L’histoire de la chapelle « Notre-Dame des Pénitents » ne pourra, sans doute, jamais être retracée avec une entière certitude car trop de documents ont disparu au cours des siècles. mais il reste néanmoins de nombreux repères historiques. Nous essayons ici d’en donner la chronologie.

La construction primitive pourrait bien être une salle basse, en pierres et toit en lauzes… Il faudrait revenir presque dix siècles en arrière. Le pavé de l’actuelle chapelle comporte dans son carrelage une curieuse croix de douze mètres, garnie de chaque côté du croisillon, d’ornementation en mosaïque… Ne serait-ce pas là le vestige le plus ancien de la première construction ? Revenons au fil de l’Histoire et aux repères qu’elle nous a laissés.

1140… et au XIIe siècle en général, le sanctuaire de Notre Dame du Puy attire de nombreux pèlerins de toute la France et même des pays voisins. Ils y viennent à pied, à raison de trente à quarante kilomètres par jour. Les pèlerins se reposent dans des auberges où, quelquefois, ils sont victimes des roueries des aubergistes. De plus, les Châtelains de toute importance leur imposent des péages par ci par là, pour un pont à traverser, un chemin à prendre. Parfois, les pillards les dévalisent. Cette situation faite aux pèlerins de Notre-Dame du Puy, suffit à expliquer les plaintes qui furent déposées à Rome, auprès du Pape lui-même.

En 1145, le pape Eugène III abolit les droits de péage imposés sans raisons aux pèlerins. 
Plainte fut aussi portée au roi Louis VII, qui va prendre des sanctions. Il fera plus encore. Il encourage ra à ouvrir des centres d’accueil pour les pèlerins. Étant venu au Puy en 1146, avant de partir en croisade, il se voit offrir par Le Puy une somme d’argent. Le roi ne voulut pas prendre cet argent. Il le donna pour construire hospices et forts sur les routes des pèlerins. Cet argent fut en partie dépensé à Yssingeaux pour y établir l’hospice des pèlerins à l’entrée et en dehors des murs de la cité. 
En 1150, un refuge est construit, avec l’argent donné par le Comte du Velay et l’Évêché du Puy au roi.

Dès lors donc, un abri des pèlerins fonctionne avec quelques religieux pour leur venir en aide. Il semblerait qu’il fut placé sous la protection de Notre-Dame du Puy. Et ce serait peut-être bien là, l’origine du culte marial sous le nom de Notre-Dame du Refuge. 
La croix de douze mètres qui est dessinée sur le pavé de la chapelle pourrait bien être fort ancienne et pourrait même remonter à la construction du refuge des pèlerins. En effet quelques années plus tard, le roi Saint Louis qui régna de 1226 à 1270, interdit de dessiner la croix sur le sol pour ne pas la fouler aux pieds. La croix sur le pavé lui serait donc antérieure et pourrait dater de la fondation même du refuge pour pèlerins. 
Il convient d’évoquer ici la dure époque qui s’étend de 1360 à 1380. La ville d’Yssingeaux avait besoin de se protéger comme beaucoup d’autres par des fortifications et on n’y entrait que par des portes bien gardées. Les « routiers » étaient ces soi-disants soldats qui servaient tantôt la France et tantôt l’Angleterre. Ils pillaient, volaient, incendiaient, y compris couvents et chapelles.

En 1383, ils sont sur la région d’Yssingeaux et pillent plusieurs villages et peut-être aussi le bâtiment qui existait à la place de la chapelle actuelle. 
En 1387, Yssingeaux répare ses fortifications mises à mal par les « routiers ». 
En 1390, on répare la tour d’Yssingeaux qui avait été endommagée et, vers la fin de ce XIVe siècle qui voit aussi la fin de la guerre civile, on aurait pu réparer les parties de la chapelle qui datent de cette époque.

En 1428, la région d’Yssingeaux est de nouveau troublée par des bandes de pillards. 
En 1554, il y a sur l’autel du refuge, une statue de Notre-Dame. Et c’est cette même année que les marchands de la ville fondent une procession du clergé à l’image de la Vierge, dite Notre-dame de l’Hôpital (pour quoi ?) dans le quartier même où est aujourd’hui des Pénitents. Ne serions-nous pas là à l’origine de la procession des Pénitents ? Et pourtant, la date de la fondation de la Confrérie communément admise est 1629. 
En 1634, à la Confrérie des Pénitents d’Yssingeaux est accordée l’autorisation de construire une chapelle par l’évêque du Puy. Ce document d’archives est à Yssingeaux. Dès lors, la chapelle deviendra celle de Notre Dame des Pénitents. C’est à cette chapelle, dès son édification, qu’a dû être confiée la statue de la Vierge. Pendant trois siècles la Confrérie des Pénitents y maintiendra ses offices. Les Pénitents, qui étaient des laïcs chrétiens assurèrent également l’administration de la chapelle. Et c’est seulement à leur disparition récente que l’administration en fut confiée au curé de la paroisse.

