Né le 6 mai 1929 à La Chaise-Dieu, le père Jean Baylot a été ordonné le 29 juin 1953. D’abord étudiant à Paris, il est nommé professeur au Sacré-Cœur à Yssingeaux en 1956, puis au collège Saint-Julien de Brioude l’année suivante ; Professeur à La Chartreuse de septembre 1960 à juillet 1982, il prend ensuite la direction de l’École Hôtelière de La Chaise-Dieu. En juillet 1990 il revient enseigner au Sacré-Cœur à Yssingeaux. Depuis juillet 1992 il était prêtre auxiliaire d’abord à Paulhaguet puis, depuis 2009, sur l’ensemble paroissial de Craponne.

Le Père Jean Baylot est décédé le 26 avril. Ses obsèques ont été célébrées le samedi 30 avril en l’abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu (une veillé de prière a eu lieu en l’église de Craponne vendredi 29 avril )

Mot d’accueil par le père Patrice Missonnier

“Ici l’Abbé Baylot”. Nous n’entendrons plus à l’autre bout du fil cette expression qui nous est si particulière, ni la voix qui la portait; l’abbé a achevé sa course et quelle course !

Si dans 2000 ans les anthropologues se pose la question de savoir quel était le type de l’homo auvergnatus casadeus, il faudrait qu’il puisse aussi tomber sur le portrait de l’abbé Jean Baylot.

Le Père Alphonse Durand que j’ai eu hier au téléphone et que la Covid retient chez lui me disait : C’est quelqu’un qui a compté dans ma vie de prêtre et pas seulement… ni langue dans sa poche ni langue de bois; il fallait le connaître, il pouvait être déroutant au premier abord, mais finalement avec le temps il s’avérait  d’une bonne fréquentation. Il vivait comme un solitaire mais jamais enfermé sur lui-même… 

C’est vrai que dès qu’il sortait l’abbé Jean c’était pour vivre la convivialité, autour d’une bonne table et d’une bonne bouteille, autour du partage de l’expérience de la vie, de l’enseignement de la Foi, autour de la table de la Parole qu’il commentait le coude appuyé sur l’ambon et la table de l’Eucharistie : en tout cela il aura servi jusqu’au bout avec courage, volonté, abnégation, fidélité, caractère bien trempé et le tout avec une saine curiosité toujours à l’écoute et un enthousiasme communicatif.

Et il en avait des choses à partager, l’abbé Jean, tant il était formé et cultivé, lui qui s’est toujours attaché à parfaire ses acquis – à mon âge maintenant je dors peu, mais je lis beaucoup – disait-il. il ne faisait pas étalage de ses connaissances, mais elles transpiraient dans ses propos, dont la parole de  sagesse, souvent frappée au coin du bon sens, pouvait trancher comme un glaive.

En bon auvergnat, l’abbé était attaché à des valeurs de fond comme la famille, la terre, le travail, l’amitié, l’histoire, le tout éclairé par la Foi profonde de sa religion chrétienne.

S’il avait des moyens c’est aussi parce qu’il les avait reçus et qu’il s’était attaché à les préserver et les faire fructifier pour les transmettre. C’est un devoir, et pas seulement de mémoire, pour la famille, pour l’enseignement, comme pour l’Église. Bienveillant, mais exigeant, il voulait que chacun ait à cœur de donner le meilleur de lui-même. Tout cela il se l’appliquait d’abord à lui-même.

Cela avait commencé par ses études :

Baccalauréat 2éme partie qui lui permettait alors d’enseigner, ce qu’il fit dès 1949 comme instituteur titulaire de la classe primaire à l’ école privé de garçon de Sainte-Florine.

Il ne restera qu’un an, car il va entrer au séminaire.

En 1951 il reçoit la Tonsure cléricale et viennent les ordres mineurs, lectorat cette année-là;

En 1952, exorciste et  acolyte puis le  sous-diaconat;

En 1953,le Diaconat en mars et le presbytérat en Juin le 29.

Mgr Chappes le reçut alors : Que souhaiteriez-vous faire maintenant comme études, M. L’abbé? Science et mathématiques … c’est très bien, M. l’abbé, mais c’est de littéraires dont nous avons besoin ! L’abbé s’exécuta.

En juin 1954 il obtient le Certificat d’études littéraires générales;

En 1955 les Certificats d’études supérieures :

Études Latines – Littérature française – Épreuves de langues vivantes – 

En 1956 : Études grecques – Grammaire et philologie française.

Cette même année, il est déclaré digne du grade de Licencié ès lettres constituant licence d’enseignement, ce qu’il va vite commencer.

