19 mai 2018

Mgr Luc Crepy a présidé, le samedi 19 mai 2018, à Paray-le-Monial, les vœux perpétuels des Sœurs Apostoliques de Saint-Jean. Voici l’homélie qu’il a prononcée.

Chères Sœurs bientôt professes perpétuelles,

« Le Christ, vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi… » (1 P 1,8) et le Cantique des Cantiques nous dit aussi : « les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves l’emporter. » (Ct 8,7) En prononçant vos vœux perpétuels, vous allez entrer encore plus pleinement dans une histoire d’amour, commencée il y a déjà quelques années ; vous allez vous engager à vivre d’une manière nouvelle et particulière l’amour de Dieu que vous avez reçu le jour de votre baptême. Car il s’agit bien d’amour, d’un amour que le Père porte à tous, que le Christ révèle dans sa mort et sa résurrection et que l’Esprit de Pentecôte a mis au cœur des croyants. « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par son Esprit qui habite en nous. » [1]

Au cœur de votre profession de ce jour, confiantes en l’amour de Dieu, vous vous engagez à aimer, à aimer Dieu, à aimer vos sœurs et à aimer ceux et celles que le Seigneur mettra sur votre chemin dans votre vie apostolique. Oui, bienheureux et bienheureuses ceux et celles qui, sous le souffle du Saint-Esprit, aiment comme le Christ aime, pourrions-nous dire pour résumer les Béatitudes.

Depuis vingt siècles, la vie consacrée est un don de Dieu à l’Eglise et au monde : « elle est un don précieux et nécessaire pour le présent et pour l’avenir du Peuple de Dieu, parce qu’elle appartient de manière intime à sa vie, à sa sainteté et à sa mission. » [2] Oui, chères sœurs, votre engagement est un don pour toute l’Eglise ; il est un signe très vivant et très fort de l’amour de Dieu pour notre monde d’aujourd’hui. Saint Jean-Paul II affirme que la vie consacrée est au cœur de la vie de l’Eglise comme un élément décisif pour sa mission. [3] Comme le dit avec force sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, votre vocation de consacrées est bien d’abord d’être l’amour dans l’Eglise. Les consacrées nous le rappellent sans cesse, en témoignant, par toute leur existence, de l’amour dont elles sont aimées.

Mais quand nous parlons d’amour, ne nous laissons pas aller trop vite à des considérations sentimentales ou romantiques, mais gardons sans cesse en mémoire la définition de la vie consacrée dans les premières lignes de la grande exhortation apostolique Vita Consecrata : « Grâce à la profession des conseils évangéliques, les traits caractéristiques de Jésus — chaste, pauvre et obéissant — deviennent « visibles » au milieu du monde de manière exemplaire et permanente. » [4] Rendre visible les traits caractéristiques de Jésus, telle est la mission de la vie consacrée par la mise en œuvre, jour après jour, des conseils évangéliques. Plus simplement, comment notre manière de vivre rend-elle visible à tous ce qui caractérisait Jésus, c’est-à-dire sa manière très concrète d’aimer au quotidien ceux et celles qu’il rencontrait ? Comment les personnes qui vous côtoient, qui vous voient vivre seule et en communauté, qui vous écoutent… peuvent-elles découvrir à travers vous le visage de Jésus, le visage de celui qui s’est fait humble, ouvert à tous, cherchant la volonté du Père et non la sienne, capable d’aimer jusqu’au bout en donnant sa vie pour nous ? Si la vie consacrée est si précieuse pour l’Eglise, c’est parce qu’elle nous permet de suivre le Christ, non pas selon nos désirs ou notre imagination, mais dans la fidélité même à la manière dont Dieu s’est incarné en Jésus. Oui, le Fils de Dieu a vécu chastement, pauvrement et dans l’obéissance. Tel est le chemin que tout chrétien, voulant suivre le Christ, est appelé à prendre.

S’engager à vivre dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance, ce n’est donc pas simplement une manière de vivre, mais c’est témoigner du Christ lui-même. La dimension apostolique de votre vie religieuse est comme « irriguée » par ces trois vœux que vous allez prononcer dans quelques instants. Il s’agit bien, dans la Mission, de faire découvrir à tous, la personne du Christ. Ainsi, la vie consacrée est un chemin privilégié pour permettre à beaucoup de rencontrer le Christ, de mille et une manières certes, mais toujours en percevant le dynamisme profond d’amour du Christ chaste, pauvre et obéissant. Dans cette même perspective, nous pouvons entendre et relire toutes les Béatitudes.

Contrairement à ce que l’on pense souvent, les Béatitudes ne parlent pas d’abord de nous, mais de Dieu. Elles disent la proximité de Dieu envers notre humanité, et plus particulièrement envers ceux qui œuvrent pour un monde plus beau, plus juste, plus heureux. D’une certaine manière, elles nous tracent un portrait de Dieu dans son attention aux plus pauvres, aux artisans de paix, de justice, de consolation. Elles nous décrivent le Royaume inauguré par le Christ pauvre, chaste et obéissant et manifestent combien les traits caractéristiques de Jésus sont source de bonheur. Bienheureux ceux et celles qui mettent leur pas dans ceux du Christ et cherchent, dans leur vie, à aimer en vérité, à aimer comme Lui-même nous aime.

Votre profession perpétuelle, chères Sœurs, est bien une histoire d’amour, et par là même une histoire de foi et d’espérance. Et si le « perpétuel » de votre profession peut parfois vous faire peur ou vous remplir de crainte, vous savez que, par votre profession, vous entrez définitivement dans une famille, la famille Saint-Jean où vous pourrez compter sur vos sœurs et vos frères. A l’intérieur de votre institut se vit déjà profondément ce dont vous devrez témoigner par toute votre vie apostolique. Puisse la Vierge Marie – chaste, pauvre et obéissante à la suite de son Fils – vous accompagner et vous donner la joie d’aimer, de servir et d’obéir dans le beau chemin de vie que vous prenez aujourd’hui.

+ Luc Crepy Evêque du Puy-en-Velay

Notes

[1] Antienne d’ouverture de la messe de la veille au soir de la Pentecôte.

[2] Jean-Paul II, Vita Consecrata, § 3.

[3] Idem.

[4] Idem §1.