1920-2019

Né à Pont Saint Martin (diocèse de Nantes), le 12 mai 1920, il suivit d’abord ses études au grand séminaire de Nantes de 1938 à 1943. Ordonné le 29 juin 1944 à Nantes, il fut aussi admis cette année-là chez les sulpiciens. Étudiant à l’Institut catholique de Paris de 1944 à 1946 en licence de théologie, il fut habilité au Doctorat. Il fut ensuite successivement professeur de morale au séminaire de Clermont de 1946 à 1954, puis au séminaire de la mission de France de 1954 à 1957. Nommé professeur de dogme au séminaire Saint Irénée de Lyon jusqu’en 1960, il devint supérieur du grand séminaire du Puy cette année-là, mission qu’il assuma jusqu’en 1979. Délégué épiscopal à la vie consacrée puis délégué à l’état religieux pour le diocèse du Puy de 1979 à 2014, il était depuis cette époque en résidence à la maison Nazareth au Puy.

Membre du conseil épiscopal pendant durant cinquante ans, il était aussi chanoine de la Cathédrale Notre Dame du Puy depuis 1960.

Ses obsèques ont été célébrées à la Cathédrale Notre Dame de l’Annonciation, au Puy-en-Velay, le vendredi 25 janvier 2019 à 14h30 suivie de l’inhumation au cimetière du Puy.

Mot de présentation par le Père Jean-Claude Petiot

Cathédrale du Puy, le 25 janvier 2019

Le Père Jean Harrouet s’est éteint dimanche à quatre mois de ses 98 ans. Il était depuis 2014 le doyen des prêtres du diocèse. Les jeunes générations et même beaucoup parmi les moins jeunes pouvaient croire qu’il avait toujours été prêtre diocésain du Puy. Il l’était devenu complètement en effet au long de sa présence de près de soixante ans parmi nous. Il ne faisait pourtant pas mystère de ses origines nantaises dont il était légitimement fier. Il se plaisait à les honorer discrètement en partageant à l’occasion quelque bonne bouteille de muscadet ramenée de Pont-Saint-Martin où il était né le 12 mai 1920. Au terme de sa formation au séminaire de Nantes, il avait été ordonné le 29 juin 1944, dans le contexte particulier de ce temps qu’il lui arrivait d’évoquer avec quelque bravoure. Immédiatement admis à entrer dans la Compagnie Saint-Sulpice, vouée à la formation des prêtres. Deux ans à l’Institut Catholique de Paris le conduisaient jusqu’à l’habilitation au doctorat. Mais le voilà aussitôt engagé comme professeur de morale au séminaire de Clermont de 1946 à 1954 ; puis au séminaire de la Mission de France de 1954 à 1957, qu’il présentait comme une étape marquante de son itinéraire ; et encore pendant trois autres années, le voilà professeur de Dogme au Séminaire Saint- Irénée de Lyon. En 1960, son arrivée comme supérieur du séminaire du Puy suivait de peu la nomination de Mgr Dozolme comme évêque de notre diocèse. Précisément, la moitié des prêtres diocésains actuels ont accompli tout ou partie de leur formation sacerdotale durant les dix-neuf années où il assuma cette mission. On garde la mémoire du style de ses exposés sur les sujets les plus divers, allant de l’initiation à la lecture des psaumes jusqu’à la psychologie pratique, en passant par l’étude des grands textes du concile Vatican II. Méticuleusement préparés, ils fourmillaient d’idées personnelles bien assurées, émaillées de quelques interjections sonores pour en souligner l’importance, et tout autant parsemées de quelques : « Je sais pas comment dire ! ». Ce qui ne manquait jamais de réjouir son auditoire. Quittant le séminaire pour la maison Notre-Dame, le Père Harrouet se retrouva tout naturellement le supérieur de la communauté des chanoines et des prêtres qui y logeaient ou venaient y prendre leur repas. Il en assura l’intendance avec constance et ponctualité jusqu’au bout, veillant au moindre détail de la vie matérielle, se chargeant lui-même de l’approvisionnement quasi hebdomadaire de la nourriture dont il chargeait sa voiture.

Durant ces 35 ans, de 1979 à 2014, il déploya avec ardeur son ministère de délégué épiscopal à la vie consacrée auprès des communautés religieuses du diocèse qu’il accompagna dans l’impressionnante évolution de l’Église de ce temps. C’est lui aussi qui, dans les années 80 conduisit vers leur ordination les premiers diacres du diocèse. Avec la même conviction, il fut l’animateur spirituel apprécié de l’association des parents de prêtres et de religieuses qu’il avait fondé dans le diocèse au printemps 1987 à la demande Mgr Cornet. Mais c’était encore sans compter les longs déplacements auxquels il ne rechignait jamais pour donner de multiples prédications de récollections ou de retraites à travers la France. Dès le temps du séminaire, le Père Harrouet avait été nommé à l’officialité diocésaine, d’abord avocat de causes matrimoniales, puis juge en 1ère instance, et en 2002 juge en 2ème instance à l’officialité interdiocésaine, ce qui l’amenait aussi à de fréquents déplacements à Lyon. Et s’y ajouta la charge éminemment discrète d’exorciste diocésain. Mais il eut aussi d’autres causes, autrement plus gratifiantes, qui l’occupèrent et dans lesquelles il se consacra avec toute l’énergie qui était la sienne : la canonisation du saint frère Bénilde et la béatification de la Mère Agnès de Langeac, entre autres. Celle-ci lui donna particulièrement l’occasion d’exprimer sa qualité de disciple de Monsieur Ollier et de l’école française, une spiritualité qu’il s’appliquait à rayonner chaque fois que l’opportunité lui en était donnée.

