décision de donner son corps à la science.

Son texte a été trouvé dans sa chambre de la Maison Nazareth. Il est lu par sa nièce, Claire :

J’ai bien réfléchi avant de prendre la décision de donner mon corps à la science quand le Seigneur aura décidé de me rappeler. Mais je crains que cette décision ne soit mal comprise. Cela ne doit en aucune façon être interprété comme un mépris du corps humain. Bien au contraire… ma longue expérience de professeur de sciences n’a fait que confirmer mon respect et mon admiration pour toutes les merveilles de la création, œuvres de Dieu et particulièrement pour ces merveilles que sont tous les vivants, et plus encore pour cette extraordinaire merveille qu’est un corps humain, créé à l’image et ressemblance du Créateur lui-même.

En conséquence, il n’y aura pas de célébration d’obsèques comme de coutume … mais que ce soit une célébration de la Résurrection et de la Vie éternelle qui est notre avenir commun (…) et une célébration d’action de grâce pour ce que la Providence a voulu faire par moi, tout au long de ma vie sacerdotale.

Maintenant … c’est cette vie – avec ses générosités et ses limites, comme pour chacun de nous – c’est cette vie que nous célébrons dans le Mystère du Christ.

Homélie par le père Emmanuel Chazot

Lecture du texte de Pierre Teilhard de Chardin en guise d’homélie pour la célébration à la mémoire du père Jean :

L’OFFRANDE

Puisque, une fois encore, Seigneur, non plus dans les forêts de l’Aisne, mais dans les steppes d’Asie,
je n’ai ni pain, ni vin, ni autel, je m’élèverai par-dessus les symboles jusqu’à la pure majesté du Réel, et je
vous offrirai, moi votre prêtre, sur l’autel de la Terre entière, le travail et la peine du Monde.
Le soleil vient d’illuminer, là-bas, la frange extrême du premier Orient. Une fois de plus, sous la
nappe mouvante de ses feux, la surface vivante de la Terre s’éveille, frémit, et recommence son effrayant
labeur. Je placerai sur ma patène, ô mon Dieu, la moisson attendue de ce nouvel effort. Je verserai dans mon
calice la sève de tous les fruits qui seront aujourd’hui broyés.

Mon calice et ma patène, ce sont les profondeurs d’une âme largement ouverte à toutes les forces
qui, dans un instant, vont s’élever de tous les points du Globe et converger vers l’Esprit. – Qu’ils viennent
donc à moi, le souvenir et la mystique présence de ceux que la lumière éveille pour une nouvelle journée !
Un à un, Seigneur, je les vois et les aime, ceux que vous m’avez donnés comme soutien et comme
charme naturel de mon existence. Un à un, aussi, je les compte, les membres de cette autre et si chère famille
qu’ont rassemblée peu à peu, autour de moi, à partir des éléments les plus disparates, les affinités du cœur,
de la recherche scientifique et de la pensée.

Plus confusément, mais tous sans exception, je les évoque, ceux dont la troupe anonyme forme la masse
innombrable des vivants : ceux qui m’entourent et me supportent sans que je les connaisse ; ceux qui viennent
et ceux qui s’en vont ; ceux-là surtout qui, dans la vérité ou à travers l’erreur, à leur bureau, à leur laboratoire
ou à l’usine, croient au progrès des Choses, et poursuivront passionnément aujourd’hui la lumière.
Cette multitude agitée, trouble ou distincte, dont l’immensité nous épouvante, – cet Océan humain,
dont les lentes et monotones oscillations jettent le trouble dans les cœurs les plus croyants, je veux qu’en ce
moment mon être résonne à son murmure profond. Tout ce qui va augmenter dans le Monde, au cours de
cette journée, tout ce qui va diminuer, – tout ce qui va mourir, aussi, – voilà, Seigneur, ce que je m’efforce
de ramasser en moi pour vous le tendre ; voilà la matière de mon sacrifice, le seul dont vous ayez envie.
Jadis, on traînait dans votre temple les prémices des récoltes et la fleur des troupeaux. L’offrande que
vous attendez vraiment, celle dont vous avez mystérieusement besoin chaque jour pour apaiser votre faim,
pour étancher votre soif, ce n’est rien moins que l’accroissement du Monde emporté par l’universel devenir.
Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Création, mue par votre attrait, vous présente à l’aube
nouvelle. Ce pain, notre effort, il n’est de lui-même, je le sais, qu’une désagrégation immense. Ce vin, notre
douleur, il n’est encore, hélas ! qu’un dissolvant breuvage. Mais, au fond de cette masse informe, vous avez
mis – j’en suis sûr, parce que je le sens – un irrésistible et sanctifiant désir qui nous fait tous crier, depuis
l’impie jusqu’au fidèle : « Seigneur, faites-nous un ».

Parce que, à défaut du zèle spirituel et de la sublime pureté de vos Saints, vous m’avez donné, mon
Dieu, une sympathie irrésistible pour tout ce qui se meut dans la matière obscure, – parce que,
irrémédiablement, je reconnais en moi, bien plus qu’un enfant du Ciel, un fils de la Terre, – je monterai, ce
matin, en pensée, sur les hauts lieux, chargé des espérances et des misères de ma mère ; et là, – fort d’un
sacerdoce que vous seul, je le crois, m’avez donné, – sur tout ce qui, dans la Chair humaine, s’apprête à naître
ou à périr sous le soleil qui monte, j’appellerai le Feu.

“La messe sur le monde” – Pierre Teilhard de Chardin