Homélie de la messe radiodiffusée sur R.C.F. Haute-Loire à Brives-Charensac
L’Avent : raviver les exigences de l’Evangile dans nos vies
Le temps de l’Avent n’est pas un temps pour s’assoupir ou s’endormir ! Dimanche dernier, Jésus nous demandait de veiller, d’être prêts pour sa venue. Aujourd’hui Isaïe invite à mettre un peu d’ordre dans nos vies, à laisser un peu plus de place à Dieu dans nos existences parfois très chargées ou trop confinées, à nous libérer des soucis quotidiens qui cachent l’horizon et nous empêchent de voir Dieu qui vient : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! Que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! » Dans nos vies, quelle route à construire, quel ravin à combler, quelle montagne à abaisser, quels escarpements à aplanir ?…
Selon l’expression courante, disons que le temps de l’Avent n’est pas « un long fleuve tranquille » mais un temps de conversion, de préparation des cœurs et de renouveau. Comme les foules dans le désert, laissons-nous interpeller par Jean-Baptiste qui, de manière un peu rugueuse et austère, invite à préparer le chemin du Seigneur (cf. Mc 1, 3), à accueillir celui qui est le Chemin, à marcher à sa suite d’une manière nouvelle.
Si l’Avent nous rappelle ainsi que la vie chrétienne ne s’attarde pas en chemin, ceci ne veut pas dire qu’elle n’est pas une vie heureuse, car le bonheur, c’est donner du sens à notre vie et nous savoir aimés. En effet, être chrétien, c’est chercher à vivre l’Evangile dans ce qu’il a de beau mais aussi accueillir ce qu’il a d’exigeant. Reconnaissons que ce n’est pas facile tous les jours, car suivre le Christ en cherchant la volonté de Dieu nous met souvent « sous tension » pour tenir ensemble des exigences qui, très concrètement, semblent, au premier abord, peu conciliables et pourtant si nécessaires. Ainsi le psaume de ce jour (Ps 84) nous décrit, en ce temps de l’Avent, la venue du Seigneur, de manière imagée mais très réaliste, comme le temps où la vérité et l’amour se rencontrent et où la justice et la paix s’embrassent !
Au premier abord, voilà de très belles paroles ! Mais, très concrètement, les mettre en pratique n’est pas si simple ! Conjuguer la vérité et l’amour : est-il possible de dire toute la vérité à quelqu’un qu’on aime ? La vérité peut être très dure à entendre. Mais l’amour qui n’ose pas faire la vérité, est-ce aimer vraiment ? Regardons dans l’Evangile, comment Jésus est capable de permettre à chacun d’être en vérité vis-à-vis de lui-même, sans que cette vérité – parfois lourde à porter – ne l’écrase. La vérité devient audible parce qu’elle est dite avec amour. L’amour peut grandir parce que chacun essaie d’être en vérité avec l’autre. En ce sens, une manière de vivre le temps de l’Avent, c’est accueillir cette invitation de Dieu à regarder en face nos relations aux autres, à être vigilants et à les vivre avec plus de vérité et d’amour.
De même conjuguer ensemble justice et paix, est, dans bien des cas, une situation difficilement tenable ! Faire cesser les injustices, et surtout ceux qui les commettent, ne se fait pas sans conflit. Nous voyons bien combien, dans le monde et dans notre société, faire régner une plus grande justice suscite des conflits armés ou des procédures judiciaires compliquées et passe souvent par la force. De même, comment envisager la paix entre les personnes quand l’injustice règne et que la discrimination oppose les uns et les autres ? Nous comprenons mieux la bonne nouvelle du Règne de Dieu que Jésus est venu inaugurer : un règne de justice et de paix ! « Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5, 3-12) nous dit-il dans les Béatitudes. Une fois encore, vivre selon l’Evangile, c’est oser travailler à ce que justice et paix ne s’opposent pas… sans doute en prenant le chemin de la réconciliation et du pardon.
Face à ces défis que pose l’Evangile, comme le dit le prophète Isaïe, que de montagnes à aplanir et de ravins à combler ! C’est pour cela que le Christ vient parmi nous, qu’il annonce un monde renouvelé par l’amour de Dieu, et qu’il donne sa vie jusqu’au bout pour qu’adviennent plus de vérité, d’amour, de justice et de paix. Le temps de l’Avent, c’est le temps de la venue du Christ hier, aujourd’hui et demain pour un monde plus juste, plus beau, plus vrai, plus fraternel. Nous sommes donc invités à chercher dans notre quotidien comment le Seigneur vient et accepter que sa venue change bien des choses, comme la naissance de ce petit enfant à la crèche a changé tant de choses depuis 2000 ans. Le pape Benoît XVI écrit : « L’Avent nous invite et nous encourage à contempler le Seigneur présent. La certitude de sa présence ne devrait-elle pas nous aider à voir le monde avec des yeux différents ? Ne devrait-elle pas nous aider à considérer toute notre existence comme une « visite », comme une façon dont Il peut venir à nous et devenir proche de nous, en toute situation ? [1]»
Tout au long de cette deuxième semaine de l’Avent, ouvrons les yeux pour voir la venue du Christ dans nos vies et regarder le monde d’une manière différente ! Amen !
[1] Benoît XVI, homélie du 28/11/2009.