Alain Soleilhac, mal voyant, bénévole aux Amis de Saint-Jacques et au Camino va repartir en tandem avec Gilles Chalaye, le président de l’association et leur ami Alain Crocfer. Après avoir parcouru la partie française l’année dernière, l’équipée entreprend le volet espagnol.

Il arrive que sur le chemin de la vie, les formes et les couleurs s’effacent progressivement. Pour Alain, voir était si naturel qu’il ne se rendait pas compte que cette épreuve le guetterait un jour au coin de la rue. La réalité quotidienne rencontrerait des limites qui réduiraient implacablement les projets légitimement désirés pour sa retraite. Cependant, même dans la tourmente, la vie continue à s’inviter malgré les appréhensions inattendues. Il faut répondre coûte que coûte à ses propositions ou accepter de squatter du matin au soir son canapé.

C’est alors que le malvoyant à décidé de bousculer un avenir promis à se dissimuler sous un voile inquiétant. Pourquoi ne pas suivre les pas des pèlerins de Saint Jacques, non pas à pied mais en optant pour un tandem qui lui offrirait la possibilité de bénéficier des bons yeux d’un pilote ?

Ils furent même deux à répondre à l’appel lancé par François aux adhérents de l’Association des Amis de Saint-Jacques et à celle des bénévoles du Camino. Aussitôt, Gilles leva le doigt pour se placer en pôle position. Mais celui-ci fut vite talonné par Alain qui avait été mis au courant par une amie. Et voici notre apprenti pèlerin flanqué de deux pilotes pour résoudre le problème d’asseoir trois cyclistes sur un vélo à deux places. Qu’à cela ne tienne, l’amicale complicité du trio pédaleur résolut la question en profitant du long temps de réflexion imposé par le virus. Au cours de dix-huit mois de patience, les trois cerveaux sportifs étaient fin prêts pour quitter Notre-Dame du Puy après la Messe des Pèlerins et dévaler vers la rue Saint-Jacques, en direction du gîte Du Sauvage, escortés d’un sympathique peloton d’amis proches.

L’objectif était de rallier Saint-Jean-Pied-de-Port en onze étapes pour la première partie du chemin. Si les sept cents cinquante kilomètres du périple furent agrémentés de courbatures et de suées conséquentes, si les crevaisons et les orages se montrèrent fidèles au rendez-vous, les moments d’amitié profonde, les rencontres pleines d’humanité et la dimension sacrée du Saint-Jacques, devaient imprimer pour toujours le cœur des trois hommes, chacun à leur façon, en leur donnant la conviction que ce chemin est véritablement habité par l’Esprit. Impossible d’en douter, que ce soit chaussés de Pataugas ou de cales pour pédales, les kilomètres qui s’accumulent vivifient le corps et élèvent l’âme qui pèlerine. Dans l’espoir de partager son expérience, Alain s’est initié à l’informatique adaptée aux déficients visuels en écrivant son témoignage qui sera édité aux éditions du Lys bleu d’ici quelques semaines sous le titre : “Un chemin à contre peur“. 

La certitude de se remettre en selle l’année suivante était acquise. Le chemin espagnol débutera à Navarrenx le 13 juin et ralliera Saint-Jacques en une douzaine de jours, où “nous remercierons le Saint de nous avoir accueillis et permis de mener à terme cette magnifique aventure humaine et spirituelle. Nous nous sommes préparés en créant même une association qui se nomme : Le tandem t’emmène. Elle a pour but d’encourager et de conseiller d’autres handicapés ainsi que leurs aidants à vivre la même expérience.”

L’année dernière, à l’occasion d’une conférence de presse, une sympathique réunion de soutien s’est tenue en présence des Pères Ollu et Dursapt. Le premier, après une bénédiction de l’équipage, a remis la crédenciale et le second a offert une touchante méditation sur le sens du pèlerinage.

Cette année, un nouveau départ se fera le 8 juin à 11h dans le jardin du Camino, rue de la Manécanterie, à l’ombre de Notre-Dame du Puy.
Vous y êtes très amicalement invités.