Puis vint le moment où il se sentit soudainement vieillir et décida de mettre un terme à 70 ans d’activité. Il accepta bientôt de rejoindre la maison de Nazareth. Il reste à évoquer un dernier trait de l’exceptionnelle longévité du Père Harrouet dans des responsabilités diocésaines : sa présence continue pendant très exactement 50 ans au conseil épiscopal où il fut appelé dès son arrivée au séminaire du Puy. Il en fut le secrétaire précis : d’abord de sa minuscule écriture, puis au clavier de sa machine à écrire, pour finir avec le traitement de texte de son ordinateur. Dans l’intimité du conseil, on ne résista évidemment pas, le jour venu, au plaisir de saluer ce record inégalable ; et de lui en donner la joie.

En l’accompagnant aujourd’hui dans son passage à l’éternité, tel est, brièvement évoqué, le très vaste pan de l’histoire de notre Église diocésaine qu’avec lui nous pouvons porter dans l’action de grâces et l’intercession.

Homélie du Père Micas, supérieur des Sulpiciens

“Que cherchez-vous ?”

M. le chanoine Jean Harrouet, prêtre depuis 75 ans (!), a entendu l’appel de Dieu à lui consacrer sa vie, depuis aussi loin qu’il pouvait s’en souvenir. Dans un article publié en 2010 il raconte le parcours de sa vie : “d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être prêtre… Au cours du séminaire, j’ai pensé être trappiste… puis j’ai découvert ma vocation de sulpicien”…

“Que cherchez-vous ?” demande Jésus à deux disciples de Jean-Baptiste qui se sont mis à le suivre. “Que cherchez-vous ?” Cette question est une de ces grandes questions qui traversent la vie d’un homme. “Que cherchez-vous ?”

La réponse des disciples est une question, et elle aussi est une de ces questions fondamentales qui traversent l’humanité dans sa relation à Dieu : “Rabbi (…), où demeures-tu ? » ; “Dieu, où demeures-tu ; Dieu, où es-tu ?”

Depuis que l’homme est homme, et qu’il lève les yeux vers le ciel, cette question brûle ses lèvres et son cœur. Nous voulons tous que nos vies aient du sens, nous apportent le sentiment de réussir nos aspirations, et pour dire les choses d’une formule rapide, d’être heureux et de rendre heureux. Depuis que l’homme est homme, il a l’intuition de Dieu, et son cœur comme son esprit pose cette question, tourné vers le ciel : “Dieu, où demeures-tu ; Dieu où es-tu ?” Pour les chrétiens, la réponse à cette question se trouve en la personne de Jésus-Christ “Chemin, vérité et vie” écrira saint Jean dans son évangile. Dans le passage choisi par le P. Harrouet pour ses obsèques, l’heure n’est pas encore aux grandes conclusions théologiques qui constituent le cœur de la foi des chrétiens, mais c’est l’heure des 1ères rencontres. Jésus s’y révèle plein de tact et de finesse pour ces disciples qui cherchent Dieu : “Où demeures-tu ?” “Venez, et vous verrez”, leur répond-il. “Venez, et vous verrez”. L’évangéliste indique qu’ils “allèrent donc, (…) virent où il demeurait, et (…) restèrent auprès de lui”.

Le P. Harrouet confiait avoir toujours voulu être prêtre. Les rencontres, les appels, les missions que l’Église lui a confiées, l’ont conduit à avoir la vie de service qui a été rappelé tout à l’heure. Tout au long de ce parcours, une qualité a marqué sa vie : la fidélité, qui est la “première qualité (…), en particulier pour un prêtre” écrivait-il en 2010. “Fidélité aux missions confiées, fidélité à la messe quotidienne (sauf 8 jours d’hôpital), fidélité à l’intégralité des heures du bréviaire depuis son sous-diaconat ! Il rajoutait cependant, avec lucidité et humilité : “en revanche, je ne dirais pas que je priais bien, hélas !” Pendant son séminaire à Nantes, il avait retenu une définition de la prière formulée par son supérieur de l’époque : “La prière est un grand fleuve qui sort du cœur du Christ, et sur les eaux duquel, tels des fétus de paille, nous nous jetons pour nous laisser entraîner jusqu’à l’océan de Dieu !” On sent bien que cet idéal a été le sien toute sa vie…

