Messe célébrée en la cathédrale du Puy-en-Velay le 15 janvier 2023

” Nous avons entendu la supérieure générale nous parler d’Anne-Marie Martel comme étant une pionnière de la nouvelle évangélisation.
Je crois que ce qualificatif va bien à Anne Marie Martel : « pionnière de la nouvelle évangélisation ».

Dans la vie d’Anne-Marie Martel il y a une intuition et une modernité.

  • L’intuition d’être simplement cette jeune femme qu’elle était : une jeune femme laïque, une paroissienne, une femme de notre cité, qui était issue d’une famille, pas pauvre mais pas riche non plus. Une femme qui vivait, qui a grandi dans une foi que je qualifierai d’ordinaire. Une femme qui vivait sans se faire remarquer et qui a eu cette intuition, qu’en tant que baptisée, elle devait témoigner de son baptême et cela d’une manière tout à fait ordinaire. Elle ne prétendait pas avoir quelque chose de plus et son intuition a été simplement de constater les besoins de son temps et d’essayer d’y répondre.

    Les besoins de son temps ?
    Au 17ème siècle, c’était de constater qu’il y avait des enfants, des adolescentes, des adultes dépourvus de toute instruction, sans catéchisme, sans formation. Elle a donc simplement décidé de les rassembler, de les réunir, de les instruire et de leur donner ce qui est nécessaire pour vivre en chrétiennes, avec cette intuition qu’elle ne pouvait pas le faire seule. Elle a rassemblé des compagnes autour d’elle et dans leurs maisons, dans tels ou tels lieux qui leur étaient prêtés, elles constituaient des petits groupes, des petites communautés, sous un règlement commun. Pas une règle, mais un simple règlement pour permettre justement aux cœurs de ces enfants, de ces adolescentes, de ces jeunes filles, de s’ouvrir pleinement à la Grâce de Dieu. Intuition toute simple qui pourrait être la nôtre.

    Quels sont les besoins de notre temps pour vivre l’Evangile ?  
    Nous avons, chacun d’entre nous – en tant que baptisés – à répondre aux besoins de notre temps, de notre jeunesse. Beaucoup se demandent : que dois-je faire ? Elle y a répondu par cette décision, pas une grande décision, mais en écoutant son cœur.

  • Une grande modernité, aussi parce qu’elle a compris que c’est par la communion que vient l’évangélisation. Sa modernité : c’est de croire qu’elle, en tant que femme, avait toute sa place dans l’œuvre de la mission. Elle ne se considérait pas comme investie d’un pouvoir particulier mais simplement de la grâce de son baptême.
    Grande modernité, car elle a agi en tant que laïque et en constituant ces communautés.
    Grande modernité car elle a compris qu’il fallait sortir, être en état « de sortie ». Elle a vu les besoins de son temps, ici au Puy, mais elle a aussi vu la situation des campagnes environnantes, de ces personnes qui vivaient loin du Seigneur, loin de l’Eglise. Alors, elle a décidé de sortir, d’aller vers ceux et celles qui attendent. Elle est sortie – et à travers l’œuvre des béates – elle a trouvé ce qui pourrait être encore aujourd’hui une œuvre d’évangélisation.
    Grande modernité que de faire en sorte d’incarner une présence, au sein d’une communauté, d’un quartier. Faire en sorte que le Seigneur soit présent au milieu de son peuple, simplement pour témoigner de l’Amour de Dieu : témoigner par la prière, témoigner par un service rendu. La béate était une simple femme, témoin de cet Amour, par une prière, par ce service à rendre, au milieu d’un quartier, d’un village, pour que le nom de Dieu soit présent, que le nom de Jésus soit présent au milieu de son peuple. 

Tout cela, Anne-Marie Martel-le faisait avec la force de la prière, de l’adoration et de l’oraison ; une oraison quotidienne. A travers un ascétisme très marqué par le 17ème siècle, qui faisait d’elle une femme qui a choisi la pauvreté dans le froid. Dans la simplicité de son vêtement, de la nourriture qu’elle prenait, par les pénitences qu’elle s’imposait – non pas des pénitences et un ascétisme d’un instant ou d’un jour – mais de toujours et de toute sa vie, avec cette permanence du don de soi qui la portait à donner aux plus petits, aux plus humbles et aux plus pauvres.

Voilà quelles furent l’intuition et la réalité d’Anne-Marie Martel qui nous apprend encore aujourd’hui, à nous-mêmes et à notre jeunesse, ce que nous avons à faire. Cette modernité : celle de cette jeune femme du 17ème siècle qui a pris sa place dans l’Eglise sans ne rien demander à personne. Elle a su quelle était sa place. Elle a pris cette place et a rayonné à la place que le Seigneur lui avait donnée.

Aujourd’hui encore, chacun d’entre nous, laïc ou autre, avons tous notre place dans l’Eglise, si nous savons la prendre pour évangéliser et témoigner de l’Amour de Jésus-Christ.

Dans l’Evangile de ce matin nous avons vu cette grande figure de Jean-Baptiste, celui qui a voulu diminuer pour laisser grandir en lui le Christ, comme Anne-Marie Martel. Celui qui a désigné le Christ comme l’Agneau de Dieu, cet Agneau de Dieu qui va être immolé. Jean-Baptiste désigne le Christ en disant que c’est cet homme qui vient derrière lui. Oui ! le Christ est toujours, d’une certaine manière, derrière nous : Il nous pousse, Il nous envoie, Il nous invite à préparer le chemin de la Grâce. Il nous invite à préparer le Chemin de l’Evangile. Il est derrière nous avant d’être en avant de nous : d’annoncer, de parler, d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut, de la grâce et à son heure, de changer le cœur de l’homme. Mais Celui qui vient derrière nous apparaît devant nous.
Oui ! le Christ apparaît devant nous. Chaque fois que nous avons son Nom sur nos lèvres, c’est le visage du Christ qui apparaît, dans celui à qui nous adressons une parole, dans ces enfants, ces adolescentes, ces jeunes femmes que rencontraient Anne-Marie Martel. Sur leurs visages, apparaissait le visage du Christ devant elle. Il est aujourd’hui encore devant nous pour que nous puissions le reconnaître et l’annoncer.”

Mgr Yves Baumgarten