Depuis environ 14 ans, une petite communauté des Sœurs de Saint-Joseph est implantée à Blavozy. Actuellement, elles sont 4 religieuses, plus une novice. Colette, 58 ans, originaire de la Haute-loire, est actuellement institutrice à l’école Saint-Berthe au Puy-en-Velay. Elle est responsable de la communauté. Hélène, 70 ans, native de Haute-Loire a été institutrice pendant 27 ans, puis a exercé sa mission auprès des personnes âgées. Actuellement, elle est à la retraite et assure un peu de bénévolat dans une maison de retraite des sœurs au Puy. Valentine, 46 ans, est née dans l’Aveyron. Elle travaille comme formatrice à l’I.S.V.T. dans le domaine agricole. Solenne, 26 ans, est originaire de l’Est de la France. Elle est en possession d’un D.E.A. de physique fondamentale. Pour le moment, elle fait sa deuxième année de noviciat. Jeanne-Françoise, 74 ans, a été institutrice, puis s’est reconvertie comme monitrice de gym douce. Elle est investie dans la paroisse pour la décoration florale de l’église. Elle était absente lors de l’entretien.

Pourquoi les Sœurs de Saint-Joseph ?

Solenne : C’est une question que je me suis posée après coup, alors que j’avais déjà répondu à ma vocation. Pour moi, c’était clair et net, la vie religieuse ne se concevait que dans la spiritualité ignatienne. En fait, c’est un peu au hasard des rencontres que mon choix s’est posé pour les sœurs de Saint-Joseph, et mon choix s’est confirmé et se confirme encore, jour après jour, alors que j’en connais certains qui cherchent encore.

Valentine : Mon chemin n’a pas été tout simple, mais une chose a toujours été claire pour moi : je voulais me consacrer à Dieu. Ce désir m’a habité très tôt. J’ai d’abord vécu plusieurs expériences dans ce sens là, dont une d’ailleurs, a été négative… 
Et puis j’ai découvert la spiritualité ignatienne. Tout de suite j’ai adhéré à cette vision de la vie chrétienne qui correspondait bien à mon objectif de vivre pleinement l’Evangile. J’ai connu le mouvement CVX (Communauté de Vie Chrétienne), j’ai rencontré des Sœurs de Saint-Joseph et peu à peu j’ai ouvert la possibilité de la vie religieuse. 
A cette époque là, j’étais accompagnée par un Jésuite, mais j’avais une vision assez négative de la vie religieuse, du coup je n’étais pas libre pour choisir. 
J’ai cheminé avec CVX, j‘ai grandi en liberté et je me suis reposé la question. J’étais alors accompagnée par une Sœur de Saint-Joseph, et j’ai participé à une retraite d’élection (retraite de 8 jours dans le but de discerner un choix de vie)…. j’ai lu la BD sur les Sœurs de Saint-Joseph… 
Entre l’expérience de la retraite et tout ce que je vivais, il y avait concordance. De plus, j’avais sympathisé avec un certain nombre de femmes avec qui je me sentais sur la même longueur d’onde, et avec qui je pouvais vivre. 
Finalement, c’est l’ensemble de tous ces signes, de tout ce cheminement qui m’a conduite ici.

Colette : Dans ma jeunesse, j’ai rencontré plusieurs femmes, laïques, exerçant des professions à caractère social, et qui m’ont beaucoup attiré. D’autre part, à l’école il y avait des religieuses et je les trouvais très heureuses : c’était des religieuses de Saint-Joseph, ce sont celles que j’ai le mieux connues. J’étais donc attirée par un certain style de vie. 
Je ne connaissais pas la spiritualité ignatienne, mais j’ai participé à une retraite d’élection. J’ai cheminé avec un jésuite pendant deux ans, et là je l’ai découverte : cette spiritualité m’allait bien. Il m’apparaissait très clair que j’étais appelée à la vie religieuse, mais je n’étais pas pressée. Mon accompagnateur m’a conseillé de ne pas trop attendre, il m’a aidé à faire le choix. 
Finalement, c’est donc en toute liberté que j’ai choisi les Sœurs de Saint-Joseph.