Il n’y a sans doute rien de très remarquable dans l’architecture de la chapelle. Elle apparaît plutôt sans unité ni harmonie. Elle a été agrandie et .donc modifiée à plusieurs reprises. Elle était au départ petite. L’adjonction de chapelles se fera plus tard. Les voûtes sont romanes. Le choeur est en forme d’hémicycle régulier concentrant ses nervures sur deux pilastres. Le clocher sera plusieurs fois reconstruit. En 1824, fut construit un campanile en bois pour abriter une cloche. Un Yssingelais, mort en odeur de sainteté en 1833, y repose au pied d’une paroi intérieure, l’abbé Guy François de Lagarde, chanoine de Notre-Dame du Puy. 
En 1812, la chapelle des Pénitents connut quelques années de gloire puisqu’elle devint provisoirement église paroissiale jusqu’en 1827, date à laquelle la nouvelle église paroissiale est à peu près terminée. Elle permit en effet d’y poursuivre les exercices d’une grande Mission.

A la chapelle promue église paroissiale, il fallu quelques aménagements nécessités par la grande affluence des fidèles et pour faciliter les entrées et sorties. On ouvrit à droite une nouvelle porte et, on agrandit à gauche une chapelle. La sacristie fut aussi aménagée pour recevoir l’assistance. Des filles dévotes s’occupèrent du service de la chapelle… une chorale de jeunes fut mise sur pied et un instituteur en assurera la formation. 
L’annonce du couronnement de la Madone des Pénitents fut l’occasion d’une nouvelle restauration. Des cintres furent ouverts dans les murs des deux sacristies, de façon à en faire comme deux nefs, avec tribunes ; l’autel fut modifié ; la décoration et l’ameublement fut renouvelé ; de beaux vitraux furent installés, une sacristie fut faite et, enfin, fut fondue une couronne en or pour la Vierge. La municipalité devait refaire clocher et extérieur. 
Le Couronnement de Notre-Dame des Pénitents eut effectivement lieu le 21 juin 1953. C’est en 1952, que le pape Pie XII, à la demande de Mgr Joseph Chappe, alors évêque du Puy, avait autorisé le couronnement de l’antique statue de Notre-Dame. Voici reproduit un extrait de la lettre du pape Pie XII.

« Nous commettons à l’Évêque du Puy la mission d’imposer, en notre Nom et par notre Autorité au jour de son choix, après la solennelle célébration du Sacrifice, selon le rite et avec la formule qui sont prescrits, une Couronne d’Or à la statue appelée Notre-Dame des Pénitents, dans un sanctuaire de la cité d’Yssingeaux, au diocèse du Puy. Quant à Nous, Nous ne doutons pas que cette sainte et solennelle cérémonie, ne serve favorablement au bien de la Religion et au profit spirituel du Peuple chrétien et Nous avons également confiance que les habitants de la cité, bien plus, que les fidèles de tout le Diocèse du Puy seront par là même fortement incités à aimer toujours et toujours plus la Mère de Dieu… ».

Tournons donc nos regards vers la statue couronnée…

Elle est toujours bien visible sur le mitre-autel de la chapelle. 
Elle est faite en bois, mais la tête et le corps sont d’un travail différent. La tête est probablement la copie d’un modèle plus ancien. Le visage est aimable et souriant. Le corps est seulement ébauché et les bras ne sont qu’esquissés sur la poitrine.

Sous la Révolution, une tradition orale rapporte que la statue fut cachée pour un temps. Après les tourmentes de ce temps-là, le culte ne s’est plus interrompu. 
Ce fut l’Archevêque de Lyon, le Cardinal Gerlier accompagné de nombreux évêques et prêtres et au milieu d’une foule énorme, dans une cité Yssingelaise magnifiquement décorée… qui imposa la couronne d’or à Notre-Dame des Pénitents.

Remarquables sont aussi les deux angelots en bois doré aux pieds de la statue et sur le tabernacle de l’autel. Remarquable aussi leur venue à Yssingeaux ! Ils ont été, en effet, offerts par une Reine, Amélie du Portugal, qui mourut en 1951. Son intendant, M. Jouve, était un Yssingelais, qui avait passé toute sa jeunesse au service du Duc Philippe d’Orléans, frère d’Amélie. M. Jouve avait souvent parlé à la Reine de NotreDame des Pénitents, de sa restauration et de son prochain couronnement. Avant de mourir, comme une de ses dernières volontés, la Reine Amélie demanda qu’on détacha d’un panneau armorié les deux angelots pour les offrir à la Vierge d’Yssingeaux. 
A Yssingeaux, la dévotion à Notre-Dame est très ancienne. C’est une certitude, même s’il n’est pas possible d’en fixer exactement l’origine et les circonstances dans lesquelles cette dévotion prit naissance. Ce qui est sûr, c’est que dès le XVIe siècle la Vierge est honorée en ce lieu. Ce culte marial reste toujours vivant sous forme de neuvaine avant le 15 août, fête principale de Notre-Dame. Les aménagements nombreux sont preuve de l’attachement des Yssingelais à leur Madone. Les visites au sanctuaire sont nombreuses de la part des chrétiens du lieu ou de passage. Prières de louange ou d’intercession, c’est le secret des cœurs. Significatifs d’une réalité spirituelle sont tous ces cierges de dévotion qui brûlent à longueur d’année. Autel magnifiquement fleuri en toute saison… et jusqu’aux dons qui ont permis la récente restauration.

Abbé Maurice DÉCHAUD