Ayant trouvé le Christ, il a toujours voulu demeurer auprès de lui, et se jeter dans le fleuve qui sort de son cœur pour être conduit jusqu’à l’océan de Dieu. Il a voulu cela pour lui-même, et il l’a voulu pour les générations de chrétiens, de prêtres, de religieux et religieuses qu’il a formées et accompagnées dans sa longue vie de prêtre et de prêtre sulpicien. Depuis presque 60 ans il s’est attaché à ce diocèse du Puy en Velay qui n’était pas son diocèse d’origine. Il s’est attaché à vos terres, mais il s’est attaché surtout aux hommes et aux femmes de ce pays, et il les a servis là où L’Église le lui a demandé. Sa passion ? Transmettre sa foi et son espérance, transmettre cette conviction traduite par saint Paul dans le passage de la lettre aux Romains qu’il a également choisi pour ce jour de ses obsèques : “Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? (…) En tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. (…) ni la mort, ni la vie, (…) ni le présent, ni l’avenir, ni les hauteurs, ni les abîmes, (…) rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur.”

Chers frères et sœurs, membres de sa famille de sang, et membres de sa famille d’esprit et de cœur, ensemble, nous remercions Dieu pour la vie de ce frère, et de ce père. Ayant trouvé le Christ et décidé de demeurer avec lui, il n’a eu de cesse de chercher à le faire connaître et aimer, avec cœur et intelligence, avec toute sa foi, sa compétence théologique, son sourire, son enthousiasme, ses qualités humaines et sacerdotales, et tous les autres aspects de sa forte personnalité. A l’heure où nous lui disons au revoir en demandant à Dieu d’accueillir son serviteur auprès de lui, nous disons nous aussi avec foi ces mots du psaume 85 qu’il a voulu nous faire entendre aujourd’hui : “Je te rends grâce de tout mon cœur, Seigneur mon Dieu, toujours je rendrai gloire à ton nom ; il est grand ton amour pour moi : tu m’as tiré de l’abîme des morts.”

Merci cher P. Harrouet, et que le Seigneur vous accorde sa paix, sa joie et sa vie en abondance !

Amen !

Texte du diacre Cosme Rondevair

Cher Père Harrouet,

Cher, car vous l’êtes tout particulièrement à mon cœur, même si ces derniers temps j’espaçais mes visites à Nazareth : lorsque je rentrais dans votre chambre, m’ayant reconnu, vous leviez les mains au ciel et vous vous esclaffiez en disant à chacune des visites : Ah Voilà le 1er diacre de France ; j’avais beau vous reprendre ; en vain. Nous étions effectivement avec René Delorme les deux premiers diacres du diocèse du PUY et non de France ! Mais pour vous c’était ainsi !

Cher, car vous l’êtes tout particulièrement à mon cœur, même si mes visites étaient courtes. Plus longues l’avaient été celles que je vous rendais lorsque vous vous trouviez à Jalavoux. Nous prenions le temps de nous souvenir du passé et vous me demandiez toujours aimablement de vous parler de ce qui faisait ma vie d’aujourd’hui, mon ministère de diacre. Le bonheur se lisait dans vos yeux. Mes visites se terminaient toujours par la récitation des vêpres.

Cher, car vous l’êtes tout particulièrement à mon cœur car il fut un temps c’était en 1982, le Père Cornet, alors évêque du Puy, vous avez confié la tâche de lancer le diaconat permanent ; et c’est avec compétence que vous avez mené la barque. Certes vous en aviez les capacités, les compétences, après avoir été supérieur de grand séminaire. Votre fierté et votre joie fut d’avoir le 15 décembre 1985 organisé et participé en cette même cathédrale à la célébration de l’ordination de vos deux 1ers diacres permanents du diocèse !

Merci Père Harrouet pour votre accompagnement lors du cheminement vers ce ministère diaconal. Merci pour tout ce temps donné. Merci de m’avoir ouvert un chemin qui grâce à vos connaissances, votre gentillesse, votre sourire est devenu pour moi l’autoroute du bonheur et d’actions de grâce dans la joie du Seigneur.

Une petite anecdote : Je suis persuadé que vous étiez habité par l‘Esprit St – c’est normal vous avez été l’exorciste du diocèse durant des années- car la conduite dangereuse de votre 2 cv sur les routes escarpées qui menaient à Chalencon, lieu de nos rencontres trimestrielles de diacres, me faisait penser à la religieuse du film le gendarme de St Tropez. Le Seigneur veillait certes et en tant que policier, je ne pouvais que prier en silence !

Père Harrouet, je suis sûr que le Seigneur vous a accueilli en sa demeure et qu’il vous a réservé une place de choix. De là-haut, priez pour nous ! Merci encore ! Union de prières ! A Dieu !