Hélène : Pour moi, c’est un peu différent car c’était une autre époque. Je sortais de ma petite campagne, je n’avais connu que les sœurs de Saint-Joseph à la pension où j’allais depuis l’âge de 7 ans, donc la question du choix ne se posait pas ! Ce qui m’a attiré vers la vie religieuse, c’est d’abord le témoignage de mes parents, puis celui d’un prêtre que j’ai connu. C’est grâce à eux que j’ai pu découvrir Dieu. A la maison, on faisait la prière tous les jours en famille. Papa enlevait sa casquette et se mettait à genoux, donc je me suis dit que Dieu devait être quelqu’un de très important pour que papa le respecte comme ça ! Le prêtre aussi, quand nous arrivions au catéchisme, était en train de prier. Il était très « captivé » par sa prière et n’entendait rien de ce qui se passait dehors. Puis, quand tout était calme, il se retournait, nous montrait le tabernacle et nous disait : « Ici, il y a quelqu’un qui vous aime ». 
A 16 ans, je suis partie de la maison pour aller chez les sœurs. Mon père est venu seul au Puy pour me voir et me dire : « tu es jeune, il y a encore du pain à la maison, choisis en toute liberté avant de t’engager ». J’étais très impressionnée par cette démarche remplie d’amour de mon père, mais j’ai dit : « je reste ! ». 
J’ai découvert l’Esprit Ignatien seulement lors de mes premiers « trente jours » (temps donné pour faire les exercices spirituels de Saint Ignace), j’avais 29 ans. Le noviciat n’était pas comme maintenant.

Plusieurs parmi vous ont une activité salariée, comment ça se passe au niveau choix de vie professionnelle ?

Colette : La plupart des sœurs exercent une activité professionnelle. D’autres ont des activités bénévoles. La mise en commun (des salaires, indemnités, retraites) permet de subvenir aux besoins de chacune et permet de vivre le partage avec les plus pauvres.

Valentine : Le choix du travail est fait par la supérieure générale, avec les sœurs du conseil. Bien sûr, il y a dialogue et nous pouvons en parler ensemble. Par exemple, pour les quatre premières années de ma vie religieuse, j’ai été envoyée à l’IPER à Lyon, pour faire des études à mi-temps, pendant que l’autre partie du temps était consacrée à un travail de surveillante. L’idée était d’avoir une formation un peu plus solide, tout en travaillant. Six mois avant la fin, la supérieure m’a demandé de faire le point, puis de chercher un travail. Je me suis donc mise à la recherche d’un poste. Plusieurs possibilités s’offraient à moi, et c’est avec la supérieure que la décision finale a été prise, selon plusieurs critères, afin que ma profession soit en accord avec ma vie religieuse. J’ai été « envoyée » par la communauté.

Solenne : Il se peut qu’on me demande à moi aussi de chercher du travail, mais pas forcément en lien avec les études que j’ai faites. Au noviciat, un discernement se fait sur notre activité apostolique. Deux jeunes professes ont fait leurs vœux ; la première avait fait 6 années de médecine. Après le noviciat, elle a repris l’internat. La seconde avait un BTS en gestion-communication, et à la sortie du noviciat, elle aurait dû travailler auprès d’handicapés ! ce qui n’avait rien à voir avec sa formation.

Hélène : Pour moi, voilà comment ça s’est passé : après mes vœux, la supérieure m’a emmenée en voiture, je ne savais pas où j’allais. Arrivée dans un village, elle m’a dit : « Voilà, c’est là que tu vas commencer ta mission. Tu feras l’école aux enfants ». Et j’ai enseigné pendant 27 ans !

Comment se passe le noviciat ?

Solenne : Le noviciat dure deux ans, c’est un temps de discernement. On va faire tout un travail d’approfondissement, de confirmation. Le premier trimestre de la première année nous prépare aux « trente jours », qui ont lieu au mois de janvier : temps durant lequel on va vivre les exercices de Saint-Ignace.. Au cours de cette année, il y a beaucoup de rencontres avec d’autres novices ignatiens. On fait aussi un stage de six semaines dans un lieu de pauvreté, qui est avant tout une expérience spirituelle.

Valentine : Durant l’été, c’est l’itinérance… ce qui nous permet de vivre une expérience inter-culturelle et inter-religieuse. Cette première année aide à tracer les grandes lignes de la vie religieuse. Elle se vit un peu comme un temps de retraite.

Solenne : La deuxième année est plus une orientation vers la mission. D’octobre à janvier, il y a un stage apostolique et communautaire, puis retour au noviciat. Après une petit temps de retraite et de relecture du stage, les études reprennent avec beaucoup d’intervenants jésuites sur des thèmes ciblés. Fin juin, les choses sont déjà décidées pour les vœux temporaires et l’orientation, qui ont lieu fin août.