1956/1957 Maître enseignant en lettres au Sacré Cœur  d’Yssingeaux;

1957/1960 Professeur de Lettres institution St Julien de Brioude

1960/1982 Professeur de Lettres, histoire, instruction civique et géographie, selon les années, à l’Institution la Chartreuse à Brive-Charensac où il liera de nombreuses et solides amitiés;

1982/1990 Directeur à plein temps et professeur de français lycée professionnel privé hôtelier de la Chaise-Dieu;

1990 > enseignant au Sacré Cœur d’Yssingeaux

07/1992 Prêtre auxiliaire à Paulhaguet

A partir de 09/2009 Prêtre auxiliaire sur le plateau de Craponne qu’il servait encore lorsque vint le moment de sa Pâque, le mardi 26 avril à16h10.

L’abbé Jean était encore un homme aux multiples facettes :

> Le Guide Michelin, le Gault et Millau et Le petit Futé ne l’ont jamais su, mais ils avaient un redoutable concurrent en Haute-Loire > Le petit Baylot illustré par l’exemple,  guide des bonnes tables de nos coins de Haute-Loire, dont les caractéristiques étaient, la simplicité, l’authenticité et la convivialité;

>Il fut aussi forestier, à la fois, propriétaire, gestionnaire, exploitant/débardeurs, domaine où il était reconnu et parfois redouté;

> S’il est vrai que pour bien voyager et s’ouvrir à la culture des autres, il est bon d’être ancré dans la sienne propre, alors on comprend pourquoi le père fut un grand voyageur toujours curieux de découverte : son 1er passeport date du 20/06/1956 et porte Southampton Angleterre ; on trouve selon les années : Portugal, Italie, Islande, Yougoslavie, Roumanie, Allemagne de l’Est, Pologne, Hongrie, Roumanie, Slovénie, Inde, Bolivie, Paraguay, Brésil, Israël, Corée, Russie (Don Camillo n’avait qu’à bien se tenir !)

L’abbé cultivait amitiés et convivialités avec fidélité : en famille, avec des anciens élèves, des collègues enseignants, des frères prêtres, des paroissiens : en pèlerinage à La Salette; lors des semaines de ski; les Anniversaires de L’institution de La Chartreuse – les grands rendez-vous diocésains.

Il m’a toujours semblé intéressant de voir comment l’on peut retrouver dans la vie d’un chrétien une façon particulière d’incarner l’un ou l’autre passage du Nouveau Testament. Pour l’abbé Jean ce serait me semble t’il ce passage du Livre des Actes des apôtres : Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur. Ac2,46

Si l’on pouvait rassembler tous les souvenirs et anecdotes de chacun concernant l’abbé Jean, confier cela à un talent de conteur partageant les mêmes valeurs, (par exemple du côté de Bougernes ou bien de Médeyrolles), nous aurions certainement un roman qui nous tracerait un beau portrait de l’homo auvergnatus casadéus, un portrait qui pourrait donner envie, vigueur et fierté aux jeunes de chez nous pour vivre cela dans leur aujourd’hui.

Oui, un roman sans nul doute passionnant, comme le personnage, passionnant aussi comme celui en qui il avait mis solidement sa Foi, Jésus-Christ, à qui nous confions maintenant l’abbé Jean dont je peux entendre la voix me dire : Bon !… et maintenant, ça se finit par là !

Homélie du Père Antoine Ferreol

Frères et sœurs, JEAN vient de nous quitter, presqu’à l’improviste, j’ai envie de dire, bien à sa façon : « Vite fait, bien fait » … Et nous voilà brusquement plongés dans la peine, atteints dans notre affection, dans notre amitié pour lui, et peut-être même troublés dans notre foi…  La Parole de Dieu que nous venons d’entendre et les résonnances qu’elle a trouvées dans la vie de JEAN sont là pour fortifier notre foi et nous garder dans l’espérance. F et S, Laissons descendre dans notre cœur ces mots de l’évangile que vous, sa famille, avez choisi de nous faire entendre.

        Vous avez fait un bon choix. Jésus vient de nous dire : « Restez en tenue de service » Quand nous pensons à JEAN nous pensons instinctivement que ce mot de service, le rejoint tout à fait… à condition que nous l’entendions comme Jésus le souhaite et comme JEAN l’a compris et vécu.

Nous pensons trop vite que rendre service, c’est « faire des choses, » comme des « prestataires de service ». Nous rendons notre prestation et puis nous laissons l’autre, bien servi sans doute, mais seul ! Jésus nous demande de « RESTER en tenue de service » …  RESTER, cela veut dire : demeurer disponible, garder une relation bienveillante avec la personne servie, se tenir éveillé et alerte pour reconnaître Jésus dans nos rencontres prochaines.

 JEAN a su rester en tenue de service. A Champrigaud, c’est vrai, sa tenue de service pouvait être la combinaison de travail tachée d’huile et de cambouis quand il jonglait avec la tronçonneuse ou avec la clef à molette…Je me dis que lorsqu’il toisait de bas en haut les grands sapins qui pointent leurs cimes vers le ciel, il avait peut-être idée de rester comme eux droit, simple et vrai… Mais plus sérieusement, je dirai que la vie que JEAN a menée a été droite, simple et vraie. Une vie bien remplie, aussi remplie qu’il était possible.

