Agnès Ginhoux et Martine Curis
Migrants, réfugiés, « dublinés », mineurs non accompagnés les appellations ne manquent pour qualifier, les étrangers qui arrivent en quête d’un avenir meilleur. Derrière ces mots, qui impliquent des statuts administratifs différents, se cachent d’abord un espoir puis une souffrance voire de la détresse quand la situation stagne, que le titre de séjour, sésame tellement espéré n’est pas accordé.
– Reprenons les étapes de ce long et épuisant parcours du combattant.
Le migrant quitte un pays, fuyant une réalité plus ou moins violente et perçue comme insupportable, pour une destination dont il ignore souvent la langue, les codes sociaux, la culture.
Comment se passe l’arrivée en France ?
Le migrant dépose une demande d’asile, il a 3 mois pour le faire (durée réduite dans la nouvelle loi). En attendant que son dossier soit examiné par l’OFPRA (Office Français pour les Réfugiés et Apatrides). Il est alors dirigé vers un CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile). 2 existent en Haute-Loire : Langeac et Le Chambon sur Lignon.
Hébergé, avec une petite indemnité, le demandeur d’asile peut préparer son récit de vie et son entretien à l’OFPRA, commencer à apprendre le français (cours donnés par des bénévoles). Si son récit est reconnu crédible, il obtient alors le statut de réfugié (carte de 10 ans ou protection subsidiaire de 1 an renouvelable). Son horizon s’éclaire, on lui reconnait le droit de rester, vivre et travailler sur le territoire avec toutes les aides sociales existantes, le quotidien n’est certes pas facile et si le stress du renvoi au pays s’estompe, les traumatismes de l’exil laissent des séquelles douloureuses. 25 % des demandes d’asile connaissent cette issue. En Haute-Loire, les familles viennent de Syrie, d’Irak.
Si la réponse est négative, le demandeur d’asile peut tenter un recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Il est alors assisté d’un avocat. 15% des réexamens connaissent une issue favorable. Pour les autres, les déboutés, 60% environ, commence un chemin difficile, angoissant sous la menace permanente de l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) qui peut prendre forme à plus ou moins brève échéance, de l’assignation à résidence (signer plusieurs fois par semaine au commissariat) ou l’expulsion. C’est une expérience violente, traumatisante y compris pour ceux qui y assistent impuissants et honteux.
Ils quittent alors le CADA pour rejoindre l’hébergement d’urgence dit 115, chargé de la mise à l’abri et géré par l’association Le Tremplin au Puy, Trait d’Union dans le Brivadois. Ils entrent dans le monde des « illégitimes, des illégaux ». Ils n’ont pas de droit au travail, ne perçoivent aucun revenu, aucune prestation sociale. Deux droits persistent : la scolarisation des enfants et l’Aide Médicale d’Etat. A-t-on idée de la violence de ce déni ?
– Qui rencontrent-ils alors dans leur détresse ?
Des Associations humanitaires (Croix Rouge, Emmaüs, Secours Catholique, Secours Populaire) qui vont leur permettre de survivre : besoins alimentaires, vestiaires, aides ponctuelles diverses et contacts humains.
Des associations engagées pour les droits de l’homme et des migrants qui vont tenter de les accompagner dans d’autres démarches et de trouver des solutions administratives : RESF 43 (Réseau Education Sans Frontières) et la CIMADE afin d’obtenir une régularisation. Elles travaillent ensemble pour apporter des réponses cohérentes et efficaces aux besoins croissants.
Des bénévoles qui les accompagnent dans les démarches de santé et de soins, dans la scolarisation, l’apprentissage du français, qui leur apportent un peu de chaleur humaine, d’amitié, car ce sont bien ces liens qui se tissent.
Des bénévoles qui s’organisent en comités de soutien dans les communes ou certaines de ces familles sont logées : Blavozy, Lantriac, Laussonne, Lavoûte, St Germain Laprade, St Julien Chapteuil, Saint Hostien, Ste Florine. Autant de manifestations d’accueil, de rejet de l’indifférence une façon de manifester que le vivre ensemble est possible.
Avec les bénévoles, la rencontre ne commence pas par le récit de leur parcours (sauf nécessité pour la défense de leur dossier), la confiance amènera la confidence.
A les côtoyer, nous sommes saisis, malgré les difficultés qu’ils affrontent, par leur refus de repartir vers un pays qu’ils ont quitté pour des raisons qu’il ne nous appartient pas de juger. Les préjugés tombent au fur et à mesure des rencontres : « c’est pas pareil quand on les connait ». Ne laissons donc pas la peur gagner.
Quelques chiffres : 2 CADA, 1 CAO 27 familles déboutées (environ 120 personnes dont 66 enfants) Une centaine de MNA dont près de 50 hébergés par le réseau RESF Soit environ 500 personnes pour une population de Haute Loire de 227 000 habitants (qui parle d’invasion ?) D’où viennent-ils : Albanie, Kosovo, République du Congo, Tchétchénie
– D’autres vivent des parcours encore plus complexes
Les personnes qui ont laissé leurs empreintes et fait une demande d’asile dans un autre pays de l’espace Schengen, sont, lors de leur demande en France, renvoyés vers ce premier pays d’entrée en Europe en application des accords de Dublin, d’où le terme « dubliné ». Les Mineurs Non Accompagnés.
En tant que mineurs ils relèvent de la responsabilité et de l’autorité du Conseil Départemental. La capacité d’accueil du Département à travers le dispositif du DAMIE (Dispositif d’Accueil des Mineurs Isolés Étrangers) est de 56 places. Souvent leur minorité est mise en doute lors d’une évaluation rapide, ils se retrouvent alors à la rue et c’est la solidarité du réseau qui l’emporte. Ce réseau trouve des familles qui hébergent, nourrissent, accompagnent pour des durées de quelques semaines à quelques mois pendant lesquels on va rechercher des documents d’identité qui permettront de prouver leur minorité. Il se préoccupe aussi de leur santé, de leur scolarité voire de trouver des contrats d’apprentissage pour construire leur futur, c’est ce qu’ils sont venus chercher en Europe.
Ils arrivent de l’Afrique sub-saharienne (Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, République démocratique du Congo) par la Lybie, le Maroc, l’Italie.
56 accueillis au DAMIE Environ 37 jeunes accueillis dans des familles
Chaque famille, chaque jeune est une histoire à dépasser et à reconstruire. Ce sont aussi des rencontres, des amitiés qui se nouent, des parcelles d’humanité.
Le réseau n’est riche que de ses membres et de leur conviction. (Réunion RESF 2ème mercredi et dernier jeudi du mois, 18h30- Maison de la citoyenneté)
« Les demandeurs d’asile ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité » Pape François
Agnès Ginhoux et Martine Curis