Colette : Le noviciat est un lieu de conversion et de travail intérieur.

Comment faire communauté ?

Colette : On est envoyée dans une communauté, on ne la choisit pas. Il nous est donnée une mission personnelle à vivre au sein d’une communauté. Pour nous aider, il y a des lieux de référence, des constitutions. C’est l’Esprit-Saint qui nous rassemble.

Valentine : Concrètement, on essaye d’organiser la vie en fonction des activités et du travail de chacune. On se partage les tâches matérielles, on met en commun les salaires ou les revenus.

Hélène : La vie de prière nous rassemble, nous prenons un temps de prière communautaire chaque soir. Il y a aussi des temps d’oraison personnelle, des rencontres communautaires avec des temps de partage de la Parole, partage de vie, partage sur la mission…

Valentine : il y a aussi des temps de détente, très importants ! On marque les anniversaires et les fêtes, c’est une façon de vivre la tendresse, l’affection.

Parmi les vœux que vous prononcez, il y a le vœu d’obéissance. Comment le vivez-vous ?

Colette : La première obéissance est d’être active dans la mission où je suis envoyée. Une autre est d’écouter la Parole de Dieu et de la mettre en œuvre. Encore une est de vivre la Constitution… il y a donc plusieurs facettes à l’obéissance.

Valentine : L’obéissance se vit dans le dialogue. C’est une façon de vivre en liberté. Il y a dialogue, chemin, puis accueil de la décision.

Hélène : Le dialogue est réellement vécu maintenant, autrefois c’était beaucoup plus imposé. C’est le Concile Vatican II qui a fait bouger les choses.

Qu’avez-vous envie de dire sur votre vie de religieuses ?

Colette : Lors de ma retraite d’élection, j’ai eu le sentiment que ce serait un chemin de joie et un chemin de croix… C’est effectivement ce que je vis. Ca serait à refaire, je le referais. Je ne suis pas seule sur le chemin, Jésus-Christ m’accompagne.

Valentine : J’ai prononcé mes vœux en 2000, et depuis, j’ai la conviction que je ne pourrais pas être ailleurs que là où je suis. C’est vraiment ce chemin là qui correspond à mon désir. Il faut toujours approfondir, mais c’est vraiment le lieu et le moyen qui m’aide à vivre ce que je veux vraiment : approfondir ma relation au Christ et aux autres dans le service, être chrétienne. Cette vie m’apporte la stabilité.

Hélène : Je suis très sensible aux témoignages : savoir ce que les gens vivent quand je les rencontre. Jeune, j’ai découvert Dieu à travers mes parents et un prêtre. Maintenant, je découvre Dieu dans tous les petits évènements de la journée… Pour moi, ce qui est important, c’est être présente à ces évènements, ne pas chercher des choses trop compliquées.

Solenne : Il me vient une phrase de Saint Jean : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ». J’aime creuser ce que me dit l’Evangile, pour aller toujours plus loin dans la relation aux autres et dans la relation au Christ, à travers le service. 
Le noviciat m’aide à découvrir combien je savais peu ce qu’il est possible de donner, en tant qu’homme, si je mets ma vie dans celle du Christ. Il m’aide à découvrir davantage qui je suis pour donner davantage aux autres. Dans le noviciat, le Christ me fait découvrir l’abondance de ce qu’il est possible de donner.

Jeanne-Françoise : Je tiens à dire que je suis heureuse dans ma vocation de sœur de Saint-Joseph, même s’il faut passer parfois par divers déserts douloureux. Envoyée par ma supérieure générale au service de la mission apostolique et en communauté dans laquelle je suis, nous tendons à nous aider mutuellement dans le respect de chacune, tant avec mes sœurs, qu’avec les personnes côtoyées . 
A travers les ombres et les lumières de ma vie, suite à des relectures de celle-ci, et avec le recul nécessaire, dans la Foi, je peux dire que « tout est grâce » malgré tout, dans mon humble quotidien. 
Dieu offre toujours sa fidélité, ses grâces. Il faut veiller à maintenir le primat du spirituel : prier, ruminer la Parole de Dieu, oser témoigner, à l’occasion, en toute simplicité et humilité.

Voir aussi : Les Soeurs de Saint-Joseph

Germaine Peyrache, nov. 2003