Romains 8 ; 19-25

9 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : 20 livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée –, elle garde l’espérance, 21 car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.

22 Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. 23 Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. 24 Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. Or, voir ce qu’on espère n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment l’espérer encore ? 25 Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance. Traduction TOB

Méditation

A l’époque de Paul, les visions apocalyptiques du monde, dans l’attente du retour prochain du Messie sont assez courantes. Si aujourd’hui, notre foi ne se base plus forcément sur le retour imminent du Seigneur, il n’en demeure pas moins que nous pouvons nous sentir proche de la vision de Paul, vivant dans un monde d’incertitudes, de bouleversements divers, dont le bouleversement climatique n’est qu’un aspect.

Lorsqu’on s’occupe d’écologie en Eglise, on entend parfois des paroissiens nous dire “c’est quoi cette nouvelle mode de l’écologie, voire c’est quoi cette nouvelle religion”. L’extrait de la lettre de Paul nous montre que la préoccupation pour la création n’est pas nouvelle, même si le terme utilisé ici peut signifier “l’ensemble de l’humanité, le monde”. En effet, il faut se méfier des incompréhensions possibles dans ce texte.

Tout d’abord sur la création. Paul présente la création comme une mère souffrant les douleurs de l’enfantement. Il ne s’agit pas, bien sûr, malgré la personnification de faire de la création une nouvelle divinité. Alors pourquoi nous en préoccuper en Eglise ? Pour tous, la création est notre cadre de vie. Comme le nigaud qui coupe la branche sur laquelle il est assis, détruire notre cadre de vie, c’est dangereux pour tous les animaux et les plantes qui y vivent, mais c’est aussi dangereux pour nous les humains. Cela, n’importe qui peut le comprendre. Pour les chrétiens, la création c’est le don que Dieu nous confie.  Imaginons un instant qu’un ami nous confie un bien qu’il a créé avec tout son amour. Il a assez confiance en nous pour nous le confier. Qu’allons-nous en faire ? Déprécier ce bien ? En faire n’importe quoi voire l’endommager ? Non, nous imaginerions la déception, la douleur de notre ami en voyant ce que nous avons fait. Pour moi c’est un peu pareil pour la création : nous devons la respecter parce que nous n’en sommes pas les seuls bénéficiaires ; parce que nous essayons de respecter les autres créatures qui y vivent ; mais également parce Dieu nous l’a confiée, à moi, comme à toi, à vous, à nous. Nous en sommes responsables à la hauteur de nos moyens et plus nous avons d’argent ou de pouvoir, plus notre responsabilité est grande. Deux autres responsabilités nous incombent :

  • La révélation de la bonne nouvelle de Jésus-Christ : c’est une des premières choses que dit Paul : « 9Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu »
  • Nous qui « avons les prémices de l’Esprit », c’est-à-dire qui savons après quoi nous soupirons, qui pouvons donner un sens à notre attente, nous pouvons faire pour la Création ce que l’Esprit fait pour nous : intercéder.

Sur la notion d’espérance ne nous trompons pas non plus de sens. J’aime bien la définition qu’en fait Frédéric Lenoir : “l’espérance c’est ce qui reste quand il n’y a plus d’espoir”. Nous pouvons avoir l’espoir qu’il fera beau demain, mais face à certaines situations dans nos vies, seule l’espérance est possible. Face à l’urgence climatique, l’espoir est de plus en plus faible de redresser la barre, mais il nous reste l’espérance. L’espérance c’est cette ligne de crête où chaque pas peut-être fatal, mais où nous avançons quand même parce que quelque chose nous guide, quelque chose nous porte. Ce « quelque chose » nous l’appelons Dieu. Alors, certes, nous ne le voyons pas comme le dit Paul et pourtant, comme dans l’image de la mère qui souffre les douleurs de l’enfantement, alors que son enfant n’est pas encore né, il y a dans notre vie les germes, les prémices du royaume de Dieu : pas encore là et déjà là. Cette expression “douleurs de l’enfantement” est issue de la littérature rabbinique où elle est comprise comme décrivant les douleurs du Messie lors de sa venue. Elle trouve notamment son origine dans les prophéties d’Ésaïe 26,17 “Comme une femme enceinte, sur le point d’accoucher, se tord et crie au milieu de ses douleurs, Ainsi avons-nous été, loin de ta face, ô Éternel !”. C’est une image qui indique bien la préparation d’une grande joie à travers une souffrance libératrice.

L’espérance c’est ce Jésus nous a fait connaître de l’amour de Dieu chaque fois qu’il a dit à un ou une cabossée de la vie : “lève-toi et marche” ou “va ta foi ta sauvé(e)”.

A travers ce texte, nous parviennent des bribes d’une certaine conception de la place de l’être humain dans la création. Vivant une crise écologique qui menace de différentes manières tous les êtres de la création, nous pouvons, en tant que chrétiens, nous remettre en question, non pas pour nous culpabiliser mais pour, au contraire, retrouver dans les Écritures les paroles qui, comme celles de Paul, nous permettent de garder confiance dans l’épreuve parce qu’elles nous ouvrent une nouvelle perspective. Amen