En plein Gévaudan, dans les gorges sauvages et profondes de la Seuge, dans un lieu particulièrement sauvage et difficile d’accès, sur le territoire de la paroisse de Champels, non loin de la petite ville de Saugues, il y a le sanctuaire de la Reine du Gévaudan et de ses montagnes : Notre-Dame des Tours, appelée ordinairement Notre-Dame d’Estours.
Un peu de légende
Le culte de la Vierge y remonterait au temps « immémorial », où, selon la légende, la Vierge apparut à des petits pâtres dans la montagne, leur signifiant qu’« elle voulait ici recevoir la louange de son peuple et lui accorder ses bienfaits ». Peu après, on dit que des vachers de Cubelles trouvèrent, dans la fente quasi-inaccessible d’un rocher voisin dominant la Seuge, une statue de la Vierge, signalée par les meuglements persistants de boeufs, sur la rive opposée. On porta cette statue à l’église de Cubelles, puis de Monistrol d’Allier, puis de Saugues ; mais elle revenait toujours dans ses rochers, où l’on finit par lui construire un sanctuaire.
Un peu d’histoire
Les fondateurs de la chapelle et du pèlerinage semblent être des seigneurs locaux, les De Peyre et les Douchanès, qui firent construire, sur un terrain qui leur appartenait, une petite chapelle. Ce lieu s’appelait : « Les Tourns ». Au Moyen Age, ce mot de : « tourn » servait à désigner un promontoire qui s’avance sur le coude d’une rivière (Retournac, Tournon…). On est bien là, en effet, sur un éperon rocheux qui domine un lacet de la Seuge. On parlera plus volontiers de la chapelle des Tours, à cause du château féodal en ruines et bientôt de la chapelle d’Estours.
On y déposa la statue d’une Vierge de majesté, dont on ignore l’origine. On dit que, peut-être, elle a été rapportée des Croisades, par quelque chevalier du voisinage à son retour de Palestine. Ne serait-elle pas plutôt l’oeuvre d’un sculpteur local, soeur de Notre-Dame de Saugues, de La Chomette et de plusieurs autres qu’on retrouve dans les parages d’abbayes bénédictines, telles que Les Chazes, Lavaudieu ? Ce qui est sûr, c’est l’existence de la chapelle et de sa statue vers 1250 et la notoriété du pèlerinage grandissant avec le temps.
Statue de Notre-Dame d’Estours
La statue est une Vierge romane de majesté à l’allure majestueuse et hiératique. C’est la suzeraine qui présente son Fils à l’hommage de ses fidèles serviteurs. C’est la Vierge-prêtre offrant son Jésus au monde. Son costume est analogue à celui qu’on trouve au XIIe siècle dans les monastères de femmes en Auvergne. Elle tient sur ses genoux un enfant aux cheveux coupés ras et à la figure ingrate. Elle-même par contre, a un visage aux traits réguliers, dont émane une remarquable douceur. Ses cheveux sont cachés par un voile, relié à la robe par un galon circulaire, un genre de « pallium », décoré en son milieu par un gros bijou. Tout est équilibre et harmonie dans la retombée des plis vestimentaires. On retrouve le même costume qu’à La Chomette.
En 1464, un prieur est nommé à la chapelle d’Estours : le sanctuaire est donc très fréquenté. Son « patronage » passe à la famille d’Apchier. Celle-ci nomme le prieur, le choisit souvent parmi les membres du Collège de Saint Médard de Saugues. Le chapelain n’y réside pas mais assure une messe tous les dimanches et jours de fête, ce qui suppose une assemblée régulière et fournie.
Avec les heurs et les malheurs des temps
La région eut à souffrir des guerres de Religion. La petite chapelle fut démolie. On en profita pour l’agrandir lors de sa reconstruction vers 1560. C’est surtout par la suite que la dévotion y prospérera. L’histoire du pèlerinage d’Estours se ressentira des malheurs et de la prospérité des temps. Bravant les intempéries, l’hostilité naturelle du lieu, les pèlerins seront nombreux pour implorer la Vierge lors des famines, des épidémies, du pillage des bandes, lors surtout de la peur et des meurtres de la « bête féroce » la fameuse bête du Gévaudan qui a terrorisé la contrée de 1764 à 1767.
Des dons généreux ont permis par la suite des aménagements et des embellissements : à la chapelle sont venus s’ajouter un campanile, une statue plantée sur le rocher dominant une petite esplanade, un abri des pèlerins. Maître-autel, pavé, toiture ont agrémenté la chapelle. Les voies d’accès ont été sensiblement améliorées. Sa zone d’attraction est allée s’élargissant, des paroisses voisines au Gévaudan tout entier, à l’Auvergne par la vallée de l’Allier et à une grande partie du Velay. Beaucoup de prières exaucées, de grâces accordées, de guérisons et de faits miraculeux, de conversions aussi, ont justifié la popularité croissante de ce sanctuaire malgré ses difficultés d’accès. Ce pèlerinage a contribué à forger la foi et les convictions solides des habitants de ces rudes pays.
Le couronnement
L’ancienneté, la popularité et les prodiges constatés ont justifié le couronnement officiel de cette Vierge de nos montagnes. Il eut lieu le 7 septembre 1913. Il attira selon les journalistes de l’époque une dizaine de milliers de fidèles, ce qui est étonnant quand on connaît la configuration du site. 2 000 arrivèrent par le train, à la gare de Prades, à plus d’une heure de marche à pied du sanctuaire… D’autres arrivaient en groupes à travers les sentiers chantant des cantiques et récitant le chapelet, d’autres venaient en voiture à cheval jusqu’au chemin de La Vialle en terminant à pied. Ce fut un vrai pèlerinage, avec de la peine, de la prière, de la joie intérieure et la réception des sacrements. Cette journée est certainement la plus belle de l’histoire de Notre-Dame d’Estours. En tous cas son record d’affluence reste à battre.
Et aujourd’hui
Aujourd’hui, ce sanctuaire établi aux confins du Gévaudan et du Velay est de plus en plus à l’honneur. Chaque année, il voit accourir des foules. Durant les vacances d’été, les routes et les sentiers qui conduisent à son site admirable, sont encore pleins de gens et de jeunes, qui vont saluer la Mère de Dieu et lui confier quelque intention.
Actuellement, le pèlerinage a lieu le premier dimanche de septembre. Les pèlerins se rassemblent au croisement des routes de La Vialle d’Estours et de celle qui achemine au sanctuaire. Tout le monde descend en procession autour de la statue vers la chapelle. Après une messe solennelle sur l’esplanade, la statue reste exposée pour la dévotion des fidèles une grande partie de l’après-midi. Un grand nombre de paroissiens de la région du Val d’Allier sont fidèles à ce sanctuaire.