Il avait fait choix de vivre à plein. Il allait avoir le 9 mai prochain ses 93 ans ! Il pouvait faire le choix ou de continuer de mener la vie active qui a été la sienne, ou bien de se ménager une retraite calme et tranquille. Il est resté actif jusqu’au bout sans ménager sa peine ni économiser son sourire. Le travail ne lui faisait pas peur… D’autres, qui ont bien connu JEAN, sauraient dire, mieux que moi, le serviteur fidèle et avisé qu’il a su être.

 Serviteur, il l’a été de nombreuses années au service des jeunes à la Chartreuse, à Yssingeaux, à Saint-Julien de Brioude, à l’Ecole Hôtelière de La Chaise-Dieu dont il a été directeur. Il a mis au service des jeunes la richesse de sa culture humaniste, son sens de l’organisation, son souci de l’avenir professionnel des élèves hôteliers.

Aux uns comme aux autres, il a accordé la sollicitude d’un enseignant et d’un éducateur qui savait « rester en tenue de service ». La clarté et la vivacité de son intelligence, son ouverture d’esprit, sa tolérance qui n’était pas permissivité, le rendaient proche de chacun pour les servir au plus près de leurs possibilités. Beaucoup d’anciens en témoignent.

Ils peuvent encore témoigner que ce service, JEAN l’assurait 24 h sur 24, non pas en cravate et boutons de manchettes, mais avec le tablier du serviteur. C’est moralement qu’il avait ses élégances et sa modestie le gardait de prendre la pose et de jouer les « m’as-tu-vu ». Je ne dirai rien de son humour où affleuraient à la fois bon sens, simplicité et humilité.

Ce que je dirai par contre, c’est que JEAN, avec sa foi qui s’enracinait plus dans son cœur de croyant que dans les arcanes des dogmes, avait compris ce que Jésus avait voulu faire un certain Jeudi-Saint en lavant les pieds de ses apôtres comme l’esclave de service…Prêtre de Jésus-Christ, disciple de son Seigneur et Maître, JEAN avait compris que le prêtre est serviteur de ses F et S en humanité. Il avait compris que le Très-Haut s’était fait le Très-Bas pour qu’à son école nous comprenions que l’amour de nos frères est d’abord service … service des plus pauvres, des plus petits.

JEAN en a témoigné fidèlement à travers toutes les tâches pastorales qu’il a assumées dans l’Ensemble Paroissial, dans la dernière partie de sa vie. Quand nous avançons en âge, la tentation nous vient d’avancer … jusque vers nos pantoufles ou notre fauteuil, et notre arthrose est un alibi bien venu pour ne rien faire. JEAN, comme un bon serviteur, a gardé les yeux ouverts et fixés sur Jésus, son Maître, prêt à répondre au premier appel.  Son service des fidèles qui lui étaient confiés, était marqué au coin d’une générosité sans faille. Comme on dit chez nous, il était de bonne rencontre et de bon conseil, fidèle et discret.

Comme un bon serviteur, il a mené à bien son service de la Parole, il a partagé le pain de Vie à ses frères, il les a remis debout dans la joie du pardon. Lors de la Semaine Sainte, alors qu’il aurait pu négocier avec la fatigue qui sonnait l’alarme, JEAN a encore assuré son service en paroisse. Comme Jésus, il est resté est en tenue de service, jusqu’au bout. 

        « Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera entrain de veiller…Il les fera passer à table et les servira chacun à son tour. »

F et S, l’Eucharistie est le moment où Dieu nous fait « passer à table » pour nous servir lui-même et nous partager sa Vie et son Amour.  Dans le fond de notre cœur, ensemble avec Jésus mort et ressuscité, rendons grâce à Dieu et disons-lui un grand MERCI pour tout l’amour qui a pu passer par JEAN, bon et fidèle serviteur.

La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était le Mardi-Saint. Des 11 prêtres diocésains à être nés en 1929 nous restions 3 :  JEAN, Jean Ploton ici présent et moi-même. JEAN m’a dit : « Il faudra bien nous revoir tous les trois, un de ces jours… » Mardi dernier, je l’ai appelé au téléphone pour lui donner la date prévue pour un repas convivial et fraternel. C’est Jérôme, son curé, qui m’a répondu : « Jean vient de mourir… » Il avait pris les devants, vite fait, bien fait, comme à son habitude. Le repas d’ici-bas était annulé.

Mais je t’en assure, JEAN, ce n’est que partie remise. « Oui, nous nous reverrons. Je te dis, JEAN, à te revoir au banquet des noces éternelles. »